Laboratoire de première ligne en cas d’alerte sanitaire, le Centre Pasteur du Cameroun fut tout naturellement désigné laboratoire de référence à la Covid-19 par les autorités sanitaires camerounaises dès 2020. Comment le Centre Pasteur du Cameroun a organisé la riposte contre ce nouveau virus émergent au niveau national tout au long de l’épidémie et comment aujourd’hui assure-t-il sa surveillance ?
Lors de la survenue de la pandémie de Covid-19, le Centre Pasteur du Cameroun a été mandaté par le ministère de la Santé publique camerounais pour mettre en place et décentraliser les activités de diagnostic moléculaire (RT-PCR) du SARS-CoV-2.
Grâce à des financements d’urgence de l’Agence française de développement (AFD), le Centre Pasteur du Cameroun a pu mobiliser et former du personnel supplémentaire mais également se fournir en équipements, réactifs et consommables afin d’absorber l’afflux d’échantillons. Au niveau régional l’Institut Pasteur de Dakar, dans sa mission de laboratoire de référence à la Covid-19 pour l’OMS, a collaboré avec le Centre Pasteur du Cameroun pour la formation du personnel, le contrôle de qualité et le séquençage des premiers cas, ce qui fut essentiel au début de l’épidémie pour les aider à se préparer et répondre à la pandémie.
Démultiplier la surveillance virologique pour mieux connaitre l’impact de ce nouveau virus
Afin d’avoir une vision plus fine de l’épidémie, la décentralisation aux laboratoires périphériques était essentielle. Ce ne sont pas moins de 17 laboratoires situés dans 9 des 10 régions qui composent le pays qui ont été identifiés, formés et équipés pour prendre en charge le diagnostic moléculaire de la Covid-19. Pour ce faire, un questionnaire a été transmis au préalable aux potentiels laboratoires périphériques. Puis des visites sur sites ont été organisées afin de vérifier le niveau de biosécurité et la disponibilité des équipements de biologie moléculaire. Dans un second temps, les experts du Centre Pasteur du Cameroun ont organisé sur site des formations en cascade sur le diagnostic moléculaire de la Covid-19.
Pour surveiller la circulation du virus dans ces neuf régions, il a fallu également équiper les laboratoires du réseau avec du matériel informatique et une connexion internet. Grâce à un logiciel de partage de données développé par le Centre Pasteur du Cameroun, ces 17 laboratoires ont pu transmettre en temps réel leurs données au niveau central tout au long de l’épidémie.
« Au Cameroun la situation de l’épidémie de Covid-19 est identique à celle des autres pays d’Afrique subsaharienne : le nombre de cas confirmés d’infections par le SARS-CoV-2 y est faible, probablement en raison d’une sous-estimation. », explique Prof Richard Njouom, chef du service de virologie.
Afin de mieux saisir l’impact de la pandémie et de suivre l’évolution du SARS-CoV-2 sur le continent africain, le Centre Pasteur du Cameroun a pris part au programme de recherche collaboratif appelé REPAIR, lancé avec l’ensemble des instituts africains membres du Pasteur Network.
Pour une meilleure compréhension de la circulation du SARS-CoV-2
Dans le cadre de ce programme de Recherche Pasteurienne Internationale en Réponse au Coronavirus en Afrique (REPAIR), ces travaux touchent à divers domaines : développement et évaluation des performances de tests diagnostiques, études d’épidémiologie moléculaire du virus, modélisation mathématique de sa diffusion…
« Au Centre Pasteur du Cameroun, nous avons développé un test colorimétrique LAMP, simple d’utilisation sur le terrain, qui est en cours d’évaluation au Cameroun et parmi les autres partenaires du projet REPAIR », relate Prof Richard Njouom. « Grâce au développement d’un maillage solide dans le diagnostic moléculaire de la Covid-19, à travers la décentralisation et le développement de test diagnostics rapides et simples d’utilisation, nous avons pu nous concentrer sur la surveillance des variants arrivés sur le territoire. »
Le séquençage, un enjeu pour surveiller les variants
Le séquençage est actuellement une technique essentielle pour étudier la diffusion du SARS-CoV-2 dans le temps et dans l’espace et traquer l’émergence de variants potentiellement dangereux. Cependant cette technologie nécessite des équipements supplémentaires ainsi que des ressources humaines formées en biotechnologie, excluant nombre de laboratoires. Lors de l’émergence des variants en 2021, le Centre Pasteur du Cameroun, a pu s’appuyer sur l’Institut Pasteur de Dakar qui procédait au séquençage de l’ensemble des échantillons envoyés. Cependant le délai entre l’envoi des échantillons et la réception des résultats ne permettait pas de pouvoir être suffisamment réactif face à l’évolution de l’épidémie. L’Institut Pasteur à Paris a équipé le laboratoire de virologie d’un séquenceur Minion permettant l’analyse du génome du virus.
« Nous avons ainsi pu mettre en place dès le mois de janvier 2021 une surveillance génomique qui s’est traduite par le séquençage de 116 génomes complets et environ 800 séquences partielles du SARS-CoV-2. Les résultats obtenus ont confirmé la circulation des variants alpha, bêta, delta et très récemment Omicron dans le pays. », rapporte le Prof Richard Njouom.
Très facile d’utilisation, le Minion ne permet cependant pas de séquencer en grand nombre. Intervient alors le projet AFROSCREEN dont l’objectif est de renforcer les capacités de séquençage du génome du SARS-CoV-2 de 25 laboratoires dans 13 pays d’Afrique subsaharienne. Ce renfort passera par de nouveaux équipements dont un séquenceur Illumina, des formations ainsi que des études épidémiologiques et de santé publique.
« Nous espérons que le réseau AFROSCREEN permettra de décupler notre effort dans le séquençage. L’autre intérêt de faire partie d’un réseau de cette taille, regroupant 13 pays africains, est le partage de connaissances et de données. », explique le Prof. Njouom. « Grâce au dépôt par le Centre Pasteur du Cameroun d’environ 200 séquences nucléotidiques du SARS-CoV-2 en circulation au Cameroun dans la base de données ouverte GISAID, il sera possible pour toute la communauté scientifique internationale de suivre et de mieux comprendre la circulation du virus dans la région. »
Le suivi du SARS-CoV-2 dans les eaux usées
Le diagnostic et le séquençage centrés sur les populations humaines ne reflète qu’imparfaitement la dynamique réelle de l’infection Covid-19, d’où l’importance de la modélisation pour obtenir des projections et anticiper les vagues épidémiques. Or cette capacité de modélisation fait encore défaut dans de nombreux pays en développement.
Il est donc nécessaire de développer des approches épidémiologiques alternatives. La recherche du SARS-CoV-2 et ses variants dans les eaux usées pourrait générer des données fiables complémentaires et des signaux d’alerte en amont d’une vague de contamination effectivement constatée.
Dans ce cadre, le Centre Pasteur du Cameroun, qui surveille déjà le virus de la polio dans les eaux usées, intègre le nouveau projet « Surveillance du SARS-Cov-2 dans les eaux usées » financé par l’AFD. Coordonné par l’Institut Pasteur à Paris en partenariat avec le réseau Obépine, il sera initié en pays en développement au premier semestre 2022.
Dans un premier temps, une phase de conception et de préparation sera mise en place à travers l’animation scientifique et les échanges entre experts et institutions des pays (à ce jour, 11 pays seraient intéressés pour y participer). Une deuxième phase de déploiement opérationnel sera implémentée dans un nombre plus restreint de pays qui satisferont aux prérequis identifiés en phase 1, pour la mise en place de la surveillance.
« La surveillance du SARS-CoV-2 dans les eaux usées permettra de modéliser la circulation du virus. Ayant du retard dans la vaccination de la population, il est primordial que nous puissions alerter précocement les autorités de santé en amont de l’épidémie afin qu’elles puissent déclencher des interventions de prévention ad hoc et par conséquent plus efficaces. » conclut le Prof. Richard Njouom