S'il était établi depuis plusieurs années que le cerveau adulte pouvait produire de nouveaux neurones, il restait encore à préciser les propriétés fournies par ces neurones formés tardivement. Quels avantages pouvaient-ils apporter que leurs semblables, générés peu après la naissance, ne pouvaient garantir ? Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS montrent que les nouveaux neurones produits chez l'adulte réagissent préférentiellement aux stimuli sensoriels associés à la récompense, et permettent d'accélérer l'association entre l'information sensorielle et cette récompense. Les neurones générés chez l'adulte sont ainsi aussi importants pour identifier le stimulus sensoriel que la valeur positive à laquelle cette expérience sensorielle est associée. Fait marquant, les neurones générés peu après la naissance sont incapables d'assurer cette même fonction. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS, le 19 février 2018.
Même si la plupart des neurones sont générés au cours du développement embryonnaire, certaines régions du cerveau des mammifères ont la capacité, à l’âge adulte, de renouveler continuellement leurs neurones. Si l’existence de ces néo-neurones adultes est désormais établie, de nombreuses questions sur la fonction et la manière dont ils s’intègrent dans leur territoire cible demeurent toujours sans réponse.
Aujourd’hui, l’équipe Perception et Mémoire (Institut Pasteur/CNRS), dirigée par Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche CNRS, apporte de nouveaux faits scientifiques qui révèlent le rôle particulier de ces neurones produits tardivement dans le cerveau adulte. Cette étude démontre ainsi que l’attribution de valeurs plaisantes aux expériences sensorielles repose étroitement sur l’activité des neurones produits chez l’adulte, et non ceux formés peu après la naissance. C’est grâce à l’activité de ces premiers qu’un sujet pourrait anticiper l’arrivée d’une récompense.
Pour cela, les chercheurs se sont intéressés à la production de nouveaux neurones chez des souris adultes, et plus particulièrement ceux qui s’intègrent dans la région du cerveau responsable de l’analyse des odeurs, le bulbe olfactif. Ces néo-neurones sont considérés comme des acteurs majeurs de flexibilité pour l’apprentissage et la mémoire des expériences sensorielles olfactives.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS ont constaté que les néo-neurones étaient capables de réagir différemment à une odeur en fonction des conséquences associées à cette expérience sensorielle, comme l’obtention ou non d’une récompense. Ils ont également montré qu’un apprentissage olfactif, durant lequel les souris doivent associer une odeur avec un renforcement positif, était facilité dès lors que les néo-neurones étaient activés. Finalement, la simple activation de ces neurones générés chez l’adulte pouvait être assimilée à une odeur prédictive d’une récompense.
En somme, c’est à travers la valeur attribuée aux sensations, et non à la simple identification de la nature de cette sensation, qu’il faut appréhender la fonction des neurones produits tardivement dans le cerveau adulte. Ce travail démontre que l’apprentissage motivé par l’obtention d’une récompense dépend étroitement de la neurogenèse du cerveau adulte.
Transposés à l’humain, ces résultats pourraient permettre de mieux appréhender le rôle joué par les néo-neurones de l’hippocampe adulte dans les processus d’apprentissage associatif.
Source
Adult-born neurons boost odor–reward association, Proceedings of National Academy of Science, 19 février 2018
Anne Grelat (1,2), Laura Benoit (1,2), Sébastien Wagner (1,2), Carine Moigneu (1,2), Pierre-Marie Lledo (1,2) and Mariana Alonso (1,2)
(1) Perception and Memory, Institut Pasteur, 25 rue du Docteur Roux, F-75724 Paris, France
(2) CNRS UMR3571, Institut Pasteur, 25 rue du Docteur Roux, F-75724 Paris, France