Quelle est l’origine des ancêtres de nos poissons modernes ? Quelles espèces en découlent ? Une controverse scientifique vieille de 50 ans portait sur la question de savoir quel groupe, entre celui des poissons « arowanas » ou des « anguilles », était le plus ancien. Une étude d’INRAE, du CNRS, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du Muséum national d’Histoire naturelle, vient de mettre fin au débat en montrant par analyse génomique que ces poissons forment en réalité un seul et même groupe, baptisé du nom étrange de « eloposteoglossocephales ». Ces résultats, publiés dans Science, éclairent de façon nouvelle l’histoire évolutive des poissons.
Comprendre l’histoire évolutive des espèces grâce à leurs relations de parenté est une question essentielle et fait régulièrement l’objet de controverses scientifiques. L’une d’elle concerne la position, dans l’arbre de la vie, des trois plus anciens groupes de poissons téléostéens, apparus vers la fin du Jurassique (période qui s’étend de −201,3 à −145 millions d'années) et qui comprennent la plupart de nos poissons modernes. Ces trois groupes se composent des « arowanas », des « anguilles » et d’un groupe qui réunit toutes les autres espèces de poissons téléostéens. Dans les années 1970, les premières classifications, qui se basaient uniquement sur des critères anatomiques, avaient classifié les « arowanas » comme le groupe le plus ancien. Les approches modernes de classification, fondées sur l’utilisation de séquences ADN pour reconstruire l’histoire évolutive du vivant, plaçaient, elles, les « anguilles » comme le groupe le plus ancien. Depuis, la controverse s’est installée.
Et si les deux hypothèses étaient fausses ?
Pour étudier cette question, les scientifiques ont séquencé les génomes de plusieurs espèces du groupe « anguilles », parmi lesquelles l’anguille européenne, et la murène géante. Ils ont analysé les séquences d’ADN pour mieux connaître la structure et l’organisation des gènes au sein du génome. Ils ont ainsi pu reconstruire, de façon très fiable, les relations de parenté entre les différents poissons téléostéens, ce qui a conduit à mettre fin à la controverse sans gagnants, ni perdants : aucune des deux hypothèses n’était valide !
En effet, et de façon surprenante, les scientifiques ont découvert que les deux groupes des « anguilles » et des « arowanas » ne font en fait qu’un seul et même groupe dans l’histoire évolutive. Les chercheurs ont baptisé ce groupe « eloposteoglossocephales ». Ces résultats permettent de mettre fin à plus de cinquante ans de controverses sur l’histoire évolutive des branches maitresses de l’arbre de la vie des poissons téléostéens. Ils éclairent de façon nouvelle l’histoire évolutive des poissons et la compréhension des processus d’évolution.
Arbres de vie des poissons Téléostéens représentant les deux hypothèses de la controverse et sa résolution dans la présente étude.
Etude financée par l’ANR GenoFish
Source
Genome structures resolve the early diversification of teleost fishes, Science, 9 février 2023
Elise Parey, Alexandra Louis, Jerome Montfort, Olivier Bouchez, Céline Roques, Carole Iampietro, Jerome Lluch, Adrien Castinel, Cécile Donnadieu, Thomas Desvignes, Christabel FloiBucao, Elodie Jouanno, Ming Wen, Sahar Mejri, Ron Dirks, Hans Jansen, Christiaan Henkel, Wei-Jen Chen, Margot Zahm, Cédric Cabau, Christophe Klopp, Andrew Thompson, Marc Robinson-Rechavi, Ingo Braasch, Guillaume Lecointre, Julien Bobe, John H. Postlethwait, Camille Berthelot, Hugues Roest Crollius, Yann Guiguen