Les premiers résultats de l’étude ANRS CLEAC[1][2] coordonnée par Pierre Frange (Hôpital Necker – AP-HP), permettent de définir les bénéfices immunologiques et virologiques d’une initiation précoce du traitement antirétroviral chez les nourrissons infectés par le VIH et vivant en France. Les résultats de cette étude sont présentés en communication orale par Florence Buseyne (unité Epidémiologie & physiopathologie des virus oncogènes - Institut Pasteur) ce mercredi 25 juillet lors de la 22e Conférence internationale sur le VIH/Sida (AIDS 2018) qui se déroule du 23 au 26 juillet 2018 à Amsterdam.
En l’absence de traitement, un enfant infecté par le VIH a plus de risque de développer rapidement la maladie qu’un adulte. L’initiation précoce du traitement antirétroviral chez le nourrisson montre un bénéfice clinique incontestable en diminuant le risque de décès dans la petite enfance. Elle pourrait également s’accompagner d’une diminution particulièrement importante du réservoir viral (la quantité d’ADN viral total présente dans les cellules immunitaires sanguines des patients), ce qui pourrait favoriser l’accumulation de conditions nécessaires à une rémission. Il est donc primordial de mieux comprendre les interactions entre le virus et les défenses immunitaires des enfants, et d’évaluer de manière plus précise les bénéfices virologiques et immunologiques à court et long terme de l’initiation précoce du traitement chez l’enfant. Ce sont les objectifs de l’étude ANRS CLEAC.
Cette étude physiopathologique a inclus 46 enfants (de cinq à 12 ans) et 30 adolescents (de 13 à 18 ans) vivant avec le VIH depuis la naissance. Parmi eux, 36 ont débuté un traitement antirétroviral avant l’âge de six mois et 40 ont initié leur traitement après l’âge de deux ans. Tous ont atteint le succès virologique. Les chercheurs ont étudié des échantillons de sang des participants, défini leur statut immunologique et virologique et analysé les résultats selon leur âge au moment de l’étude et l’âge auquel ils ont initié le traitement.
Dans un premier temps, l’équipe ANRS CLEAC a évalué le réservoir viral et a observé que le taux d’ADN viral était significativement plus bas chez les enfants et adolescents qui ont initié leur traitement avant l’âge de six mois par rapport à ceux l’ayant initié après l’âge de deux ans. Ce réservoir viral plus bas persiste également chez les adolescents traités précocement, bien que certains d’entre eux prennent leur traitement de façon moins régulière.
En parallèle, l’analyse immunologique a porté sur les lymphocytes T naïfs, capables de répondre aux nouveaux pathogènes et aux vaccins. L’équipe ANRS CLEAC a ainsi observé que ces cellules immunitaires étaient présentes en plus grand nombre chez les enfants ayant initié un traitement antirétroviral avant l’âge de six mois. Cette différence, n’a pas été observée chez les adolescents. Ce taux plus élevé de lymphocytes T naïfs est un des marqueurs d’un système immunitaire en bonne santé.
Ainsi, les premiers résultats de l’étude ANRS CLEAC montrent pour la première fois que l’initiation d’un traitement antirétroviral avant l’âge de six mois chez les nourrissons infectés par le VIH présente incontestablement des bénéfices virologiques et immunitaires, qui sont observés jusqu’à la fin de l’enfance, voire jusqu’à l’âge adulte.
[1] Comparison of Late versus Early Antiretroviral therapy in HIV-infected Children
[2] Cette étude est menée en collaboration avec Véronique Avettand-Fenoel (Hopital Necker) et l’enquête périnatale française (cohorte ANRS CO10) coordonnée par Josiane Warszawski (centre de recherche en épidémiologie et santé des populations)
Source
Impact of late versus early antiretroviral therapy on PBMC-associated HIV-1-DNA levels and the percentage of naive T lymphocytes in HIV-1 infected children and adolescents – The ANRS-EP59-CLEAC study
P. Frange 1,2 , V. Avettand-Fenoel1,2 , J. Le Chenadec3 , C. Dollfus1 , L. Nailler3 , O. Dialla3 , T. Montange4 , D. Batalie4 , M. Fillion2 , I. Leymarie3 , L. Ait Si Selmi3 , T. Wack3 , J. Warszawski3 , F. Buseyne4 , ANRS-EP59-CLEAC Study Group
1 AP-HP, Paris, France,
2Université Paris Descartes, EA7327, Paris, France,
3INSERM, Le Kremlin- Bicêtre, France
4Institut Pasteur, Unité d'Epidémiologie et Physiopathologie des Virus Oncogènes, Paris, France