Le paludisme est une maladie transmise par des moustiques, vecteurs de parasites du genre Plasmodium. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec des physiciens spécialisés au Brésil et en Allemagne, ont découvert la stratégie d’exploration des parasites pour rentrer en contact avec la circulation sanguine.
Les parasites du genre Plasmodium sont la cause du paludisme. Ils infectent l’être humain par le biais d’un moustique lui-même infecté. Une fois déposé dans la peau lors d’une piqûre, le parasite se déplace dans le tissu à la recherche d’un vaisseau sanguin dont il doit ensuite franchir la paroi afin de rejoindre la circulation sanguine puis le foie où l’infection se poursuit. Ces parasites perdent graduellement leur capacité à migrer dans le tissu et ne disposent que d’une période limitée (1 à 2 heures) pour localiser et envahir les vaisseaux sanguins.
Un déplacement stratégique du parasite responsable du paludisme mis en évidence
Dans une étude récente publiée dans la revue Nature Communications, Rogerio Amino, responsable de l’unité Infection et immunité paludéenne à l’Institut Pasteur, et Pauline Formaglio, chercheuse post-doctorante son équipe, ont mis en évidence la stratégie d’exploration mise en œuvre par le parasite pour optimiser sa dissémination dans le sang. Il utilise deux types de motilités pour explorer l’environnement cutané :
- une haute motilité caractérisée par des phases de déplacements à grande vitesse en quasi-ligne droite lorsqu’il progresse dans le tissu ;
- une basse motilité caractérisée par des déplacements plus lents à proximité des vaisseaux sanguins qui lui permet de scanner localement la surface de ces derniers.
« Nos travaux démontrent que, pour accéder à la circulation sanguine, le parasite ne pénètre pas à n’importe quel endroit de l’arbre vasculaire. Il franchit préférentiellement la paroi des vaisseaux sanguins au niveau de régions caractérisées par la présence de cellules, appelées péricytes, qui entourent les vaisseaux et régulent leur formation et leur fonction », explique Rogerio. Ainsi, l’alternance entre les phases de haute motilité dans le tissu et de basse motilité à proximité des vaisseaux sanguins optimisent successivement les chances du parasite de trouver un vaisseau sanguin puis un site d’entrée privilégié dans la circulation. Cette stratégie d’exploration permet à 20-30% des parasites de rejoindre la circulation sanguine dans le temps limité dont ils disposent et contribue à une transmission efficace du paludisme, qui affecte 250 millions de personnes et cause toujours plus de 500 000 décès par an.
Une nouvelle piste pour une meilleure prévention contre le paludisme
La phase cutanée de l’infection durant laquelle le parasite migre de la peau vers le sang représente une cible prometteuse pour les interventions prophylactiques et vaccinales. Il est par exemple connu que des anticorps dirigés contre la protéine de surface majoritaire du parasite peuvent ralentir, immobiliser ou même tuer le parasite dans la peau et constituent une des premières lignes de défense contre le parasite. Comprendre pourquoi les régions associées aux péricytes constituent des points de passage privilégiés vers la circulation sanguine et identifier d’éventuelles interactions moléculaires spécifiques entre ces cellules et le parasite pourrait ouvrir de nouvelles pistes pour améliorer les approches préventives existantes visant à bloquer le parasite dans la peau.
Les plateformes technologiques de l’Institut Pasteur ont joué un rôle crucial dans la réalisation de cette étude en donnant accès au matériel biologique, aux équipements et aux infrastructures nécessaires au travail expérimental.
L’analyse des trajectoires du parasite a été effectuée en collaboration avec des physiciens établis dans plusieurs universités au Brésil (Universidade Federal do Paraná, Universidade Federal de Pernambuco, Universidade Federal do Rio Grande do Norte) et en Allemagne (Max Planck Institute for Brain Research) dans le cadre d’un financement du gouvernement brésilien visant à promouvoir les collaborations internationales.
Source:
Plasmodium sporozoite search strategy to locate hotspots of blood vessel invasion, Nature Communications, 23 Mai 2023.