Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’INRA viennent de découvrir chez la bactérie Listeria monocytogenes, responsable de la listériose, une mini-protéine présente chez de nombreuses autres bactéries, et qui lui permet de survivre lors d’une l’infection. Cette protéine constitue le lien, longtemps recherché, entre l’apparition d’un stress et le déclenchement d’un programme de défense engagé par la bactérie en réaction à un changement brutal d’environnement. Cette découverte a pu être réalisée grâce l’utilisation d’une approche nouvelle et extrêmement puissante, la N-terminomique. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Microbiology.
La bactérie Listeria monocytogenes est responsable de la listériose, une infection alimentaire rare mais sévère, notamment pour les femmes enceintes et leurs fœtus, et chez les personnes âgées. La bactérie est en outre un modèle expérimental de choix pour étudier les stratégies de défense des pathogènes contre les réactions de l’organisme qu’ils infectent.
C’est dans ce cadre que l’unité des Interactions bactéries-cellules (Institut Pasteur, Inserm, INRA), dirigée par Pascale Cossart, s’intéresse depuis de nombreuses années à Listeria. Les scientifiques publient cette semaine une étude pionnière décrivant pour la première fois l’application d’une technique très récente, la « N-terminomique », à Listeria. Cette technologie repère les sites de démarrage de la traduction des protéines et permet de faire l’inventaire de toutes les protéines produites par la bactérie, y compris les plus petites, indétectables par d’autres méthodes.
L’extrême précision de cette approche a révélé chez Listeria l’existence de six mini-protéines (de moins de 50 acides aminés), dont Prli42, une protéine présente également chez de nombreuses espèces bactériennes. Les scientifiques ont ensuite déterminé que Prli42 était une mini-protéine membranaire, et qu’elle interagissait à l’intérieur de la bactérie avec des composants analogues à ceux d’un important complexe de défense connu chez la bactérie Bacillus : le stressosome. Cette machinerie protéique est capable d’initier, en cas d’attaque – ou stress –, un vaste programme d’expression de gènes permettant à la bactérie de se protéger. Ainsi en découvrant Prli42 et en identifiant ses partenaires protéiques, les scientifiques ont ensuite pu démontrer l’existence, jusqu’alors insoupçonnée, d’un stressosome chez Listeria. Pour ce faire, ils l’ont reconstitué à partir de ses constituants purifiés et l’ont visualisé par microscopie électronique.
Les chercheurs sont allés plus loin en identifiant les sites d’interactions entre Prli42 et le stressosome et en décrivant la fonction précise de Prli42 : elle est capable de détecter le stress oxydatif (H2O2) auquel la bactérie est soumise, par exemple dans le sang ou les macrophages. Ce stress a pour conséquence d’activer à la membrane le stressosome. Celui-ci peut alors déclencher à son tour l’expression des gènes sigma B-dépendants, déjà identifiés comme acteurs clefs dans la défense en réponse aux stress, et en particulier les gènes de virulence.
L’ensemble de ces travaux a ainsi permis, grâce à la « N-terminomique », la découverte chez Listeria de Prli42, une mini-protéine relai longtemps recherchée et activatrice du stressosome. Ils ont mis en lumière pour la première fois comment ce gros complexe présent chez d’autres bactéries détecte le stress et induit une réponse adaptée, permettant in fine à la bactérie de survivre au cours de l’infection.
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Source
N-terminomics identifies Prli42, a membrane miniprotein conserved in Firmicutes and critical for stressosome activation in Listeria monocytogenes, Nature Microbiology, 13 janvier 2017.
Francis Impens1,2,3#, Nathalie Rolhion1,2,3#, Lilliana Radoshevich1,2,3#, Christophe Bécavin1,2,3,4, Mélodie Duval1,2,3, Jeffrey Mellin1,2,3, Francisco García del Portillo5, M. Graciela Pucciarelli5,6, Allison H. Williams7,8, Pascale Cossart1,2,3,*
(1) Institut Pasteur, unité des Interactions bactéries-cellules, département de Biologie cellulaire et infection, F-75015 Paris, France.
(2) Inserm, U604, F-75015 Paris, France.
(3) INRA, Unité sous-contrat 2020, F-75015 Paris, France.
(4) Institut Pasteur, Bioinformatics and Biostatistics Hub, C3BI, USR 3756 IP CNRS, Paris, France.
(5) Centro Nacional de Biotecnología-Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CNBCSIC), Madrid, Spain.
(6) Departamento de Biología Molecular, Universidad Autónoma de Madrid, Centro de Biología Molecular ‘Severo Ochoa’ (CBMSO-CSIC), Madrid, Spain.
(7) Institut Pasteur, unité des Biologie et génétique de la paroi bactérienne, département de Microbiologie, F-75015 Paris, France.
(8) Inserm, Groupe Avenir, F-75015 Paris, France.
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