Des chercheurs présentent un nouveau modèle informatique (neurocomputationnel) du cerveau humain. Ce modèle pourrait combler le fossé entre l’intelligence artificielle et notre compréhension des mécanismes biologiques qui sous-tendent les troubles mentaux.
Une étude, réalisée par un groupe international de chercheurs*, présente un nouveau modèle neurocomputationnel du cerveau humain qui pourrait permettre de mieux comprendre la façon dont le cerveau développe des capacités cognitives complexes et de faire progresser la recherche sur l’intelligence artificielle neuronale.
Ce modèle décrit le développement neuronal sur trois niveaux hiérarchiques de traitement de l’information. Le premier niveau sensorimoteur explore comment l’activité interne du cerveau intègre des régularités statistiques à partir de la perception sous forme de schémas et les coordonne à l’action. Ensuite, le niveau cognitif examine la façon dont le cerveau combine ces schémas de manière contextuelle. Enfin, le niveau conscient considère comment le cerveau se dissocie du monde extérieur et manipule les schémas appris (par le biais de la mémoire) qui ne sont plus accessibles à la perception.
Le modèle démontre comment la convergence entre la neuroscience et l’intelligence artificielle met en évidence les mécanismes biologiques et les architectures cognitives qui peuvent alimenter le développement de la prochaine génération d’intelligence artificielle et même, à terme, conduire à une conscience artificielle. Pour atteindre cette étape, il faudra a priori intégrer également la dimension sociale de la cognition humaine.
Les prochains travaux doivent maintenant viser cette intégration. L’équipe a déjà réalisé la première simulation biophysique de deux cerveaux en interaction. Cet arrimage aux réalités biologiques et sociales permet déjà d’approfondir notre compréhension des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la cognition humaine et ses troubles, notamment l’autisme. Les futurs modèles feront un pont entre l’intelligence artificielle et le seul système connu doté d’une conscience sociale avancée : le cerveau humain.
Le financement de l’étude a été assuré par European Union’s Horizon 2020 Framework Programme for Research and Innovation, l’IVADO et le Fonds de recherche du Québec.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
* Groupe international de chercheurs de l’Institut Pasteur (Paris), de Sorbonne Université (Paris), du CHU Sainte-Justine (Montréal), de Mila – l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Montréal), et de l’Université de Montréal. Dont, concernant l’Institut Pasteur :
- Guillaume Dumas, chercheur à l’Institut Pasteur au moment du début de ces travaux, aujourd’hui chercheur au CHU Sainte-Justine, professeur agrégé à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, et membre académique associé, Mila - Institut québécois d'intelligence artificielle (Montréal).
- Jean-Pierre Changeux, neurobiologiste au département de Neuroscience de l’Institut Pasteur, ayant le prix ALBERT-EINSTEIN en 2018 notamment pour ces travaux sur le récepteur nicotinique de l’acétylcholine.
Source :
Multilevel Development of Cognitive Abilities in an Artificial Neural Network, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 19 septembre 2022
DOI : 10.1073/pnas.2201304119
Konstantin Volzhenina, Jean-Pierre Changeuxa, Guillaume Dumasab
aInstitut Pasteur, Paris, France
bMila - Quebec Artificial Intelligence Institute; CHU Sainte-Justine Research Center, Department of Psychiatry, Université de Montréal, Montréal, Canada