Les conférences scientifiques sont l’occasion pour les jeunes chercheuses et chercheurs de développer leurs carrières. Dans une étude menée à l’interface entre sociologie et analyse quantitative, des chercheuses démontrent que le genre des participants peut cependant influer sur cette réussite.
Bien que la diversité des genres favorise l’innovation, les femmes rencontrent des barrières plus importantes à l’évolution de leurs carrières scientifiques que leurs collègues masculins. Les JOBIM (Journées Ouvertes en Biologie, Informatique et Mathématiques), tenues en ligne en 2021, ont été l’occasion pour trois chercheuses de caractériser ces barrières. En mesurant l’impact du genre sur les prises de parole lors de ce symposium, les chercheuses ont mis en évidence une inégalité à laquelle nous ne prêtons pas souvent attention. « Au sein du public, la parité était certes atteinte, mais les femmes ont posé moitié moins de questions que les hommes, et ce indépendamment de leurs expériences professionnelles. Or gagner en visibilité est important pour faire progresser sa carrière, bien plus que d’être simplement présent aux conférences. Et c’est via cette différence subtile que se maintiennent les inégalités », déplore Hanna Julienne, ingénieure au sein du hub Bioinformatique et biostatistique de l’Institut Pasteur et autrice correspondante de l’étude.
De multiples freins à l’évolution professionnelle
Afin d’étudier cette problématique sous un angle sociologique, les chercheuses ont en parallèle soumis un questionnaire aux participants, et ont reçu quelques-uns d’entre eux en entretien. Les causes de ces différences de comportement sont alors devenues plus claires. « Nous avons mis en évidence plusieurs obstacles rencontrés par les femmes et les minorités de genre au cours de leurs carrières académiques. Des réactions négatives à leur discours, des propos les dissuadant de poursuivre une carrière dans la recherche, des discriminations de genre, ou encore du harcèlement sexuel… tant de facteurs qui expliquent pourquoi ces personnes se sentent moins légitimes à prendre la parole », explique Rachel Torchet, ingénieure au sein du hub et coautrice de l’étude.
Cette étude, parue le 7 juin 2023 dans la revue PLOS One, a été l’objet d’un article paru dans Nature Career. Fortes de leurs résultats, les chercheuses ont également émis des recommandations pour favoriser une égale visibilité entre hommes et femmes lors des conférences. « Nous pensons que tout le monde a son rôle à jouer pour viser l’égalité des genres, dans les conférences scientifiques et au-delà. Les organisateurs bien sûr, en favorisant des prises de parole plus équilibrées et en communiquant des valeurs inclusives ; mais aussi les intervenants et les membres du public, qui doivent eux aussi prêter attention à ces inégalités pour les combattre au laboratoire et à la maison », affirme Junhanlu Zhang, chercheuse au sein de l’Installation européenne de rayonnement synchrotron de Grenoble et autrice correspondante de l’étude.
Cette étude s’inscrit dans l’engagement de l’Institut Pasteur en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - Gender Equality Plan
Source
Gender-based disparities and biases in science: An observational study of a virtual conference, PLOS One, June 7, 2023.