Une équipe de chercheurs coordonnée par Jean-Michel Heard (Institut Pasteur/Unité Inserm 622) vient de démontrer la faisabilité et l'efficacité d'une thérapie génique par transfert de gène sur un modèle canin de la maladie de Hurler. En utilisant un vecteur de type AAV, les chercheurs ont pu corriger le défaut enzymatique dans la quasi-totalité du cerveau et obtenir la disparition des lésions anatomiques caractéristiques de la maladie.
Communiqué de presse
Paris, le 21 juin 2006
Ces travaux publiés dans la revue Annals of Neurology de mai 2006 sont issus d'un programme joint Institut Pasteur-AFM et ont été, en partie, financés grâce aux dons du Téléthon.
Correction du déficit enzymatique dans le cerveau de modèles canins
La maladie de Hurler est une forme grave de mucopolysaccharidose de type I (MPS I). Ces maladies génétiques dégénératives, transmises sur un mode autosomique récessif, sont dues au déficit d’une enzyme, l’alpha-L-iduronidase (IDUA), spécifiquement localisée dans un compartiment de la cellule, le lysosome. L’absence totale ou partielle de cette enzyme provoque l’accumulation, dans les lysosomes, de sucres anormaux et se traduit par des atteintes cliniques pouvant associer hernies, dysmorphie faciale, hirsutisme, limitations articulaires, dysostose multiple, nanisme, hépatosplénomégalie, atteintes cardiaque et respiratoire, surdité, opacités cornéennes, ainsi qu’une régression psychomotrice aboutissant en quelques années à un retard mental sévère. Les formes modérées de MPS I, caractérisées par une activité résiduelle de l’enzyme IDUA, touchent tous les organes à l’exception du cerveau. La maladie de Hurler, caractérisée, quant à elle, par l’absence totale d’enzyme, s’installe plus tôt dans le temps (vers l’âge de 18 mois) et se traduit rapidement par des signes neurologiques graves. On estime que les différentes formes de MPS I touchent une personne sur 100 000.
A l’heure actuelle, différents traitements peuvent être proposés, en fonction du degré de sévérité de la maladie. Dans les formes modérées, les atteintes cardiaques, respiratoire et à un moindre degré squelettique sont améliorées par l’injection d’enzyme recombinante. Cette enzyme ne pénétrant pas dans le cerveau, le traitement reste inefficace sur les atteintes neurologiques. Lorsqu’un donneur histocompatible peut être trouvé dans la famille, la greffe de moelle osseuse permet d’améliorer le pronostic vital et, si elle est pratiquée très tôt, de retarder et de diminuer la gravité des manifestations neurologiques. L’évolution reste toutefois incertaine et la proportion de patients greffés dont les fonctions psychomotrices peuvent être considérées comme normales à l’âge adulte est faible. C’est pour améliorer le pronostic neurologique que les chercheurs ont tenté d’apporter directement le gène de l’IDUA (identifié sur le chromosome 4) dans les cellules du système nerveux central, au moyen d’un vecteur viral.
Les chercheurs ont ainsi utilisé un vecteur de type AAV (adeno-associated virus) pour transférer le gène de l’IDUA dans le modèle canin de la maladie de Hurler. Les animaux atteints présentent une forme sévère de la maladie. Ils demandent énormément de soins et d’attention et beaucoup meurent avant l’âge où il serait possible de tenter un traitement. Les essais thérapeutiques ont été réalisés à l’Ecole Vétérinaire de Nantes. La diffusion des vecteurs et celle de l’enzyme a permis de corriger le déficit enzymatique dans la quasi-totalité du cerveau. Les chercheurs ont ainsi pu observer que l’apport de l’enzyme s’accompagnait d’une forte réduction des lésions anatomiques dans le cerveau. Ils ont également relevé la disparition des marqueurs biochimiques de la maladie.
Ce résultat montre qu’il est possible de restaurer, par thérapie génique, l’expression d’une protéine manquante dans le cerveau d’un chien malade, dont le volume s’approche de celui du cerveau d’un jeune enfant. Cette réussite permet aujourd’hui d’envisager la mise en place d’un essai thérapeutique chez l’enfant.
Il s’agira d’abord d’un essai de tolérance de phase I/II sur des enfants âgés de 18 mois à 4 ans, atteints de la maladie de Hurler. Pour ce faire, le laboratoire Généthon situé à Evry, produit à l’heure actuelle les lots de vecteurs qui serviront aux études toxicologiques et cliniques.
Cette étude a reçu un soutien financier de la part de l’association de malades Vaincre les Maladies Lysosomales (VML), du GIS-Institut des maladies rares, de l’Inserm et de l’AFM. Elle a été réalisée grâce à une collaboration entre les équipes de recherche dirigées par Philippe Moullier (CHU Hôtel-Dieu, Unité Inserm 649, Nantes), Yan Chérel (UMR INRA 703, Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes), Marie-Thérèse Vanier (Unité Inserm 189, Faculté de Médecine Lyon-Sud, Oullins), Irène Maire (Service de Biochimie Pédiatrique, Hôpital Debrousse, Lyon) et Jean-Michel Heard (Institut Pasteur, Unité Inserm 622), le Service de Neurochirurgie du CHU Nord de Nantes dirigé par Youen Lajat, le Service de Neurologie Pédiatrique de l’Hôpital Bicêtre à Paris dirigé par Marc Tardieu, les vétérinaires et le personnel du Centre de Boisbonne à l’Ecole Vétérinaire de Nantes et avec l’aide de Bertrand Schwartz à l’Inserm Transfert pour le suivi du projet.
Pour en savoir plus :
Gene therapy of the brain in the dog model of Hurler’s syndrome- Carine Ciron, Nathalie Desmaris, Marie-Anne Colle, Sylvie Raoul, Béatrice Joussemet, Lucie Vérot, Jérôme Ausseuil, Roseline Froissart, Françoise Roux, Yan Chérel, Nicolas Ferry, Yaouen Lajat, Bertrand Schwartz, Marie-Thérèse Vanier, Irène Maire, Marc Tardieu, Philippe Moullier, Jean-Michel Heard. Annals of Neurology (on line), 22 mai 2006.
Pour plus d’infos sur la maladie :
Association Vaincre les Maladies Lysosomales
Tél. : 01 69 75 40 30
Contact chercheur :
Jean-Michel Heard
Directeur Unité Inserm 622-Institut Pasteur " Rétrovirus et Transfert Génétique "
Institut Pasteur, Paris
Tél. : 01 45 68 82 46, jmheard@pasteur.fr
Contact presse :
Institut Pasteur - Nadine Peyrolo, 01 45 68 81 47, presse@pasteur.fr
AFM - Estelle Assaf, Mathilde Maufras, 01 69 47 28 28, presse@afm.genethon.fr
Inserm - Séverine Ciancia, presse@tolbiac.inserm.fr