La leptospirose est une maladie bactérienne émergente présente dans le monde entier. L’Institut Pasteur vient de mettre en évidence, dans deux études récentes, plusieurs caractéristiques des espèces les plus virulentes, dont certaines circulent en France. L’équipe experte, à l’Institut Pasteur, gère le Centre National de Référence (CNR) de la leptospirose. A la demande des autorités sanitaires, le CNR peut conseiller ou investiguer, par exemple dans le cas d’une alerte dans une eau de baignade.
La leptospirose est une maladie transmise par les animaux (zoonose), d’origine bactérienne. Elle est présente dans le monde entier avec une prépondérance dans les régions tropicales. La leptospirose est une maladie ré-émergente, notamment à cause de l’urbanisation grandissante (bidonvilles) et de l’apparition plus fréquente de phénomènes climatiques extrêmes responsables d’inondations. Les principaux réservoirs sont les rongeurs, en particulier les rats, qui excrètent la bactérie dans leur urine contaminant ainsi le milieu extérieur (eau douce, sols boueux). Chez l’humain, la maladie est souvent bénigne, mais elle peut conduire à l’insuffisance rénale, voire à la mort dans 5 à 20 % des cas.
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« Nous avons 600-700 cas de leptospirose par an en France métropolitaine », explique Mathieu Picardeau (lire son portrait), responsable de l’unité Biologie des spirochètes et du centre national de référence de la leptospirose à l’Institut Pasteur. La grande majorité sont des cas autochtones et la période estivale est la période où on observe le plus de cas, car « il y a davantage de personnes exposées à l'eau douce ».
Mieux connaître les caractéristiques des espèces virulentes de leptospires
Il y a une grande diversité d’espèces chez ces bactéries (dites leptospires) que l’on retrouve dans l’environnement notamment dans l’eau douce (rivières, lacs, etc.) mais seules quelques espèces sont responsables des formes plus graves de leptospirose en France et dans le monde.
Récemment, l’équipe de Mathieu Picardeau a sorti deux publications scientifiques, en collaboration avec Fréderic Veyrier de l’INRS- Centre Armand-Frappier Santé-Biotechnologie (Laval, Canada). L’Institut Pasteur et le centre de recherche canadien appartiennent tous deux au Pasteur Network. Dans leurs publications, les scientifiques ont :
- Mis en évidence les caractéristiques génomiques et phénotypiques des espèces les plus virulentes responsables de la leptospirose.
- Distingué les espèces les plus virulentes des autres en fonction de l'expression de certains gènes.
« Nous avons ainsi cherché à comprendre comment sont apparues ces espèces pathogènes, comment elles se sont adaptées à des réservoirs animaux au cours de l’évolution, et pourquoi ces quelques espèces sont plus virulentes que les autres », résume le chercheur. Ainsi, ces études montrent que les espèces les plus virulentes se différencient des autres dans leur capacité à résister au stress oxydatif imposé par l’hôte et à échapper à la réponse immunitaire au cours de l’infection.
Ces deux publications récentes font suite à une précédente découverte d'un grand nombre de nouvelles espèces de leptospires isolées de l’environnement. Ces découvertes participent à une meilleure compréhension d’une maladie relativement méconnue et en partie négligée.
La leptospirose sous surveillance
L’équipe experte gère aussi, à l’Institut Pasteur, le Centre National de Référence de la leptospirose. Ce CNR est prêt à agir pour des demandes ponctuelles des autorités sanitaires d’expertise et de conseil dans le cas, par exemple, de cas groupés. « Nous ne savons pas très bien comment on attrape la leptospirose en France, ni s'il y a des conditions particulières qui favorisent la transmission », souligne Mathieu Picardeau. On sait juste que la leptospirose se transmet principalement après exposition de l’eau contaminée avec les bactéries virulentes, présentes dans l’eau douce. C’est pourquoi, depuis août 2023, la leptospirose est une maladie à déclaration obligatoire en France.
Pendant la période des Jeux Olympiques 2024, les établissements de santé de référence seront en charge du diagnostic si des cas apparaissent. Toutefois, à la demande de Santé Publique France, le centre national de référence de la leptospirose à l’Institut Pasteur (comme tous les autres CNR) reste disponible « pour des demandes ponctuelles d'expertise et de conseil dans le cas, par exemple, d'alertes ou d'investigations ».
Sources :
- Evolutionary insights into the emergence of virulent Leptospira spirochetes.
Giraud-Gatineau A, Nieves C, Harrison LB, Benaroudj N, Veyrier FJ, Picardeau PLoS Pathogens. 2024 Jul 17;20(7):e1012161.
doi: 10.1371/journal.ppat.1012161. - Inter-species Transcriptomic Analysis Reveals a Constitutive Adaptation Against Oxidative Stress for the Highly Virulent Leptospira Species.
Giraud-Gatineau A, Ayachit G, Nieves C, Dagbo KC, Bourhy K, Pulido F, Huete SG, Benaroudj N, Picardeau M, Veyrier FJ. Mol Biol Evol. 2024 Apr 2;41(4):msae066.
doi: 10.1093/molbev/msae066.