Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS montrent que des métissages, très communs au cours des derniers millénaires, ont permis aux populations humaines d’échanger entre elles des mutations génétiques avantageuses. Ces métissages ont ainsi facilité leur adaptation, en particulier face aux maladies infectieuses.
À mesure qu’elle peuplait les forêts denses d’Afrique, les montagnes de l’Himalaya et les archipels de l’Océan Pacifique, l’espèce humaine s’est confrontée à une grande diversité de microbes et a dû tirer parti de ressources nutritionnelles variées. Pour survivre, les populations humaines ont dû non seulement adapter leurs stratégies de subsistance, mais ont également acquis par sélection naturelle des mutations génétiques qui leur ont permis d’être protégées contre certains pathogènes, ou de mieux digérer certains aliments. On a longtemps pensé que ce phénomène d’adaptation génétique s’est opéré dans chaque population, isolément les unes des autres, mais les travaux de chercheurs de l’unité Génétique évolutive humaine de l’Institut Pasteur remettent cette théorie en cause.
À l’aide de millions de simulations de gènes, les auteurs de l’étude ont tout d’abord mis au point une méthode permettant de détecter, dans les génomes des populations métissées, des fréquences de mutations inhabituelles révélant les effets de la sélection naturelle depuis le métissage. Ils ont ensuite utilisé cette méthode pour sonder les génomes de quinze populations issues de tous les continents. Leurs analyses démontrent que la plupart des populations étudiées ont acquis des caractères adaptatifs par métissage avec d’autres populations. En Afrique du Nord, à Madagascar ou encore au Pakistan, des ethnies ont ainsi hérité par métissage d’une résistance génétique à une forme de paludisme, causé par Plasmodium vivax. De même, des groupes nomades du Sahara ont acquis la capacité de digérer le lait à l’âge adulte par échanges génétiques avec des populations Nord-Africaines. Ces découvertes impliquent que des mutations ont fortement favorisé la survie des individus au cours des dernières centaines d’années seulement, démontrant ainsi l’action continue et ininterrompue de la sélection naturelle. Cette étude révèle le rôle bénéfique du métissage dans l'évolution de notre espèce, en facilitant la diffusion de mutations avantageuses dans des gènes de l'immunité et du métabolisme.
Source :
The genomic signatures of natural selection in admixed human populations, The American Journal of Human Genetics, 7 mars 2021
Sebastian Cuadros-Espinoza1,2, GuillaumeLaval1, LluisQuintana-Murci1,3, EtiennePatin1
1 - Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS UMR2000, Human Evolutionary Genetics Unit, Paris 75015, France
2 - Sorbonne Université, Collège Doctoral, Paris 75005, France
3 - Chaire Génomique humaine et évolution, Collège de France, Paris 75005, France