Le moustique tigre, originaire d’Asie du Sud-Est, risque de poursuivre son expansion en région tempérée pour devenir la source d’un problème de santé publique majeur. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont en effet montré que ce moustique a acquis la capacité de transmettre le virus du chikungunya, avec la même efficacité à 20°C comme à 28°C.
A l’approche de la saison estivale, la question des effets du climat sur la transmission des pathogènes par les moustiques se pose inévitablement. Des scientifiques se sont donc intéressés au moustique tigre Aedes albopictus, plus particulièrement aux mécanismes moléculaires qu’il a mis en place pour transmettre le virus du chikungunya dans les pays tempérés. « Nous avons combiné plusieurs approches d’analyses génomiques pour démontrer que la température modifie profondément l’expression des gènes et le microbiome bactérien du moustique. La diversité génétique du virus du chikungunya est elle aussi affectée : tout ceci induit des transformations moléculaires menant à une transmission efficace du pathogène » relate Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur et coordinatrice de l’étude.
Un virus pouvant désormais être transmis en régions tempérées
Ces transformations ont peu à peu permis à ce virus d’origine tropicale, d’acquérir la capacité de se transmettre du moustique à l’humain à des températures plus basses. « Désormais, le moustique Aedes albopictus est capable de transmettre le chikungunya avec la même efficacité à 20°C et à 28°C » précise la scientifique. En l’absence de vaccins et de traitements, le chikungunya risque donc de poursuivre son expansion, et pourrait même devenir un problème de santé publique dans davantage de pays des régions tempérées.
Les émergences récentes de maladies à transmission vectorielle ont marqué un tournant en matière de santé publique, ces maladies affectant des territoires de plus en plus éloignés des zones endémiques. Cette situation tire son origine des changements environnementaux et de l’intensification des échanges entre les continents. Le virus du chikungunya a été signalé pour la première fois en Europe en 2007 lors d’une épidémie en Italie ; la situation se répète quelques années plus tard, et de nouvelles épidémies sont rapportées dans d’autres régions européennes.
En France, les premiers cas autochtones de chikungunya ont été observés en 2010, la source des contaminations étant des personnes revenues d’Inde. Le moustique tigre est aujourd’hui présent dans les régions tempérées telles que le continent américain, l’Asie tempérée et près de 28 pays d’Europe, dont la France depuis 2004. En quelques décennies, il a envahi les 4/5e de l’Hexagone.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source :
Climate change and vector-borne diseases: a multi-omics approach of temperature-induced changes in the mosquito, Journal of Travel Medicine, May 2023.