La place Daniel Iffla-Osiris a été inaugurée, le 27 juin 2018, à Paris, à l’intersection du boulevard Haussmann et du boulevard des Italiens. L’événement est l’occasion de rappeler l’histoire de cet homme, Osiris, le plus grand mécène du XIXe siècle. En 1907, à son décès, il est à l’origine du legs le plus important jamais reçu par l’Institut Pasteur.
Le don et le soutien du public ont été à l’origine même de la création de l’Institut Pasteur. Après le succès des premières vaccinations contre la rage, Louis Pasteur lança en effet en 1887 une souscription internationale destinée à financer sa construction. L’élan de générosité qui naquit alors, en France et dans le monde, fût sans précédent. Lors de l’inauguration de l’Institut, en 1888, le scientifique déclarera : « La voilà donc bâtie, cette grande maison dont on pourrait dire qu'il n'y a pas une pierre qui ne soit le signe matériel d'une généreuse pensée. Toutes les vertus se sont cotisées pour élever cette demeure du travail ».
Depuis, le soutien du public ne s’est jamais démenti.
En 1907, décède un financier célèbre à l’époque, M. Daniel Iffla-Osiris. Il a désigné l’Institut Pasteur comme légataire universel (sous réserve d’un certain nombre de legs particuliers) précisant dans son testament : « Ayant toujours eu l’ardent désir de favoriser les découvertes scientifiques qui peuvent contribuer au soulagement de l’humanité, je place mon legs universel et son exécution sous l’invocation de la mémoire du grand Pasteur, une des gloires les plus pures de mon pays ».
Il était né à Bordeaux en 1825 d’une vieille famille juive bordelaise ; son grand-père avait été volontaire en 1791 et après avoir combattu comme sous-lieutenant dans les Alpes et au siège de Toulon, il s’était distingué dans les Pyrénées Orientales au siège du Boulou.
La liquidation de ce legs, le plus important jamais reçu par l’Institut Pasteur puisqu’il représente 36 millions de francs-or, est effectuée sous la responsabilité des exécuteurs testamentaires, dont Émile Loubet, ancien Président de la République. La conversion d’une telle somme reste hypothétique… mais on peut l’estimer à environ 130 millions d’euros.
Une autre raison semble avoir motivé le riche testateur. Son legs serait dû indirectement à Claude Debussy. En effet, le musicien avait abandonné sa femme pour vivre avec la nièce d’Osiris. Ce dernier, choqué du comportement de sa nièce, qui était mariée, décida de la déshériter au profit de l’Institut Pasteur ! (1)
(1) cf. Rebatet L., Une Histoire de la musique. R. Laffont, coll. Bouquins, 1979. P 645
Cet apport permet à l’Institut Pasteur l’acquisition de nouveaux terrains rue Dutot (l’actuelle rue du Docteur-Roux), rue des Volontaires et rue de Vaugirard, terrains qui ouvrent des perspectives d’extensions. C’est aussi grâce à ce legs qu’est créé l’Institut du Radium.
L’Institut Pasteur ne se retire qu’en 1974 de l’Institut du Radium, lequel est alors rattaché à la Fondation Curie (maintenant Institut Curie), créée en 1921 comme centre d’applications médicales de l’Institut du Radium. Le directeur de l’Institut Pasteur est d’ailleurs toujours membre de droit du conseil d’administration de cet organisme.
Le legs Osiris a des répercutions incontestables sur le destin de l’Institut Pasteur car il lui donne à un moment important de son histoire les moyens d’envisager son avenir. Outre les réalisations évoquées, il lui permet de se constituer une solide dotation dont les revenus vont assurer sa vie quotidienne, encore que les dévaluations successives qui suivent la fin de la guerre 1914-1918 les amenuiseront progressivement.
Osiris, le plus grand mécène du XIXe siècle
Daniel Iffla (1825-1907) s’installe à Paris assez jeune. Après des débuts modestes, il se révèle un financier de grand talent. Il participe à toutes les grandes affaires du Second Empire et y amasse une immense fortune. Sous le pseudonyme romanesque d’Osiris, il consacre sa fortune au mécénat afin d’incarner ses valeurs philanthropiques et nationalistes. Ses dons sont considérables.
C’est ainsi que, pour ne prendre que quelques exemples, il finance des fontaines publiques à Bordeaux, une crèche municipale et un institut de sérothérapie à Nancy, et, dans cette dernière ville, une statue de Jeanne d’Arc ; un pavillon opératoire moderne à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, ainsi que la statue d’Alfred de Musset devant le Théâtre-Français. De même, il achète en Belgique, près de Waterloo, un vaste terrain pour l’érection du monument à la mémoire des grenadiers de la Garde tombés près de la Haie Sainte. Il contribue aussi à la construction de plusieurs synagogues notamment à Paris, Nancy, Arcachon et Tunis. Bien avant les « Restos du cœur », il ouvre un « bateau-soupe » à Bordeaux.
Enfin, le fait est peu connu, il rachète le château de la Malmaison et après l’avoir entièrement restauré, en fait don à l’État en 1904 en demandant dans son testament que soit édifié à proximité du château un bâtiment où seraient rassemblées un certain nombre des œuvres d’art acquises au long de sa vie. Le Musée Osiris n’ouvrira finalement qu’en… mai 2011.