Depuis quelques années le microbiote, ensemble des microorganismes qui colonisent un hôte, fait l’objet d’intenses recherches chez de nombreux organismes multicellulaires. Le moustique Aedes aegypti vecteur de pathogènes responsables de maladies telles que la dengue ou la fièvre jaune, n’échappe pas à cette règle. Des travaux scientifiques récents ont notamment montré que les bactéries qui peuplent le tube digestif de ces moustiques jouent un rôle dans leur capacité vectorielle – c’est-à-dire la facilité avec laquelle ils transmettent des virus, notamment à l’homme.
Le groupe à 5 ans « Interactions virus-insectes » dirigé par Louis Lambrechts à l’Institut Pasteur s’attache à comprendre les bases génétiques de cette capacité vectorielle et à identifier les gènes potentiellement impliqués. Mais comment être certain que les différences observées entre deux populations d’Aedes aegypti sont d’origine génétique et ne viennent pas de différences entre leurs microbiotes?
Pour répondre à cette question, l’équipe de Louis Lambrechts a collecté, grâce à la collaboration de partenaires dans différentes régions du monde1 notamment les instituts Pasteur de la Guyane, de la Guadeloupe et du Cambodge, des populations de moustiques Aedes aegypti génétiquement différenciées. Élevés dans les mêmes conditions de laboratoire, ces moustiques présentent un microbiote bactérien intestinal identique. Ces résultats, publiés dans la revue Parasites & Vectors confortent ainsi l’idée que des différences de capacités vectorielles observées en laboratoire entre deux colonies de moustiques sont bien d’origine génétique puisque le microbiote est égal. « Le maintien des moustiques dans des conditions de laboratoire communes a homogénéisé leur microbiote bactérien. Cela indique que chez le moustique le microbiote intestinal est en réalité déterminé par l’environnement et non par la génétique. C’est pour nous un résultat important car différentes souches de moustiques peuvent donc être directement comparées sans craindre un effet confondant du microbiote » explique Louis Lambrechts. En revanche, cela suggère que des souches de référence utilisées dans différents laboratoires dans le monde, n’ont probablement pas le même microbiote, ce qui pourrait contribuer à des disparités de résultats scientifiques. Cela implique également qu’il est nécessaire d’étudier les moustiques directement dans leur milieu naturel pour évaluer avec précision leur capacité à transmettre des virus.
Comme pour beaucoup d’autres organismes multicellulaires, le microbiote des moustiques fait l’objet de nombreuses recherches. Le développement d’interventions ciblées visant à le déséquilibrer pourrait constituer une arme intéressante pour prévenir ou perturber la transmission des pathogènes à vecteurs.
1. Australie, Cambodge, Gabon, Guadeloupe, Guyane, Uganda
Source:
Diverse laboratory colonies of Aedes aegypti harbor the same adult midgut bacterial microbiome. Parasites and Vectors. 27 March 2018
Dickson LB1, Ghozlane A2,3, Volant S2, Bouchier C3, Ma L3, Vega-Rúa A4, Dusfour I5, Jiolle D6,7, Paupy C6,7, Mayanja MN8, Kohl A9, Lutwama JJ8, Duong V10, Lambrechts L11
1 Insect-Virus Interactions Group, Department of Genomes and Genetics, Institut Pasteur, CNRS UMR 2000, Paris, France. 2 Bioinformatics and Biostatistics Hub, C3BI, USR 3756 CNRS, Institut Pasteur, Paris, France. 3 Genomics Facility - Biomics Pole, CITECH, Institut Pasteur, Paris, France. 4 Laboratory of Medical Entomology, Environment and Health Unit, Institut Pasteur de la Guadeloupe, Guadeloupe, France. 5 Vector Control and Adaptation, Institut Pasteur de la Guyane, Vectopole Amazonien Emile Abonnenc, Cayenne, French Guiana. 6 MIVEGEC, IRD, CNRS, University of Montpellier, Montpellier, France. 7 Centre International de Recherches Médicales de Franceville, Franceville, Gabon. 8 Department of Arbovirology, Uganda Virus Research Institute, Entebbe, Uganda. 9 MRC-University of Glasgow Centre for Virus Research, Glasgow, UK. 10 Virology Unit, Institut Pasteur in Cambodia, Phnom Penh, Cambodia. 11 Insect-Virus Interactions Group, Department of Genomes and Genetics, Institut Pasteur, CNRS UMR 2000, Paris, France.