Diplômé en biochimie appliquée à la nutrition, Elliot Rakotomanana poursuit des études d’anthropologie sociale dans le domaine de la santé. A l’Institut Pasteur de Madagascar, ce jeune chercheur de 37 ans participe au programme de recherche AFRIBIOTA, une approche multidisciplinaire innovante pour mieux comprendre la malnutrition chronique et l’entéropathie environnementale pédiatrique (EEP).
« A Madagascar, presque la moitié des enfants de moins de 5 ans sont touchés par la malnutrition chronique », un contexte qui suffit à comprendre l’engagement d’Elliot Rakotomanana. Dans la famille nombreuse qui est la sienne, « la science est quelque chose de très important » raconte ce fils d’un agent forestier très attaché à la biodiversité de l’île. Un de ses frères se spécialise en biologie animale, lui opte pour la biochimie appliquée à la nutrition. En 2006, son diplôme d’études approfondies en biochimie appliquée aux sciences de l’alimentation et à la nutrition - mention très bien – en poche, il se spécialise dans la nutrition communautaire. Il participe avec l’ONG italienne Reggio Terzo Mondo à des projets d’appui nutritionnel d’enfants d’écoles primaires via la cantine scolaire et de prise en charge alimentaire d’enfants modérément malnutris, enfants vulnérables, orphelins et de personnes vivant avec le VIH.
« étudier la problématique de la nutrition dans une des plus importantes institution de recherche malgache m’a vraiment permis d’avancer dans mon apprentissage »
Il suit une formation, en tant qu’étudiant chercheur, au sein de l’Université d’Hiroshima. Pour cela, il prend des cours intensifs de japonais. Il travaille ensuite avec l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA). Lors de ces différentes expériences, il aime « l’approche de santé publique », la réalisation d’enquêtes de terrain et le travail avec des équipes étrangères. « C’est dangereux de rester isolé », estime celui qui apprécie aujourd’hui de faire partie du Réseau International des Instituts Pasteur.
En 2014, Elliot Rakotomanana commence à travailler pour l’Institut Pasteur de Madagascar au sein de l’Unité d’Epidémiologie et de recherche clinique. Il est alors coordinateur national d’une étude socio-anthropologique sur l’identification des déterminants socioculturels du retard de croissance. Une étape essentielle : « étudier la problématique de la nutrition dans une des plus importantes institution de recherche malgache m’a vraiment permis d’avancer dans mon apprentissage », rapporte Elliot Rakotomanana.
L'anthropologie une approche de recherche précieuse
Le jeune chercheur intègre en 2016 le volet anthropologique d’AFRIBIOTA, un programme de recherche multidisciplinaire qui vise à mieux caractériser un syndrome inflammatoire de l’intestin, lié à la malnutrition infantile chronique appelé entéropathie environnementale pédiatrique. Il part se former à l’Université de Bordeaux où il obtient en septembre 2017 un Master II en anthropologie sociale. Dans le cadre de ce master, il a partagé le quotidien de deux familles de quartiers très défavorisés d’Antananarivo avec des enfants en retard de croissance en s’intéressant en particulier à l’environnement des enfants, l’hygiène, les pratiques alimentaires, les relations avec l’entourage.
Légende: Elliot Rakotomanana partage le quotidien de familles défavorisées à Madagascar pour mieux comprendre les déterminants de la malnutrition.
En décembre 2017, il est retourné sur le terrain pour approfondir ces informations et observations avec cette fois une soixantaine de familles. « Beaucoup de ménage dans ces quartiers partagent les mêmes latrines dont l’entretien a un coût non négligeable » explique l’anthropologue « certains foyers refusent même leur utilisation par crainte d’être souillés par des matières fécales qui selon la croyance locale entrainent l’infortune dans la vie quotidienne. Nous cherchons à décrire l’implication que cela peut avoir sur les différentes pratiques autour de l’hygiène et de l’alimentation». Ces informations qui tiennent compte du contexte social, économique et culturel permettent de compléter celles obtenues par les disciplines traditionnelles de la recherche biomédicale.
Elliot Rakotomanana va bientôt mettre en œuvre grâce à l’aide du Dr Tamara Giles-Vernick la méthode « photovoice » dans le cadre de sa thématique de recherche. « Nous allons travailler avec des jeunes malgaches et leur demander de prendre dans leur environnement des photos liées à leur perception de la malnutrition. Développée depuis quelques années en anthropologie, cette méthode participative permet réellement de mettre en lumière les représentations et les connaissances des populations. Nous l’avons déjà appliquée dans notre groupe pour dans le cadre de nos recherches sur le peste et le paludisme ».
Prochaine étape, toujours dans le cadre du projet AFRIBIOTA, Elliot Rakotomanana souhaite débuter une thèse en anthropologie de la Santé. « C’est important pour moi de renforcer mes connaissances pour contribuer à mieux comprendre les problèmes de malnutrition », conclut ce chercheur engagé.
Elliot Rakotomanana, anthropologue à l'Institut Pasteur de Madagascar
- 1980 : Naissance d’Elliot Fara Nandrasana Rakotomanana à Antananarivo
- 2006 : Diplôme d’Etudes Approfondies en Biochimie Appliquée aux Sciences de l’alimentation et à la Nutrition, Université d’Antananarivo
- Depuis 2014 : Socio-anthropologue spécialiste en Nutrition et Santé à l’Institut Pasteur de Madagascar
- 2016- 2017 : Master II en Anthropologie sociale, Université de Bordeaux.