Les chercheurs de l’Institut Francis Crick et de l’Institut Pasteur et leurs collaborateurs cliniques ont identifié l’une des causes du développement de tissu testiculaire chez certaines personnes aux chromosomes féminins.
La « différence de développement sexuel » (DDS) est une anomalie génétique caractérisée par une discordance entre le sexe chromosomique type des hommes et des femmes (XY ou XX) et certains aspects de leur anatomie, masculins pour un individu né femme (XX) ou féminins pour un individu né homme (XY). Dans la plupart des cas, la cause génétique de la DDS est inconnue. La prévalence de la DDS est de 1 cas pour 2 500 à 4 000 individus.
Dans un article publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences USA, les chercheurs se sont penchés sur une situation complexe dans laquelle des personnes à deux chromosomes X, caractéristiques des femmes, présentent du tissu testiculaire au lieu d’ovaires ou des gonades mixtes des deux sexes.
Ils se sont intéressés à un sous-ensemble de personnes touchées par cette anomalie rare, qui ne possèdent pas non plus le gène du chromosome Y SRY, généralement nécessaire à la formation des organes reproducteurs masculins.
En analysant l’ADN de 78 enfants concernés par cette anomalie, ils ont découvert que 9 % d’entre eux présentaient des mutations affectant une partie spécifique d’un autre gène appelé Wilms’ Tumor 1 (WT1), situé non pas sur un chromosome sexuel, mais sur l’une des 22 autres paires de chromosomes.
Des cultures de cellules humaines leur ont montré que ces mutations interféraient avec l’équilibre subtil favorisant la formation de testicules masculins ou d’ovaires féminins. Ce déséquilibre supprime une protéine (β-caténine) importante pour le développement des ovaires, favorisant le développement de tissu testiculaire.
« Il subsiste de nombreuses inconnues en ce qui concerne le développement des organes sexuels, et pour certains patients touchés par une DDS et leurs familles, cette anomalie peut être déroutante et inquiétante. »
« Comprendre la cause sous-jacente des différences sexuelles pourrait contribuer à identifier plus facilement les maladies difficiles à diagnostiquer et aider les familles et médecins à prendre des décisions plus éclairées en matière de traitement et de prise en charge », déclare Anu Bashamboo, cheffe de groupe au sein de l’unité Génétique du développement humain de l’Institut Pasteur, à Paris.
Dans le cadre d’expériences menées sur leurs découvertes, les chercheurs ont modifié le gène WT1 de souris afin de mimer l’une des mutations humaines. Les souris à deux chromosomes X, qui se développent normalement en tant que femelles, ont montré des signes de développement masculin.
« Le gène WT1 était réputé pour jouer un rôle important dans le développement des testicules. Il est vraiment intéressant de constater qu’il est également impliqué dans le développement des ovaires », souligne Robin Lovell-Badge, chef de groupe au sein du laboratoire de biologie des cellules souches et de génétique du développement de l’Institut Crick.
« Ce gène semble remplir une double fonction, créant une protéine dont des parties contribuent au développement masculin et d’autres, au développement féminin », ajoute Robin Lovell-Badge. « Il apparaît que de légères fluctuations dans l’équilibre de ces deux fonctions modifient le mode de développement des organes sexuels, même si nos chromosomes sont mâles ou femelles. »
« Il est souvent difficile de comprendre comment ces troubles se développent chez l’Homme car au moment du premier diagnostic, c’est-à-dire, souvent, bien après la naissance, il est beaucoup trop tard. Recréer la mutation chez la souris nous offre la possibilité de démontrer qu’elle est en cause et de connaître le pourquoi et le comment d’un tel dérèglement en sa présence », indique l’auteure principale Nitzan Gonen, cheffe de groupe à la faculté des sciences de la vie Mina et Everard Goodman de l’université Bar-Ilan, en Israël.
Les chercheurs vont poursuivre leurs études sur le rôle du gène WT1 dans le développement sexuel.
Avec l’aimable autorisation de l’Institut Francis Crick.
* L’article publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences USA cité dans le présent communiqué s’intitule « Testis formation in XX individuals resulting from novel pathogenic variants in Wilms’ tumor 1 (WT1) gene », DOI : 10.1073/pnas.1921676117.
Source
Testis formation in XX individuals resulting from novel pathogenic variants in Wilms’ tumor 1 (WT1) gene, PNAS, June 3, 2020 - https://doi.org/10.1073/pnas.1921676117
Caroline Eozenou, Nitzan Gonen, Maria Sol Touzon, Anne Jorgensen, Svetlana A. Yatsenko, Leila Fusee, Alaa K. Kamel, Balazs Gellen, Gabriela Guercio, Priti Singh, Selma Witchel, Andrea J. Berman, Rana Mainpal, Mehdi Totonchi, Anahita Mohseni Meybodi, Masomeh Askari, Tiphanie Merel-Chali, Joelle Bignon-Topalovic, Roberta Migale, Mariana Costanzo, Roxana Marino, Pablo Ramirez, Natalia Perez Garrido, Esperanza Berensztein, Mona K. Mekkawy, John C. Schimenti, Rita Bertalan, Inas Mazen, Ken McElreavey, Alicia Belgorosky, Robin Lovell-Badge, Aleksandar Rajkovic, and Anu Bashamboo.
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