Les déficits immunitaires primitifs entrainent chez ceux qui en sont atteints des anomalies du système immunitaire empêchant une défense optimale contre les agents pathogènes. Ces maladies liées à des anomalies génétiques sont particulièrement fréquentes en Tunisie du fait du fort taux de consanguinité. Face à ces pathologies, le Dr Meriem Ben Ali mène au sein du laboratoire Transmission, contrôle et immunobiologie des infections de l’Institut Pasteur de Tunis des recherches pour améliorer leur diagnostic et le conseil génétique aux parents.
Dès le collège, Meriem Ben Ali était certaine de sa vocation. « J’ai toujours été attirée par les sciences de la vie. La compréhension du système immunitaire et la génétique me fascinaient ! La biologie était pour moi la seule matière où il ne fallait pas apprendre, il fallait juste comprendre » plaisante-t-elle. Quand Meriem se lance dans les études supérieures, elle s’oriente donc naturellement vers les sciences naturelles. Elle obtient en 2000 une maîtrise puis un master de génétique et de biologie moléculaire à l’université des Sciences de Tunis. Pendant leurs études, les étudiants profitent de nombreuses interventions de « Pasteuriens », dont celle du Pr Ridha Barbouche qui leur présente les déficits immunitaires primitifs, des maladies génétiques qui affectent le bon fonctionnement du système immunitaire. Meriem Ben Ali décide alors de travailler avec lui sur ces affections particulièrement fréquentes en Tunisie. Elle effectue son stage à l’Institut Pasteur de Tunis, « un centre où il est possible de faire de la recherche de haut niveau. C’était en 2001… ça fait longtemps que je suis dans le même labo !». Meriem enchaîne sur une thèse où elle étudie les bases moléculaires de la susceptibilité génétique aux infections mycobactériennes. Après sa thèse en 2007, elle intègre l’Institut Pasteur à Paris. Durant 3 ans de post-doc, elle étudie l’effet de la sélection naturelle sur les gènes de l’immunité et son impact sur la prédisposition aux maladies infectieuses dans l’Unité de Génétique Evolutive Humaine dirigée par Luis-Quintana Murci.
Meriem Ben Ali décide de rentrer à Tunis en décembre 2010, au moment où démarre la révolution. « Tout le monde me disait : vous êtes sûre de vouloir revenir parce que là c’est la pagaille ! ». Pourtant, Meriem ne doute pas. En 2011, elle passe avec succès le concours d’entrée à l’Institut Pasteur Tunis. Au laboratoire du Pr Barbouche, les travaux visent à mieux comprendre les déficits immunitaires primitifs, leurs base moléculaire et identifier les gènes responsables. Regroupant environ 130 maladies héréditaires différentes, ces affections engendrent des anomalies de développement et/ou de maturation des cellules du système immunitaire. Elles touchent principalement les enfants en bas âge qui sont l’objet d’infections répétées ou sévères possiblement mortelles. Meriem Ben Ali s’intéresse aux cas d’enfants qui n’ayant pas de lymphocytes B sont incapables de produire des anticorps. Ces bébés tombent malades dès qu’ils ne sont plus protégés par les anticorps maternels. « Avec notre environnement de consanguinité, on identifie de nouveaux gènes, de nouvelles mutations mais aussi de nouveaux modes de transmission ».
Le laboratoire est également le centre de référence national pour les déficits immunitaires primitifs. « Nous confirmons les diagnostics de ces pathologies en identifiant les gènes responsables » explique Meriem. Ce travail est indispensable pour appuyer les cliniciens dans la mise en place d’un traitement adapté. Plus de 300 gènes sont connus pour leur implication potentielle dans ces déficits et ce domaine est en constante évolution grâce aux nouvelles techniques de séquençage. Le laboratoire propose également aux couples du diagnostic prénatal pour certains déficits immunitaires.
Avec l’aide du Réseau International des Instituts Pasteur, l’équipe est en train de mettre en place un tout nouveau projet financé par la Principauté de Monaco. Son objectif est d’étendre le diagnostic des déficits immunitaires primitifs, dans les régions du centre et du sud de la Tunisie. « Dans ces régions, beaucoup d’enfants souffrant de déficits immunitaires primitifs ne sont pas diagnostiqués et meurent très jeunes. Le projet va nous permettre de former des médecins » explique la chercheuse. En effet, plus le diagnostic est précoce meilleure est la prise en charge. Du côté des traitements, complète Meriem Ben Ali, « il faut faciliter l’accès aux immunoglobulines notamment par voie sous-cutanée, dont l’usage est plus simple». Le projet vise aussi la création d’une association de patients pour apporter du conseil aux familles et faire du plaidoyer.
« Aujourd’hui, je fais exactement ce que je voulais faire plus jeune de l’immunologie et de la génétique ! » se réjouit la chercheuse. Un travail porté par un véritable esprit pasteurien d’une recherche tournée en premier lieu vers l’intérêt des patients.
Meriem Ben Ali, chercheuse à l'Institut Pasteur de Tunis
- Juin 1976 : naissance à Tunis
- 2000: Maîtrise de Sciences Naturelles (Faculté des sciences Tunis El Manar)
- 2007: Thèse de doctorat en Biologie (sous la direction du Pr Ridha Barbouche)
- 2011: Recrutement à l’Institut Pasteur de Tunis
- 2017: Habilitation à Diriger les Recherches (HDR) en Sciences Biologiques