La tuberculose fait partie des maladies infectieuses les plus mortelles au monde et a été la plus mortelle dans l’histoire de l’Europe. Elle est généralement causée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Des chercheurs ont étudié l’impact des épidémies de tuberculose sur le génome humain au cours des 10 000 dernières années.
Notre génome est en partie le fruit de la sélection naturelle. Les gènes qui augmentent nos chances de survie acquièrent une proportion plus importante dans la population, et ceux qui portent atteinte à la santé des individus vont progressivement décroitre, voire disparaitre. La génétique des populations est l’étude de la diversité génétique et de son évolution dans une population. « On a utilisé ici la génétique des populations pour reconstruire l’histoire d’une épidémie », explique Lluis Quintana-Murci, responsable de l’unité Génétique évolutive humaine à l’Institut Pasteur.
Epidémiologie et génétique des populations
« Nous descendons des générations qui ont survécu à beaucoup de menaces – dont les grandes épidémies comme la peste noire, la grippe espagnole ou la tuberculose, poursuit Lluis Quintana-Murci. Nous avons utilisé la génétique des populations pour comprendre comment la sélection naturelle a agi sur nos génomes ».
Diminution de la fréquence d’un variant impliqué dans la réponse à la tuberculose
L’équipe de chercheurs a étudié l’évolution du variant P1104A du gène TYK2 en Europe. Ce variant – ou gène muté –, impliqué dans la réponse immunitaire, est associé à une augmentation du risque de tomber malade après une infection par Mycobacterium tuberculosis. Grâce à une base de données de plus de 1000 génomes d’européens ayant vécu dans les 10 000 dernières années, les chercheurs ont pu déterminer que ce variant est apparu il y a plus de 30 000 ans. « Si un individu, dont le génome comptait deux copies de ce variant, rencontrait Mycobacterium tuberculosis, il risquait fort de tomber malade », souligne Gaspard Kerner, chercheur dans l’unité, premier auteur de l’étude. D’une façon surprenante, il y a environ 2000 ans, à l’âge du bronze, la fréquence du variant de risque a fortement décru. Cette sélection négative, que les chercheurs estiment être parmi les plus fortes du génome humain, est corrélée au début des épidémies de tuberculose en Europe, moment où la forme actuelle des souches de Mycobacterium tuberculosis est devenue prévalent.
Génétique évolutive et maladies infectieuses
Ces travaux sont non seulement utiles à faire progresser les connaissances en génétique évolutive, et à comprendre comment la sélection naturelle et la génétique influence la variabilité du système immunitaire. Ils sont aussi complémentaires d’autres types d’études immunologiques, et permettent d’étudier le rôle de divers variants dans les maladies infectieuses.
Source :
Human ancient DNA analyses reveal the high burden of tuberculosis in Europeans over the last 2,000 years, The American Journal of Human Genetics, 4 mars 2021
Gaspard Kerner1,2,3, Guillaume Laval1, Etienne Patin1, Stéphanie Boisson-Dupuis2,3,4, Laurent Abel2,3,4, Jean-Laurent Casanova2,3,4,5,6,8, and Lluis Quintana-Murci1,7,8
1Human Evolutionary Genetics Unit, Institut Pasteur, UMR2000, CNRS, 75015 Paris, France;
2Laboratory of Human Genetics of Infectious Diseases, Necker Branch, INSERM UMR 1163, Necker Hospital for Sick Children, 75015 Paris, France;
3Paris University, Imagine Institute, 75015 Paris, France;
4St. Giles Laboratory of Human Genetics of Infectious Diseases, Rockefeller Branch, Rockefeller University, New York, NY 10065, USA;
5Pediatric Hematology-Immunology Unit, Necker Hospital for Sick Children, AP-HP, 75015 Paris, France, EU;
6Howard Hughes Medical Institute, New York, NY 10065, USA;
7Chair of Human Genomics and Evolution, Colle`ge de France, 75005 Paris, France
8These authors contributed equally