Les résultats d'une étude de chercheurs de l'Institut Pasteur illustrent le mode d’action de petits ARN non codants en tant que molécules épigénétiques capables de transmettre des traits à travers les générations, au-delà de l’information codée dans nos génomes. En utilisant le nématode Caenorhabditis elegans, ils montrent que l’héritage de petits ARN antisens aux gènes d’histones nuit progressivement à la fertilité des vers, jusqu’à les rendre stériles.
Les ARN interagissant avec Piwi (ARNpi) sont considérés comme les « gardiens du génome » en raison de leur capacité à en réprimer les éléments transposables et à en préserver l’intégrité dans les lignées germinales animales. La mutation de la voie des ARNpi provoque la stérilité chez de nombreux animaux, dont l’Homme. Cependant, chez le nématode Caenorhabditis elegans, les ARNpi mutants sont d’abord fertiles avant de devenir stériles des générations après. Notre étude révèle la cause de ce phénomène transgénérationnel. Les chercheurs montrent que la perte de fertilité transgénérationnelle des ARNpi mutants ne relève pas de la dérépression d’éléments répétitifs, comme on le pensait jusqu’ici, mais plutôt du silençage épigénétique de tous les gènes d’histones réplicatifs. Leur travail contribue, par conséquent, à modifier le dogme actuel selon lequel la régulation positive des éléments répétitifs sous-tend la stérilité des ARNpi mutants. Par ailleurs, Ils démontrent que la transmission d’un pool de petits ARN antisens aux gènes d’histones de vers de type sauvage affecte épigénétiquement leur fertilité. Pour finir, nous disséquons le mécanisme moléculaire de génération et de transmission transgénérationnelle de petits ARN antisens aux gènes d’histones dans des ARNpi mutants. Globalement, leurs découvertes font progresser le concept selon lequel de petits ARN servent de molécules épigénétiques de transmission de traits entre les générations.
Souce : Nature cell biology, Feb 03, 2020. doi : 10.1038/s41556-020-0462-7