Une publication de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Université de Lille et de l’Université de l’Indiana (Etats-Unis) dans eLife explique par quels mécanismes la bactérie Chlamydia trachomatis parvient à détourner le glycogène, source d’énergie de la cellule, à son profit.
L'infection à Chlamydia trachomatis est la première cause d’infection sexuellement transmissible d’origine bactérienne. Fréquemment asymptomatique, elle est cependant une cause majeure d’infertilité chez la femme. Elle provoque également le trachome, une cécité résultant de l’infection de l’œil, très répandue dans certains pays en voie de développement.
De nombreux parasites intracellulaires ne vivent pas librement dans la cellule-hôte, mais à l’intérieur d’un compartiment interne fermé par une membrane appelé vacuole. La vacuole protège les parasites de certains mécanismes de défense de l’hôte. En revanche, elle rend difficile l’accès aux nutriments, et oblige les parasites à développer des mécanismes complexes pour se les procurer. Dans le cas de Chlamydia trachomatis, on sait d’ailleurs que la vacuole dans laquelle prolifèrent les bactéries est très riche en glycogène, une forme de réserve de sucre.
Dans cette étude, les chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Université de Lille et de l’Université de l’Indiana expliquent par quels mécanismes le glycogène s’accumule autour des bactéries. Les chercheurs ont démontré que le glycogène présent dans la vacuole provenait de deux sources. D’une part, les bactéries détournent les stocks de glycogène fabriqués par l’hôte, qui se retrouvent piégés dans la vacuole. D’autre part, elles fabriquent elles-mêmes du glycogène à partir d’unités de sucre qu’elles soustraient à la cellule. A terme, les réserves d’énergie de l’hôte sont alors piégées dans la vacuole. Cette double stratégie assure l’approvisionnement des bactéries tout en affaiblissant la cellule hôte, qui se trouve privée de ses propres réserves.
« Cette découverte met fin à une question posée depuis plus de 50 ans : comment les bactéries parviennent-elles à accumuler du glycogène dans un espace coupé de l’hôte ? Il nous reste à comprendre quel avantage cela procure à Chlamydia trachomatis, pathogène qui ne se développe que chez l’homme. En effet, les espèces de Chlamydia qui infectent d’autres hôtes n’accumulent pas de glycogène. Comprendre la raison de ces différences pourrait nous aider à développer de nouvelles stratégies de lutte contre Chlamydia trachomatis », commente Agathe Subtil, responsable de l’unité de Biologie cellulaire de l'infection microbienne à l’Institut Pasteur.
Source
Sequestration of host metabolism by an intracellular pathogen, eLife, 16 mars 2016
Lena Gehre (1,2), Olivier Gorgette (3), Stéphanie Perrinet (1,2), Marie-Christine Prévost (3), Mathieu Ducatez (4), Amanda M. Giebel (5), David E. Nelson (6), Steven G. Ball (4), and Agathe Subtil (1,2)
(1) Institut Pasteur, Unité de Biologie cellulaire de l’infection microbienne, 25 rue du Dr Roux, 75015 Paris, France
(2) CNRS UMR3691, Paris, France
(3) Institut Pasteur, Plate-forme de Microscopie Ultrastructurale, Imagopole, Paris, France
(4) Université de Lille, CNRS UMR 8576 - UGSF- Unité de Glycobiologie Structurale et Fonctionnelle, F 59000 Lille, France
(5) Department of Biology, Indiana University, Bloomington, Indiana, USA
(6) Department of Microbiology and Immunology, Indiana University School of Medecine, Indianapolis, Indiana, USA
Mis à jour le 25/03/2016