Un petit nombre de patients infectés par le VIH contrôlent spontanément la multiplication du virus en absence de thérapie antirétrovirale, et ne développent pas la maladie. Ces rares patients, nommés "HIV Controllers", semblent supprimer la réplication du VIH par une réponse immunitaire très efficace. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont observé chez ces patients, rassemblés au sein de la cohorte ANRS CO21 CODEX, que leurs cellules immunitaires T CD4+ ont la capacité de reconnaître des quantités minimes de virus. Cette détection particulièrement sensible dépend de l'expression de récepteurs T spécifiques situés à la surface des cellules immunitaires, ciblant avec une haute affinité la protéine de capside du VIH. L'expression préférentielle de ces récepteurs pourrait permettre le maintien du système immunitaire en état d'alerte constant, et contribuer ainsi au contrôle du VIH. Ces résultats sont publiés dans The Journal of Clinical Investigation.
Particules virales du VIH. © Institut Pasteur, Charles Dauguet
Les patients « HIV Controllers » représentent moins de 0,5% des patients infectés par le VIH. Ces personnes apportent la preuve que le système immunitaire humain peut dans certains cas résister aux effets délétères du VIH. Les HIV Controllers parviennent à maintenir une population de lymphocytes T CD4+ auxiliaires fonctionnels, alors que ces cellules sont détruites ou inactives chez les patients ayant progressé vers la maladie. L'étude des HIV Controllers a été rendue possible grâce à leur recrutement dans la cohorte ANRS CO21 CODEX, qui rassemble les rares patients contrôleurs du VIH en France. Les chercheurs de l'équipe de Lisa Chakrabarti (unité de Pathogénie virale à l’Institut Pasteur / unité Inserm U1108), en collaboration avec Olivier Lambotte (Hôpital de Bicêtre) ont alors pu analyser les réponses des cellules T CD4+ de ces patients au niveau moléculaire.
Les cellules T CD4+ des HIV Controllers sont capables, pour déclencher la réponse immunitaire anti-virale, de produire de nombreuses cytokines en réponse à de très faibles doses d’antigènes du VIH. L'étude a révélé que ces réponses très sensibles étaient dues à l’expression de récepteurs T (TCRs) particuliers à la surface des cellules T CD4+ des Controllers. Par comparaison, ces TCRs sont rarement retrouvés chez les patients traités. Les scientifiques ont montré en particulier que les TCR ciblant Gag293, le peptide le plus conservé de la capside du VIH, partageaient fréquemment la même séquence chez les Controllers. Ces TCRs dits "publics" montrent une forte affinité pour le peptide Gag293 lorsqu’il est présenté à la surface des cellules immunitaires. C’est cette forte affinité qui est responsable de la détection très sensible des cellules infectées chez les HIV Controllers. Le transfert de ces TCRs à des cellules saines suffit à conférer les propriétés typiques des cellules T CD4+ de Controllers, avec des réponses hautement sensibles et la production de multiples cytokines.
L'ensemble de l'étude montre que l'expression de TCRs de haute affinité est associée au contrôle spontané de l'infection à VIH. Des stratégies immunothérapeutiques visant à transférer ou à amplifier ces TCRs pourraient contribuer à rétablir des réponses antivirales efficaces chez les patients ayant progressé vers la maladie.
Ces travaux ont été financés par l’ANRS (France REcherche Nord & sud Sida-hiv Hépatites), l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), l’Institut Pasteur, le Conseil australien de la recherche (ARC) et le Conseil national de la santé et de la recherche médicale d'Australie (NHMRC).
Source
Public T cell receptors confer high-avidity CD4 responses to HIV controllers, Journal of Clinical Investigation, 25 avril 2016
Daniela Benati1, Moran Galperin1, Olivier Lambotte2,3,4,5, Stéphanie Gras6,7, Annick Lim8, Madhura Mukhopadhyay1, Alexandre Nouël1, Kristy-Anne Campbell6, Brigitte Lemercier8, Mathieu Claireaux1, Samia Hendou9, Pierre Lechat10, Pierre de Truchis11, Faroudy Boufassa9, Jamie Rossjohn6,7,12, Jean-François Delfraissy2,3,4, Fernando Arenzana-Seisdedos1,13, and Lisa A. Chakrabarti1, 13
1. Institut Pasteur, Viral Pathogenesis Unit, Paris, France.
2. INSERM U1184, Center for Immunology of Viral Infections and Autoimmune Diseases, Paris, France.
3. Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), Department of Internal Medicine and Clinical Immunology, University Hospital Paris Sud, Le Kremlin-Bicêtre, France.
4. Université Paris Sud, UMR1184, Le Kremlin-Bicêtre, France.
5. CEA, DSV/iMETI, Division of Immuno-Virology, IDMIT, France.
6. Infection and Immunity Program and Department of Biochemistry and Molecular Biology, Biomedicine Discovery Institute, and
7. Australian Research Council Centre of Excellence for Advanced Molecular Imaging, Monash University, Clayton, Victoria, Australia.
8. Institut Pasteur, Department of Immunology, Paris, France.
9. INSERM U1018, Center for Research in Epidemiology and Population Health (CESP), Le Kremlin-Bicêtre, France.
10. Institut Pasteur, Genomic Bioanalysis Group, Paris, France.
11. Raymond Poincaré Hospital, AP-HP, Infectious and Tropical Diseases Department, Garches, France.
12. Institute of Infection and Immunity, School of Medicine, Cardiff University, Cardiff, Wales, United Kingdom.
13. INSERM U1108, Paris, France.