Hantavirus

La maladie - Recommandations CNR Hantavirus

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RAPPEL SUR LES HANTAVIRUS

Les hantavirus sont regroupés au sein de la famille des Hantaviridae (ordre des Bunyavirales). Le génome de ces virus enveloppés comprend 3 molécules d’ARN simple brin de polarité négative, désignées S (« small »), M (« medium »), et L (« large ») codant respectivement la nucléoprotéine N, deux glycoprotéines d’enveloppe (Gn et Gc), et une ARN polymérase ARN-dépendante. Cinquante-trois espèces sont officiellement rapportées et le nombre de taxons décrits a augmenté récemment de manière importante. Près de 140 taxons sont reconnus actuellement et des hantavirus sont présents sur tous les continents. Chaque taxon viral est associé généralement à une seule espèce hôte naturel, incluant des rongeurs (rats, campagnoles, mulots), des insectivores (taupes, musaraignes), des chauves-souris (soit 47 espèces virales majoritairement de rongeurs regroupés au sein de la sous-famille des Mammantavirinae) mais aussi des poissons (5 espèces virales au sein de deux sous-familles Actantavirinae et Agantavirinae) et un reptile (1 espèce virale dans la sous-famille des Repantavirinae).

Le poids de l'infection par un hantavirus n'est connu que pour les rongeurs. L'infection est généralement inapparente même si des observations expérimentales ou dans la nature lors d’infection par certains hantavirus rapportent des baisses de poids, une agressivité accrue, et une longévité diminuée chez les individus infectés par rapport aux individus sains. L’infection de l’hôte naturel se traduit par une infection chronique au cours de laquelle le virus persiste dans les organes. La durée de virémie, de sécrétion, ou d’excrétion du virus varie suivant l’association espèce de virus – espèce d’hôte (elle est importante les deux premiers mois de l’infection du campagnol roussâtre [Myodes glareolus] par le virus Puumala présent en France mais diminue par la suite avec une persistance variable). La transmission du virus entre individus s’effectue par contact direct ou indirect via l’inhalation d’excrétats ou de sécrétions. Par ces mêmes voies, certains des hantavirus du genre Orthohantavirus associés aux rongeurs peuvent être transmis aux humains. La transmission inter-humaine est rare et n’a été décrite que dans le cas d’infection par l’hantavirus Andes au Chili. La transmission vectorielle des hantavirus n’est pas confirmée : les gamasidés et les trombiculidés en particulier pourraient être impliqués.

Ces virus quand ils sont zoonotiques causent chez l’homme 2 types de syndromes: soit une fièvre hémorragique avec syndrome rénal causée principalement par des hantavirus de l’Ancien Monde, soit un syndrome cardio pulmonaire causé essentiellement par des hantavirus du Nouveau Monde. Les deux syndromes peuvent être provoqués par une même espèce virale. C’est une maladie relativement rare dans certains pays (95 cas hospitalisés détectés en moyenne en France annuellement et de l’ordre d’une cinquantaine par an aux USA) mais plus fréquente dans d’autres (plusieurs centaines à milliers de cas par an en Allemagne et Scandinavie).

Les signes cliniques sont provoqués par la perméabilité vasculaire induite particulièrement par l’hantavirus, conduisant à une fuite plasmatique (les virus européens et asiatiques ayant un tropisme plutôt rénal et les hantavirus américains un tropisme plutôt pulmonaire). La période d’incubation varie de 1 à 6 semaines. La fièvre hémorragique avec syndrome rénal se décompose généralement en 5 phases : fébrile, hypotensive, oligurique, polyurique et convalescente. Durée de ces phases et sévérité (0,4 à 10% de létalité) dépendent en partie de l’espèce virale en cause. Les manifestations hémorragies macroscopiques sont présentes dans 15% des cas environ. Le syndrome cardio pulmonaire est un syndrome sévère d’apparition brutale avec défaillance respiratoire et cardiaque (létalité de l’ordre de 30 à 60%). Il n’y a pas de séquelle rapportée.

Le traitement de ces maladies est symptomatique. Aucun traitement spécifique n’est disponible, même si un traitement à base de ribavirine a montré un bénéfice clinique au cours d’une infection par un hantavirus de l’Ancien Monde (virus Hantaan). Le transfert de plasma humain contenant des anticorps anti-virus Andes a permis de réduire fortement la mortalité chez des patients infectés par ce virus. Ce résultat reste à confirmer lors d’un essai contrôlé randomisé. L’icatibant, un polypeptide synthétique, a été utilisé avec succès sur deux cas de forme sévère d’infection par le virus Puumala. Son succès thérapeutique reste à établir à grande échelle.

Des vaccins inactivés préparés sur cerveaux de souriceaux nouveau-nés ou sur cultures cellulaires contre les virus Hantaan et Seoul sont produits et utilisés uniquement en Chine et en Corée du Sud, mais avec une efficacité modérée. La prévention de l’infection consiste essentiellement à limiter les contacts avec les rongeurs, leurs sécrétions et excrétions.

La situation en Europe

Quatre espèces d’hantavirus zoonotiques circulent sur le continent européen : le virus Puumala, le virus Séoul, le virus Dobrava-Belgrade, et le virus Tula. Le virus Puumala est responsable du plus grand nombre de cas de fièvre hémorragique à syndrome rénal (forme clinique connue sous le nom de néphropathie épidémique) et circule en Europe du Nord et de l’Ouest avec un taux de létalité heureusement faible de l’ordre de 0,4%. Le virus Seoul est ubiquiste de par la distribution très large de son principal réservoir, le rat brun (Rattus norvegicus), mais les cas humains rapportés en Europe sont peu fréquents. Le virus Dobrava-Belgrade circule dans la région des Balkans et en Europe Centrale et est à l’origine d’atteintes humaines graves (taux de létalité jusqu’à 10%). Le virus Tula a été détecté seulement chez trois patients ayant bien récupéré.

D’autres hantavirus ont été détectés en Europe : le virus Tatenale chez le campagnol agreste (Microtus agrestis), les virus Nova et Bruges chez la taupe européenne (Talpa europaea), le virus Landiras chez la taupe d’Aquitaine (Talpa aquitania), les virus Seewis, Asikkala et Boginia chez la musaraigne carrelet (Sorex araneus), la musaraigne pigmée (Sorex minutus) et la musaraigne aquatique (Neomys fodiens), le virus Brno chez la chauve-souris noctule commune (Nyctalus noctula). Ces virus n’ont jusqu’à présent pas été détectés chez l’homme.

Cinq hantavirus, dont trois zoonotiques, ont été détectés en France métropolitaine :

  • la fièvre hémorragique à syndrome rénal y est causée principalement par le virus Puumala, identifié pour la première fois dans les années 1980. Le réservoir de ce virus est le campagnol roussâtre (Myodes glareolus anciennement dénommé Clethrionomys glareolus), qui vit en forêt ou bordure de forêts et, parfois, dans les bâtiments avoisinants. Bien que ce rongeur soit présent partout sur le territoire métropolitain, excepté sur le littoral méditerranéen, les cas dus au virus Puumala sont détectés chez des patients exposés à ce rongeur dans le quart Nord-Est du territoire. Le virus Puumala peut être à l'origine d'épidémies localisées.
  • des cas humains d’infection par le virus Seoul sont sporadiques et il n’y a pas pour le moment de localisation géographique particulière de ces infections. Depuis 2012, ce sont 10 cas humains d’infection par le virus Séoul qui ont été détectés, dont 3 cas à Paris.
  • le virus Tula a été détecté chez son réservoir le campagnol commun (Microtus arvalis) dans le massif du Jura, le Bas-Rhin et l’Aveyron. Ce rongeur est présent dans les milieux ouverts et lisières de forêts, partout en France sauf sur le littoral méditerranéen et la pointe de la Bretagne. Le virus a été détecté en 2015 chez un patient résidant et exposé à 60 km à l’Est de Paris et, plus récemment, en 2023 chez un enfant résidant et exposé à 40 kms au Nord-Ouest de Dijon.
  • le virus Nova a été détecté chez la taupe européenne (Talpa europaea) dans le Nord de la France. Jusqu’à présent, sa pathogénicité pour l’homme n’est pas connue.
  • très récemment, un nouvel hantavirus, le virus Landiras a été identifié chez la taupe d’Aquitaine (Talpa aquitania) dans le Sud-Ouest de la France. Tout comme le virus Nova, sa pathogénicité pour l’homme n’est pas connue.

Le campagnol Arvicola scherman présent en zone de prairie de moyenne montagne du Nord de l’Espagne à la Roumanie, a été trouvé porteur d’anticorps dirigés contre des hantavirus mais le virus responsable de cette séropositivité n’a pas été identifié.

Le réservoir du virus Dobrava-Belgrade, le mulot à collier (Apodemus flavicollis), est présent dans les forêts de tout le territoire excepté le littoral méditerranéen et le littoral atlantique, mais le virus n’a jamais été détecté en France chez l’homme (cas d’importation exceptés) ni chez l’animal.

Le réservoir du virus Tatenale, le campagnol agreste (Microtus agrestis), est présent dans les terrains assez humides, les champs cultivés, les friches et les broussailles en France métropolitaine mais cet hantavirus n’a été décrit jusqu’à présent qu’en Angleterre et pour le moment aucun cas humain n’y est associé.

Les musaraignes réservoirs des virus Seewis, Asikkala, et Boginia sont présentes sur le territoire en milieu rural. Ces virus présents dans plusieurs pays européens n’ont pas encore été décrits chez l’homme.

Le réservoir du virus Brno, la noctule commune (Nyctalus noctula), est présent en France. Cette chauve-souris, insectivore, migratrice et hibernant, exploite une grande variété de territoire (de la forêt à la ville). Ce virus décrit en République Tchèque n’a pas encore été trouvé chez l’homme.

Les hantavirus dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer

Sur le continent américain et en particulier dans plusieurs pays d'Amérique du sud d'autres espèces d'hantavirus circulent chez l’homme, responsables du syndrome cardio-pulmonaire, avec souvent un fort taux de létalité. En Guyane, -11 cas humains d’infection par un hantavirus ont été très récemment identifiés. Cinq de ces 11 cas ont été mortels. Ils ont été provoqués par un hantavirus décrit à l’occasion de ces cas, le virus Maripa, qui a ensuite été détecté chez deux espèces de rongeurs sauvages (Zygodontomys brevicauda et Oligoryzomys fulvescens). Ce virus est un variant de l’espèce Laguna Negra, responsable de syndrome cardio-pulmonaire en Amérique du Sud.

Dans les îles du sud-est de l’Océan Indien, le virus Mayotte décrit dans l’île éponyme est un variant du virus Thailand présent en Asie du Sud-Est, au Sri-Lankaet à Madagascar (variant Anjozorobe dans cette île). Ce virus est associé en particulier au rat noir (Rattus rattus) et le caractère zoonotique de ce virus n’est pas encore démontré.

Recommandations au public

Les mesures suivantes, recommandées en France pour prévenir les infections par le virus Puumala, s’appliquent à la plupart des hantavirus zoonotiques. Il s’agit essentiellement d’éviter les expositions aux rongeurs et à leurs déjections :

  • mettre un pansement étanche sur les plaies en cas de manipulation de bois ou de travail de la terre en bordure de forêt.
  • mettre des gants étanches pour manipuler des rongeurs morts ou vivants ou leurs nids.
  • mettre un masque FFP2 ou au moins se mettre dos au vent pour manipuler du bois ou de la terre.
  • éviter de rentrer dans des locaux fermés en forêt ou en bordure de forêt.
  • aérer et asperger d'eau (porter un masque FFP2 pendant l’opération) avant de nettoyer des locaux ayant été longtemps fermés, susceptibles d’avoir abrité des rongeurs.
  • ne pas fumer lors des activités ci-dessus (augmentation du risque d’infection).
  • dératiser les habitations (pièges ou nourriture empoisonnée).
  • placer la nourriture dans des endroits inaccessibles aux rongeurs.
  • empêcher l’accès des rongeurs dans les habitations en bouchant les ouvertures.
  • éliminer les abris utilisables par les rongeurs.

Consulter le dépliant "Les infections à hantavirus dues au virus Puumala"

Recommandations aux professionnels de santé

La transmission inter-humaine (en dehors de la transmission au cours de transfusion sanguine) n’a été décrite que pour une seule espèce d’hantavirus. Il s’agit de l’hantavirus sud-américain Andes qui a été transmis de patients à des proches mais également à du personnel soignant ou à des visiteurs de patients hospitalisés. La période de transmission virale la plus à risque de ce virus est la phase prodromique de la maladie, alors que le malade n’est souvent pas encore hospitalisé. Ce sont donc les proches qui sont les plus exposés, surtout lors de contacts très étroits (contact sexuel en particulier) ou de moment de vie dans des espaces confinés (chambre, véhicule).

A ce jour, il n’y a pas de recommandations spécifiques en matière de protection pour le personnel soignant face à un patient suspect d’être infecté par un hantavirus, surtout quand la suspicion porte sur un hantavirus autre qu’un hantavirus sud-américain.

Mis à jour le 27/06/2024

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