Listeria monocytogenes est la bactérie qui provoque la listériose. La contamination humaine par Listeria est essentiellement alimentaire. L’incidence dans les pays occidentaux est de quatre à six cas par millions d’habitants en moyenne, soit près de 400 cas par an en France. Le Docteur Caroline Charlier dans l’équipe du Professeur Marc Lecuit (Université Paris Descartes), tous deux travaillant dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, et l’Unité de Biologie des Infections (Institut Pasteur / Inserm), a publié le 27 janvier une étude de référence sur cette infection dans la revue Lancet Infectious Diseases. Ce travail a permis de caractériser la présentation clinique de la maladie et d’en identifier les facteurs pronostiques.
La listériose est une maladie à déclaration obligatoire en France depuis 1999. Le Centre national de référence des Listeria (CNRL), hébergé à l’Institut Pasteur et dirigé par Marc Lecuit, reçoit les souches isolées de patients et les souches d’origine alimentaire isolées par les laboratoires d’hygiène et de contrôle des aliments. Depuis 1998, 98% des cas signalés au niveau national ont été soumis au CNRL. C’est dans ce contexte que la cohorte MONALISA (Multicentric Observational National Analysis on Listeriosis and Listeria) a été mise en place. Cette nouvelle étude a permis de mettre au jour plusieurs facteurs de première importance concernant cette pathologie.
Deux catégories de la population sont principalement touchées : les femmes enceintes et les personnes âgées (+ 65 ans) et/ou présentant une ou plusieurs comorbidités (immunodépression, tumeurs malignes, cirrhose, diabète sucré, alcoolisme…). Chez les femmes enceintes, cette pathologie aboutit à une infection materno-fœtale ou materno-néonatale, sans risque pour la mère, mais très grave pour le fœtus ou le bébé. « En cas d’infection à Listeria monocytogenes, seules 5 % des grossesses se déroulent normalement » déclare le Docteur Caroline Charlier. L’infection de l’enfant se manifeste par des signes cutanés, une détresse respiratoire et des signes neurologiques et nécessite un traitement antibiotique, d’autant plus efficace qu’il est administré rapidement, mais qui n’empêche pas le pronostic vital de l’enfant d’être engagé.
Chez les personnes âgées et/ou présentant des comorbidités, l’infection à Listeria entraine deux types de maladies : une septicémie (infection du sang) ou une forme neurologique appelée neurolistériose. « Nos travaux ont montré que ces pathologies sont plus graves que ce que nous pensions jusqu’alors » déclare le Professeur Marc Lecuit. La septicémie en est la forme la plus sévère car elle touche les patients les plus fragiles. Du côté des neurolistérioses, on distingue celles qui prennent également une forme septicémique des autres. Dans les deux cas, le pronostic vital est fortement engagé même s’il reste meilleur dans le cas d’une neurolistériose non septicémique. « De façon globale, nous avons démontré que 2/3 des patients atteints d’une des formes de listériose décèdent ou conservent des séquelles » expliquent les chercheurs.
D’un point de vue thérapeutique, deux avancées concrètes ont été faites. D’une part, il y un intérêt thérapeutique évident à l’utilisation d’un antibiotique particulier nommé aminoglycoside (ou aminoside), alors que les recommandations médicales habituelles n’en indiquent pas la prescription. D’autre part, un effet délétère des corticoïdes prescrits dans le cas de ces infections a été démontré. « Ces deux faits ont des implications cliniques immédiates et concrètes. Cela permet, dès à présent, de mieux prendre en charge les patients » se réjouit Marc Lecuit. Une autre perspective de premier ordre ouverte par cette étude consiste en l’identification des risques génétiques de la maladie. « Certains patients ne présentant pas de facteurs de comorbidité attirent particulièrement notre attention » poursuit Marc Lecuit. Ces derniers sont en général plus jeunes que les autres et il est donc possible que leur infection soit favorisée par leur patrimoine génétique.
Cette étude a impliqué des personnels de l’université Paris Descartes, de l’AP-HP, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de Santé Publique France et a reçu le soutien financier de l’AP-HP via le programme hospitalier de recherche clinique, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de Santé Publique France.
Source
Clinical features and prognostic factors of listeriosis: the MONALISA national prospective cohort study, Lancet Infectious Diseases, 27 janvier 2017
Caroline Charlier MD1,2,3,4, Élodie Perrodeau MSc5, Alexandre Leclercq MSc1,2,3, Benoît Cazenave MD1, Benoît Pilmis MD1,4, Benoît Henry MD4,6, Amanda Lopes MD7, Mylène M. Maury PhD1,2,3, Alexandra Moura PhD2,3, François Goffinet MD8, Hélène Bracq Dieye1,2,3, Pierre Thouvenot1,2,3, Marie-Noëlle Ungeheuer MD9, Mathieu Tourdjman MD10, Véronique Goulet MD10, Henriette de Valk MD10, Prof. Olivier Lortholary MD4, Prof. Philippe Ravaud MD5,11 and Prof. Marc Lecuit MD1,2,3,4 on behalf of the MONALISA study group
1 Institut Pasteur, French National Reference Center and WHO Collaborating Center for Listeria , Paris, France
2 Institut Pasteur, Biology of Infection Unit, Paris, France
3 Inserm U1117, Paris, France
4 Paris Descartes University, Sorbonne Paris Cité, Necker-Pasteur Infectiology Centre, Necker-Enfants Malades
University Hospital, Institut Imagine, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris, France
5 Centre of Research in Epidemiology and Statistics Sorbonne Paris Cité, METHODS Team, UMR 1153, INSERM, Paris Descartes University, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
6 Pierre et Marie Curie University, Pitié Salpétrière University Hospital, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris, France
7 Denis Diderot University, Department of Internal Medicine, Lariboisière Hospital, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris, France
8 Paris Descartes University, Sorbonne Paris Cité, Port Royal Maternity, Department of Obstetrics, Cochin Port Royal Hospital, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris, France
9 Institut Pasteur, Center for Translational Science, ICAReB Biobanking Platform, Paris, France
10 Infectious Disease Department, The French Public Health Agency, Saint Maurice, France
11 Columbia University, Mailman School of Public Health, New York, NY, USA