Ebola frappe la République démocratique du Congo, depuis l'épidémie qui s'est terminée en juillet 2018 à celle qui sévit actuellement. Ceci nous rappelle qu’il reste des progrès à accomplir en termes de contrôle et de compréhension de cette maladie infectieuse mortelle. En 2018, lors de l'épidémie dans le nord-ouest du pays, le Dr Amber Kunkel, chercheuse de l’Institut Pasteur à Paris, s’est rendue sur place pour mettre son expertise épidémiologique au service des efforts de surveillance renforcée menés par l’OMS.
Le Dr Kunkel, post-doctorante* et membre clé de l’Outbreak Investigation Task Force (OITF) de Pasteur, a rejoint la République démocratique du Congo le 5 juillet 2018 suite à l’appel à l’aide internationale de l’OMS. « Nous avons dépêché des épidémiologistes, chercheurs de laboratoires et anthropologues par l’intermédiaire du réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN) de l’OMS dans les jours qui ont suivi sa demande d’assistance », explique le Dr Eileen Farnon, responsable de l’OITF, un programme qui coordonne depuis 2015 les interventions des scientifiques du Réseau International des Instituts Pasteur en cas d’épidémie. L’OMS a donné le feu vert au Dr Kunkel « pour qu’elle apporte son expertise à la phase finale de l’action menée. »
Le Dr Kunkel s’est donc envolée pour Mbandaka, la capitale de la Province de l’Équateur, avec pour bagage son expérience en modélisation épidémiologique, sa volonté d’aider et le soutien de ses collègues de l’OITF de l’Institut Pasteur à Paris.
* La bourse postdoctorale du Dr Kunkel est financée par la Fondation Pasteur (États-Unis).
A gauche, Eileen Farnon et Amber Kunkel au bureau de l'OITF à l'Institut Pasteur. À droite, une culture de cellules infectées par le virus Ebola vue au microscope.© Institut Pasteur/François Gardy, Pierre Gounon.
Une experte de l’Institut Pasteur sur le terrain
À l’arrivée du Dr Kunkel, l’épidémie avait été endiguée, et les efforts déployés visaient à consolider l’avantage acquis sur le virus : la phase dite de « surveillance renforcée » était en marche. « Cette phase implique une recherche intensive de cas d’“alerte” qui aurait été manquée au moment de retracer les contacts des individus pendant les deux périodes d’incubation (42 jours) suivant l’admission du dernier patient officiellement connu dans un centre de traitement Ebola. Ensuite, la fin de la transmission inter-humaine du virus annonce généralement le terme de l’épidémie, bien que des cas spontanés de transmissions sexuelles puissent être enregistrés bien après. Dans ce type de surveillance active, comprenant notamment des entretiens avec des cas suspects et l’identification de leurs contacts pendant l’épidémie, l’épidémiologiste joue un rôle important de “détective médical” », poursuit le Dr Farnon. Le Dr Kunkel illustre parfaitement ce rôle, de par sa formation en collecte de données et modélisation mathématique (voir ci-après « Épidémiologistes de terrain : de véritables “détectives médicaux”»).
« Le ministère de la Santé de la RDC bénéficiait d’un impressionnant dispositif de recherche active de cas sur place », indique le Dr Kunkel s’agissant de l’identification et du traitement des sujets susceptibles d’avoir échappé au dépistage initial. Le ministère dépêchait des personnes possédant des compétences médicales dans les hôpitaux et les dispensaires pour consulter les dossiers des patients admis au cours des semaines précédentes, en quête de cas dont les symptômes auraient pu s’apparenter à ceux d’Ebola. Bon nombre de symptômes d’Ebola étant, au début, non spécifiques, c’est-à-dire communs à d’autres maladies tropicales répandues, pour la plupart, à Mbandaka, leur apparition avant l’annonce de l’épidémie n’aurait, en effet, pas déclenché d’alerte.
Le Dr. Kunkel, lors d'un bref arrêt à l'équateur, sur le chemin d'un centre de santé pour surveiller les activités de recherche active de cas dans cette région. Le signe au-dessus de sa tête indique la ligne de passage de l'équateur. © Amber Kunkel
Entre deux missions sur le terrain, le Dr Amber Kunkel (à droite) et le Dr Eileen Farnon (à gauche), chef de la Outbreak Investigation Task Force, sur le campus de l’Institut Pasteur, à Paris, en janvier 2019. © Institut Pasteur/François Gardy.
Un article scientifique et, peut-être, une deuxième mission en vue en République démocratique du Congo
Le Dr Kunkel tire, globalement, un bilan très positif de son voyage. Suite à ses actions sur le terrain, elle a prévu de publier un article rédigé avec ses collègues de la RDC et de l’OMS. Sans entrer dans les détails de l’article, elle est ravie de nous en faire partager une ou deux observations informelles : « Je me suis rendu compte que la venue des professionnels de santé dans les consultations contribuait à étoffer les connaissances des membres du personnel local sur Ebola, les contacts directs favorisant l’enseignement. » On peut aisément penser que la présence physique du Dr Kunkel a également participé à l’évolution de la courbe d’apprentissage.
« Face à l’épidémie actuelle d’Ebola, l’OITF a dépêché, par l’intermédiaire du GOARN, 8 de ses membres, dont le Dr Kunkel, pour soutenir les activités de préparation et de réponse dans les zones non touchées. (Cette approche a été jugée la plus efficace compte tenu de l’insécurité et des restrictions de déplacements dans le Nord-Kivu, lieu de l’épidémie) », explique le Dr Farnon. Deux chercheurs de laboratoire ont déjà été mandatés au Rwanda et au Burundi, et d’autres volontaires de l’OITF attendent d’être déployés ailleurs par le GOARN pour appuyer les efforts de l’OMS en termes de contrôle de l’épidémie.
Le Dr Kunkel passe actuellement une grande partie de son temps au Cambodge, où elle participe à des projets de lutte contre le paludisme dans les forêts.
Le Dr Kunkel dans une forêt de Mondulkiri, au Cambodge, au printemps 2018, où ses collègues et elle ont entrepris des activités de cartographie afin de détecter les points de survenue du paludisme. Derrière elle, des motos appartenant à des bûcherons, un groupe à haut risque d'attraper le paludisme au Cambodge. © Amber Kunkel