Le Pr Christine Petit, Professeur à l'Institut Pasteur et Professeur au Collège de France, a reçu le Prix Kavli 2018 en neurosciences, de l’Académie norvégienne des sciences et des lettres, pour son travail pionnier sur les mécanismes moléculaires et neuronaux de l’audition. Au fil de sa carrière, ses découvertes scientifiques lui ont valu un grand nombre de prix internationaux. Alors que l’Institut Pasteur fête les 130 ans de son inauguration cette année – plus exactement le 14 novembre 2018 – revenons sur les découvertes du Professeur Christine Petit, qui lui également valu d’être nommée membre de la National Academy of Inventors aux Etats-Unis, en 2017.
Adhérent de la National Academy of Inventors (NAI) aux Etats-Unis, depuis 2015, l’Institut Pasteur a souhaité célébrer la curiosité, la créativité, l’innovation, l’invention et la richesse de la culture pasteurienne. Le 27 juin 2017, l’Institut a ainsi récompensé 14 de ses inventeurs qui ont été nommés membres de la NAI. L’événement a fait résonner l’esprit pionnier de Louis Pasteur et de celui des générations de chercheurs pasteuriens qui se sont succédé. Les travaux de recherche de ces 14 scientifiques mis à l’honneur ont donné lieu à plusieurs brevets américains ayant fait l’objet d’une exploitation de licences ayant un impact positif pour la société et pour l’Institut.
Le Pr Christine Petit a initié le déchiffrage de la physiologie moléculaire du système auditif en s’appuyant sur l’identification des gènes responsables de surdité précoce chez l’homme. Elle a élucidé la pathogénie d’un vaste ensemble de surdités. Sur ce socle de connaissances, elle développe aujourd’hui avec ses collaborateurs des thérapies curatives des atteintes auditives. C’est cette transformation profonde de la connaissance du système auditif et de ses atteintes qui a valu, au fil de sa carrière, un grand nombre de prix internationaux.
De la génétique bactérienne à l'audition
Chercheure à l’Institut Pasteur depuis le milieu des années 1970, Christine Petit commence à travailler dans le domaine de la génétique bactérienne dans le laboratoire de François Jacob, puis de l’immunologie, de la génétique de la différenciation cellulaire, enfin de la génétique humaine. Quand débute la révolution génomique, Christine Petit y voit la possibilité d’élucider par voie génétique la façon dont se développent et fonctionnent les systèmes sensoriels, à l’échelle cellulaire et moléculaire. Elle isole alors le premier gène responsable d’un déficit de l’olfaction, le syndrome de Kallmann, puis le premier responsable d’un syndrome associant une surdité congénitale et une perte de la vision, le syndrome de Usher. Le système auditif, qui résiste à toute analyse moléculaire en raison du tout petit nombre de ses cellules, devient ainsi accessible grâce à l’identification des gènes dont l’atteinte est responsable de surdité. Plusieurs dizaines de laboratoires à travers le monde suivront le chemin ainsi tracé. L’approche interdisciplinaire que Christine Petit met alors en œuvre avec ses collaborateurs pour comprendre la fonction des protéines codées par ces gènes conduit à la découverte de la fonction même de certaines structures du système auditif et à celle de réseaux moléculaires qui sous-tendent le traitement des sons dans l’organe sensoriel auditif et plus récemment dans le cortex auditif. En parallèle, les mécanismes dont le déficit conduit aux atteintes auditives sont mis au jour.
L’analyse génétique des surdités héréditaires
Au début des années 1990, les lacunes dans la connaissance de la physiologie moléculaire de l’audition étaient à mettre sur le compte du tout petit nombre de cellules qu’abrite la cochlée, l’organe sensoriel auditif. Les cellules ciliées internes, authentiques cellules sensorielles, ne sont que 3 000 à 4 000 chez l’homme. Leur caractérisation à l’échelle moléculaire ne pouvait se faire par les approches de biochimie et de biologie moléculaire habituelles. Christine Petit conçoit leur approche par voie génétique comme très prometteuse. Elle résout alors les difficultés qui jusqu’ici faisaient obstacle à l’analyse génétique des surdités héréditaires, étape indispensable à l’identification de ces gènes. C’est en étudiant des familles malentendantes consanguines vivant dans des isolats géographiques en Tunisie, au Liban, en Jordanie, Iran, Algérie… grâce aux collaborations qu’elle noue avec les généticiens de ces pays, qu’elle réussit à localiser sur les chromosomes humains les deux premiers gènes responsables de surdité congénitale profonde. Parmi eux, le gène qui code la connexine 26, dont l’atteinte rend compte à elle seule de près de la moitié des cas de surdités congénitales sévères ou profondes dans certains pays. A l’Institut Pasteur, elle découvre ainsi une vingtaine de gènes responsables de surdité isolée ou associée à d’autres atteintes. Ces gènes sont responsables des formes les plus fréquentes de surdité, et pour l’essentiel de formes congénitales. Parmi eux, on peut citer le gène qui code la stéréociline, responsable de la forme de surdité moyenne à sévère congénitale la plus fréquente. Fondé sur l’identification de ces gènes, le diagnostic moléculaire des surdités est progressivement mis à disposition des malentendants dans de nombreux pays.
De l’étude du système auditif à la thérapie
La connaissance du système auditif normal et pathologique connaît alors une accélération sans précédent. Avec ses collaborateurs, elle découvre de nombreux mécanismes qui sous-tendent le traitement du son dans la cochlée et propose en parallèle une classification des surdités fondées sur leur pathogénie. L’approche interdisciplinaire menée avec Paul Avan de l’université d’Auvergne sera particulièrement fructueuse. En concentrant ses efforts sur les cellules sensorielles et plus particulièrement sur les structures qui leur confèrent leurs spécificités fonctionnelles: leur bouquet de protrusions apicales qui répond à la stimulation sonore, leurs jonctions cellulaires continuellement sollicitées par la stimulation mécanique sonore, et leur synapse aux propriétés physiologiques remarquables, leur fonctionnement et dysfonctionnement trouvent leurs explications moléculaires. Dès lors, l’exploration des pistes thérapeutiques devient possible, au premier rang desquelles la thérapie génique. C’est d’ailleurs l’objectif des travaux qu’elle mène aujourd’hui à l’Institut Pasteur avec ses collègues (voir un récent communiqué de presse sur le syndrome de Usher : restauration de l’audition et de l’équilibre grâce à la thérapie génique).
La reconnaissance d’une grande scientifique
Pour toutes ces raisons, Christine Petit s’est vue décerner le Prix Kavli 2018 en neurosciences, de l’Académie norvégienne des sciences et des lettres, pour son travail pionnier sur les mécanismes moléculaires et neuronaux de l’audition. Elle vient également de prendre, en mai 2018, la tête du Conseil scientifique de Sensorion, une société de biotechnologie française spécialisée dans le développement de traitements contre les maladies de l’oreille interne. L’Institut Pasteur lui a remis le Prix des Inventeurs en 2017 et elle a été nommée membre de la National Academy of Inventors aux Etats-Unis à l’occasion de cette récompense.
Professeur au Collège de France, titulaire de la Chaire Génétique et Physiologie cellulaire et Professeur à l’Institut Pasteur, Christine Petit dirige l’unité de Génétique et physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur, affiliée à l’Inserm (UMRS 1120) et à Sorbonne-Université.
Ses découvertes scientifiques ont valu au Professeur Petit un grand nombre de récompenses prestigieuses, dont le Prix de l'ARO (Association for Research en Otolaryngology ; Etats-Unis) pour l'ensemble de ses travaux de recherche, le Prix Hugh Knowles (Etats-Unis) pour ses contributions remarquables à la connaissance du système auditif, le Prix Louis-Jeantet de Médecine (Europe), le Prix international Brain Prize décerné par la Fondation Grete Lundbeck, le Prix l’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science (Europe) et le Grand Prix INSERM. Elle est membre de l’Académie française des Sciences ; membre de l’Académie américaine des Sciences et membre de l’Académie américaine de médecine.
Le Pr Christine Petit dirigera l’Institut de l’Audition couplé à un centre de recherches et d’innovation en audiologie humaine qui ouvrira ses portes début 2019 à Paris. Il a pour but de faire avancer la connaissance en neurosciences auditives et de développer de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques.