Tout savoir sur les méningites, un enjeu de santé publique
L’Organisation mondiale de la santé tient une réunion de haut niveau à l’Institut Pasteur, ce 26 avril 2024. L’enjeu : rappeler l’importance de lutter contre la méningite. Ou plutôt « les » méningites. Car cette maladie revêt des formes diverses, souvent graves, parfois foudroyantes. Mieux la connaître est donc essentiel. Quels sont les symptômes, comment la prévenir ? La vaccination est la solution, pour protéger les individus, mais aussi lutter contre les épidémies dans le monde. En France, trois méningites bactériennes les plus prédominantes chez l’enfant sont couvertes par la vaccination.
Sommaire
Avant-propos - Qu'est-ce que sont les méningites ?
Chiffres clé - Les méningites bactériennes aigües
Symptômes - Repérer les signes, le plus tôt possible
Actualité - Une feuille de route mondiale pour tenter d'éradiquer la méningite
Vaccin - Nouvelle recommandation vaccinale
Focus - Le CNR, l'expert biologique
Lutte et prévention - Pour en savoir plus
« Vaincre la méningite d’ici à 2030 » : c’est l’objectif affiché par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis quatre ans. Et c’est le thème de la réunion de haut niveau organisée ce 26 avril 2024 à l’Institut Pasteur. L’événement est accueilli par le gouvernement, en présence de Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, et se tient sous le haut patronage du président de la République. Le directeur général de l’OMS, les acteurs et actrices engagés dans cette feuille de route mondiale, pourront échanger et rappeler l’importance de lutter contre cette maladie encore meurtrière, aux implications majeures en termes de santé publique. Aujourd’hui, chaque année dans le monde, plus de 2,5 millions de personnes contractent une méningite bactérienne dont 500 000 cas de méningite due à un méningocoque.
Les méningites bactériennes sont les plus graves
Qu’est-ce qu’une méningite ? C’est une inflammation des méninges, les membranes qui enveloppent le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). « Cette barrière est assez costaud. Peu de choses peuvent la traverser, » explique le Pr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité Infections bactériennes invasives et du Centre national de référence des méningocoques (CNR) à l’Institut Pasteur. « Mais il arrive qu’un agent extérieur passe la barrière et pénètre dans l’espace entourant le cerveau. Cela génère une réaction inflammatoire : c’est la méningite. » Les méningites infectieuses peuvent être d’origine fongiques – véhiculées par un champignon -, virales – elles sont alors plus fréquentes et, dans la grande majorité des cas, bénignes. Enfin, elles peuvent être bactériennes : plus rares que les virales, elles sont très graves et parfois mortelles. En France, en 2023, 560 cas de méningites à méningocoques, et 59 décès ont été enregistrés. Au premier trimestre 2024, 180 personnes avaient été touchées.
Les méningites bactériennes sont des infections graves et foudroyantes (lire la fiche maladie de l’Institut Pasteur). Imprévisibles, elles peuvent toucher à tout âge, même des personnes en bonne santé. « Les méningites bactériennes aigües se manifestent par un commencement très soudain et une évolution rapide. Elles peuvent emporter une personne en très bonne santé en quelques heures. » Il est crucial de diagnostiquer rapidement pour pouvoir traiter immédiatement. Car, en l’absence de prise en charge, cette maladie est mortelle à 100 %. Et même lorsque le traitement a été fait de manière optimale, les méningites bactériennes aigües restent mortelles pour 10 à 15 % des patients. Enfin, « un quart des patients survivants gardent des séquelles handicapantes : système nerveux, audition, reins… Le coût familial, sociétal, économique de ces méningites est donc très lourd. » Reconnaître les symptômes, pour agir vite, est donc crucial.
Repérer les signes, le plus tôt possible
Diagnostiquer une méningite est souvent complexe. Mais des signes peuvent alerter, comme les plus connus : sensibilité à la lumière, raideur de la nuque… Si une personne présente ces symptômes, il convient de consulter un médecin en urgence. « Mais ils apparaissent à un stade déjà avancé de la maladie. Or les premiers symptômes, au stade précoce, sont non spécifiques, avertit le Pr Taha. En vingt ans, d’immenses progrès ont été réalisés dans l’identification des signes précoces et nous enseignons aux médecins à penser à la méningite des premières heures. Notamment chez les adolescents : pour cette tranche d’âge, on pense parfois devant un tableau abdominal, à tort, aux effets d’une fête trop arrosée… »
Dans tous les cas, si des taches rouges ou violacées apparaissent sur la peau, et persistent lorsque l’on appuie dessus, c’est le signe d’un purpura qui peut progresser rapidement à une forme fulgurante : le purpura fulminans. Ce signe avant-coureur peut être repéré sur les muqueuses (comme la bouche) chez des enfants à la peau noire. Dans tous cas, ce symptôme signe une urgence absolue : il faut contacter le SAMU (en appelant le 15) ou se rendre aux urgences les plus proches, le plus rapidement possible.
Dr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité Infections bactériennes invasives et du CNR Méningocoques et Haemophilus influenzae.
En vingt ans, d’immenses progrès ont été réalisés dans l’identification des signes précoces et nous enseignons aux médecins à penser à la méningite des premières heures. Notamment chez les adolescents : pour cette tranche d’âge, on pense parfois devant un tableau abdominal, à tort, aux effets d’une fête trop arrosée…
À chaque stade ses symptômes
- Les premiers signes (dans les premières heures) : fièvre mal tolérée, vomissements, maux de tête. Non spécifiques aux méningites, ils peuvent faire penser à une grippe ou une gastroentérite. Coloration anormale de la peau, douleurs aux jambes, maux de ventre ou diarrhées peuvent aussi être des signes. Pour les tout-petits, les parents doivent être attentifs au comportement général : « Il est important de se fier à son instinct, car si l’enfant n’est pas comme d’habitude, cela peut être un véritable signal d’alerte », souligne Muhamed-Kheir Taha.
- Les symptômes classiques : sensibilité à la lumière, maux de tête, raideur de la nuque, extrémités froides, vomissements en jet apparaissent dans un second temps. Mais pas forcément tous, ni dans un ordre particulier, ce qui peut être trompeur, surtout chez les nourrissons (infographie ci-dessous).
Face aux méningites bactériennes, la rapidité de la prise en charge est essentielle. En effet, pour les formes les plus foudroyantes (méningocoques, pneumocoques), la maladie évolue très vite et peut mener au décès dans les 24 heures après la survenue des premiers symptômes. Dès l’apparition de signes inquiétants, il faut consulter un médecin et de le tenir informé de l’évolution des symptômes. Le diagnostic biologique est effectué à l’hôpital, via une ponction lombaire. Un traitement adapté par antibiotiques est alors administré au malade et, en prévention, à l’entourage dans le cas du méningocoque. Mais le diagnostic des méningites étant particulièrement complexe, la vaccination des populations est capitale : c’est la seule mesure de prévention.
Une feuille de route mondiale pour tenter d’éradiquer la méningite
C’est pour cela que l’OMS a adopté la feuille de route « Vaincre la méningite en 2030 », lors de 73e Assemblée mondiale de la santé en 2020. Son objectif : réduire significativement le nombre de cas de méningites bactériennes aigües à l’échelle mondiale, pour qu’il n’y ait plus d’épidémies. « Globalement, aujourd’hui, les méningites à méningocoques sont devenues rares dans les pays du Nord. Ce sont surtout les pays du Sud qui connaissent encore de graves épidémies, avec des milliers de cas en quelques semaines… », explique Muhamed-Kheir Taha.
Eradiquer les épidémies de méningites les plus graves ? Pour le Pr Taha, qui est membre de la Technical Taskforce de la feuille de route de l’OMS, et responsable du Centre collaborateur de l’OMS pour les méningites bactériennes, c’est un objectif ambitieux mais atteignable... « si nous nous donnons, tous, les moyens d’assurer la surveillance, le diagnostic et le traitement (en rendant les médicaments accessibles aux populations). De même pour la prévention : les Etats doivent taper fort, en lançant de grandes campagnes de vaccination. » Les résultats de telles opérations sont souvent rapides. En Afrique subsaharienne, où les méningites sont un problème de santé publique majeur, des centaines de milliers de cas de méningite à méningocoque A se déclaraient chaque année… jusqu’à la mise en place, à partir de 2013, de la vaccination. « Depuis 2017, aucun cas n’a été détecté, et cela reste vrai aujourd’hui ! »
La réunion du 26 avril 2024, premier événement de haut niveau organisé dans le cadre du programme de l’OMS, permet aux acteurs de rappeler les enjeux et engagements, mais aussi récolter des fonds. Pour accélérer la recherche, notamment. Aujourd’hui, trois grands axes de travail animent la communauté scientifique impliquée dans la recherche sur les méningites. D’abord, il s’agit de comprendre pourquoi certaines bactéries, plus que d’autres, passent la barrière des méninges. Ensuite, pourquoi le système inflammatoire s’emballe : « Nous étudions la réaction de l’organisme pour comprendre pourquoi, dans certains cas, la réponse inflammatoire est exagérée et incontrôlée (tempête cytokinique). Ensuite, nous pensons pouvoir agir à ce niveau pour freiner les maladies. » Enfin, il faut continuer à développer de nouveaux vaccins, ciblant un maximum d’agents.
Nouvelle recommandation vaccinale
Quels vaccins sont disponibles en France aujourd’hui ? Ceux ciblant les souches qui circulent le plus sur le territoire national (lire ci-dessous). En France, Parmi les 11 vaccins obligatoires établis aujourd’hui pour le nourrisson, trois vaccins ciblent trois des quatre bactéries responsables de méningites bactériennes.
Quelles bactéries, quels vaccins ?
Voici les trois bactéries principalement responsables des méningites aiguës et les vaccins existants en France :
- Neisseria meningitidis (méningocoque) // Vaccins contre les sérogroupes A, C, W, Y et contre le B
- Streptococcus pneumoniae (pneumocoque) // Vaccin contre 13 sérotypes et bientôt contre 20 des sérotypes les plus répandus
- Haemophilus influenzae // Vaccin contre le sérotype B
En France la vaccination contre le méningocoque C est obligatoire, mais face au rebond des cas dus aux sérogroupes W et Y, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise de le rendre obligatoire le vaccin tétravalent contre le méningocoque ACWY chez tous les nourrissons, en remplacement du vaccin contre le seul groupe C, et le conseille chez les adolescents et les jeunes adultes. Autre recommandation : mettre en place l’obligation vaccinale pour le sérogroupe B. La HAS, pour rédiger ces conclusions, s’est appuyée sur les travaux menés par le Centre national de référence des méningocoques (CNR, lire ci-dessous) de l’Institut Pasteur, dirigé par le Pr Taha. Les travaux du CNR ont également été transmis à Santé publique France et à l’unité de Modélisation mathématique des maladies infectieuses de Simon Cauchemez (Pasteur) : pour les travaux de la HAS, elle s’est chargée de modéliser l’impact des différentes stratégies vaccinales envisagées.
Ces recommandations interviennent dans le contexte d’un rebond « post-covid ». Après l’arrêt des mesures sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19, les cas de méningites ont en effet explosé. Si 298 cas avaient été enregistrés entre janvier et septembre 2019, 421 cas l’ont été répertoriés entre janvier et septembre 2023, soit une augmentation de 36 % - avant même le pic hivernal.
Muhamed-Kheir Taha rappelle : « L’exemple de la vaccination contre le méningocoque C montre bien l’efficacité de l’obligation vaccinale pour améliorer la couverture des populations. Le vaccin contre le méningocoque C a été recommandé en France en 2010 pour tous les enfants âgés d’un an, avec rattrapage possible jusqu’à 24 ans. Entre 2010 et 2017, la stratégie vaccinale n’a pas fonctionné, la couverture chez les 16-24 ans étant trop faible. C’est l’introduction d’une dose à 5 mois en 2017 puis l’obligation vaccinale, en 2018, qui ont fait chuter la survenue de ce type de méningite. » L’entrée en vigueur de la nouvelle obligation vaccinale devrait prendre quelques mois… Et les résultats seront scrutés de près.
Bactéries Neisseria meningitidis adhérant à la surface de cellules épithéliales. Les diplocoques sont enchevêtrés dans des microvillosités d'origine cellulaires.
Crédit : Institut Pasteur/Perrine Bomme, Plate-Forme Microscopie Ultrastructurale, Guillaume Duménil, INSERM U970, Paris Centre de Recherche Cardiovasculaire, HEGP - Colorisation Jean-Marc Panaud.
Le CNR, l’expert biologique
Le Centre national de référence des méningocoques (CNR) de l’Institut Pasteur représente « l’expertise biologique » sur les méningites à méningocoques.et à Haemophilus influenzae en France. Il assume la surveillance épidémiologique, en collaboration avec Santé publique France. En France, le CNR reçoit les échantillons et souches des patients, qu’il analyse pour déterminer les souches impliquées (notamment, en séquençant le génome entier) et étudie leur résistance aux antibiotiques. En cas d’émergence de nouveaux clones/variants, il déclenche des alertes. Enfin, le centre participe activement à l’élaboration des stratégies vaccinales contre les infections invasives à méningocoque en France.
Pour en savoir plus
1. L'OMS et la France organisent une réunion de haut niveau pour lutter contre la méningite
Des leaders mondiaux soulignent la nécessité de vaincre la méningite - une cause majeure de handicap - lors d'une réunion de haut niveau organisée conjointement par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le gouvernement français, sous le Haut Patronage d'Emmanuel Macron, Président de la République française. L'événement aura lieu les 26 et 27 avril 2024 à l'Institut Pasteur et sera soutenu par d'éminents athlètes qui défendront cette cause avant les Jeux paralympiques de Paris.
Lire le communiqué de presse "L'OMS et la France organisent une réunion de haut niveau pour vaincre la méningite"
2. Le site web Vaccination Info Service et son espace Méningites et septicémies à méningocoques | Vaccination Info Service
Attention, les nouvelles recommandations vaccinales, plus récentes (exposée dans ce dossier), ne sont pas encore mentionnées sur ce site.