Une étude menée par des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm, publiée dans la revue Nature, révèle comment l'oreille interne distord les sons : cette distorsion fait partie des étapes essentielles de traitement du son par l'organe de l'audition, avant que ce son ne soit codé pour être transmis au cerveau sous forme de signal électrique. Cette avancée devrait permettre d'améliorer l'interprétation de certains tests audiologiques existants.ns
Communiqué de presse
Paris, le 8 octobre 2008
Les cellules sensorielles auditives contenues dans l’oreille interne effectuent un ensemble complexe de traitements du son, avant qu’il ne soit codé sous forme de messages électriques à destination du cerveau. Ainsi, le son est amplifié, filtré, déparasité, et les différentes fréquences qui le composent se voient renforcées ou atténuées par des mécanismes dits de « masquage », qui améliorent les contrastes. Contrairement à l’hi-fi, les sons ainsi traités sont considérablement distordus, à tel point que l’on peut entendre des sons supplémentaires absents du message acoustique initial. Les musiciens connaissent bien ces distorsions qu’ils appellent sons de Tartini, d’après le nom du violoniste et compositeur italien qui les a décrites au XVIIIème siècle. Dans le domaine médical, ces sons ont un intérêt considérable car l’oreille les réémet (d’où leur nom d’ « otoémissions ») et on les détecte très facilement. Les otoémissions servent à dépister les surdités dès la naissance : leur absence indique en effet que les cellules qui les produisent sont endommagées.
Jusqu’ici on pensait que toutes ces performances, amplification, filtrage, débruitage et … distorsions, découlaient du travail spécifique de molécules de l’oreille interne constituant les « canaux de transduction » : ceux-ci transforment les vibrations sonores en messages électriques en laissant passer des courants ioniques à la cadence du son ; ces canaux de transduction sont logés dans la touffe ciliaire des cellules sensorielles, qui est composée de stéréocils unis par des liens fibreux.
L’étude publiée dans Nature montre qu’il n’en est rien. Elle découle d’un travail réalisé par l’équipe de Génétique et physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur, unité Inserm UMRS 587 (également affiliée au Collège de France et à l’Université Pierre et Marie Curie), dirigée par le Pr Christine Petit, en étroite collaboration avec le Pr Paul Avan de l’Université de Clermont-Ferrand et avec la participation d’une équipe anglaise de Brighton menée par le Dr Guy Richardson. Les laboratoires pasteurien et anglais sont réunis au sein d’un consortium européen, EuroHear.
Les chercheurs ont étudié des souris porteuses d’une mutation dans un gène qui, chez l’homme, est responsable de surdité. Ces souris deviennent progressivement sourdes. Cependant, auparavant, elles présentent une combinaison de caractéristiques auditives tout à fait particulière. Elles sont capables d’amplifier le son et de le filtrer normalement. Elles ont donc des canaux de transduction normaux, et pourtant elles ne distordent pas les ondes sonores. Or ces souris sont dépourvues de certains liens qui unissent les stéréocils de la touffe ciliaire. La perte de ces liens les prive donc de la possibilité de distordre les sons, et en présence d’un mélange de sons, elles ne parviennent pas bien à faire émerger les composantes sonores les plus importantes.
Pour bien entendre, il ne suffit pas d’avoir une audition sensible, il faut encore qu’elle reste efficace dans le bruit ou en présence de mélanges sonores. Pour que les centres auditifs extraient le sens des messages reçus, ceux-ci doivent arriver de l’oreille interne bien triés. Avoir identifié un composant du mécanisme qui améliore les contrastes dans le bruit représente donc une contribution importante pour la compréhension fine de ce mécanisme, essentiel à la communication orale. Cela devrait également permettre une meilleure interprétation de certains tests audiologiques.
Source
“Stereocilin-deficient mice reveal the origin of cochlear waveform distortions” : Nature, advanced publication online : 8 octobre 2008.
Elisabeth Verpy1,2,3,4, Dominique Weil1,2,3,4*, Michel Leibovici1,2,3,4*, Richard J. Goodyear5, Ghislaine Hamard6, Carine Houdon1,2,3,4, Gaelle M. Lefèvre1,2,3,4, Jean-Pierre Hardelin1,2,3,4, Guy P. Richardson5, Paul Avan7* & Christine Petit1,2,3,4*
1. Institut Pasteur, Unité de Génétique et Physiologie de l’Audition, F75015 Paris, France.
2. Inserm UMRS 587, F75015 Paris, France.
3. Collège de France, F75015 Paris, France.
4. Université Pierre et Marie Curie, F75015 Paris, France.
5. University of Sussex, School of Life Sciences, Falmer, Brighton BN1 9QG, UK.
6. Institut Cochin, Plate-Forme de Recombinaison Homologue, F75014 Paris, France.
7. Université d’Auvergne, Laboratoire de Biophysique Sensorielle, F63001 Clermont-Ferrand, France.
* Ces auteurs ont contribué à part égale à ce travail.
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