Médecin, épidémiologiste, Mamadou Aliou Barry s’est formé entre la France, le Sénégal et le Laos. Il coordonne depuis janvier 2015 le réseau de surveillance sentinelle syndromique à l’Institut Pasteur de Dakar. Ce réseau permet, grâce à un système d’alerte précoce, de détecter quasiment en temps-réel les épidémies de maladies fébriles.
Après leur Bac, ses amis du lycée voulaient tous faire des maths et des sciences exactes, sa mère voulait qu’il devienne médecin. Mamadou Barry hésite et décide de s’en remettre au hasard : «On a tiré au sort. Ma maman a gagné deux fois, moi une », se souvient-il, en souriant. « La médecine m’attirait d’autant plus qu’en Afrique, il y a tant à faire pour contribuer à améliorer la santé ». C’est en particulier le cas de la Guinée, son pays natal, comme au Sénégal où il a fait la plus grande partie de ses études – son père est guinéen, sa mère sénégalaise.
Diplômé en 2007 d’un doctorat en médecine générale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Mamadou Aliou Barry passe ensuite son diplôme d’études spécialisées en Maladies Infectieuses au centre hospitalier et universitaire de Fann. Il est alors confronté à l’épidémie de VIH. Au début des années 2010, « les trithérapies étaient disponibles mais on voyait encore des malades arriver au stade sida, certains étaient abandonnés par leur famille ». Une situation qui a influencé la suite de la carrière de Mamadou : « au-delà des problèmes de santé, ces patients avaient aussi des problèmes familiaux, sociaux, économiques… je me suis dit qu’il fallait envisager leur prise en charge plus globalement ». Le Pr Papa Salif Sow, responsable de l'enseignement de spécialisation, encourage alors celui qui est major de sa promotion, à continuer en santé publique pour avoir une vision plus large et une approche populationnelle. Mamadou Barry obtient une bourse et part à l’Institut de la Francophonie pour la Médecine Tropicale (IFMT) à Vientiane. L'étudiant restera deux ans au Laos où il obtient en 2014 sa maîtrise en Médecine Tropicale, Santé publique et Recherche Clinique. Sorti major, il a une proposition à Montréal mais il opte pour un retour au Sénégal et entre comme jeune chercheur à l'Institut Pasteur de Dakar.
Matam au nord du Sénégal en janvier 2016, le Dr Mamadou Aliou Barry mène une enquête épidémiologique suite à des cas de fièvre de la vallée du rift. Crédit photo: Institut Pasteur de Dakar.
Il est alors nommé coordonateur du système de surveillance sentinelle syndromique mis en place pour surveiller la grippe en 2012. Cet outil complémentaire à la surveillance classique permet d'identifier plus précocement les évènements sanitaires anormaux en relation avec des pathologies fébriles en se basant sur des critères cliniques. Appuyé par toute l’équipe de l’unité d’Epidémiologie des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur de Dakar, Mamadou Barry travaille à développer un système d’alerte précoce. « Nous avons aujourd’hui 17 sites communautaires ou hospitaliers participant au projet à travers le pays, les personnels soignants nous envoient par SMS les informations sur les cas de fièvre qu’ils ont eu dans la journée » explique le chercheur. Ces informations sont analysées et toute anomalie est détectée quasiment en temps réel. Mamadou Barry étend également la surveillance à d’autres pathologies fébriles. Aujourd’hui, ce réseau permet de surveiller la grippe et les infections respiratoires, mais également le paludisme, les diarrhées ou les arboviroses - fièvre jaune, Zika, chikungunya ou encore Ebola. « Ce système a permis de détecter rapidement une épidémie de chikungunya au sud du Sénégal en 2015. A la fin de l’année dernière, nous avons également détecté une épidémie de dengue et alerté immédiatement le ministère de la santé qui a pris des mesures évitant la propagation de l’infection ».
Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet ASIDE (Alerting and Surveillance for Infectious Disease Epidemics), coordonné par l'Institut Pasteur, visant à renforcer les capacités de surveillance de six pays d'Afrique sub-saharienne et d'Asie du sud-est. « Cette surveillance est aujourd’hui primordiale pour notre système de santé. Si tous les pays d’Afrique en bénéficiaient, on améliorerait largement la réponse en cas d’épidémie », conclut Mamadou Aliou Barry.
Dr Mamadou Aliou Barry, unité d’Epidémiologie des maladies infectieuses, Institut Pasteur de Dakar
- 1980: naissance à Fria, en Guinée
- 2007: Doctorat d’Etat en Médecine générale, Faculté de Médecine UCAD (Sénégal)
- 2012: Diplôme d’études spécialisées en Maladies Infectieuses, Centre hospitalier et universitaire de Fann (Sénégal)
- 2014: Diplôme de Médecine Tropicale - Santé publique et Recherche Clinique, Institut de la Francophonie pour la Médecine Tropicale (Laos)
- Depuis janvier 2015: coordonnateur de la Surveillance Sentinelle Syndromique au Sénégal (Réseau 4S), Unité d’Épidémiologie des maladies infectieuses de l’Institut Pasteur de Dakar
- 2016: Diplôme Universitaire en épidémiologie, Institut de Santé Publique et Développement, Université de Bordeaux (France)
- 2017 : Mastère Pasteur-CNAM de Santé Publique (France).