La pneumonie est une infection des alvéoles pulmonaires causée par des bactéries, des virus ou des champignons. Cette maladie est l'une des principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde, représentant un fardeau clinique et économique et un problème de santé publique globale. Les niches des voies respiratoires sont colonisées par un écosystème microbien (ou microbiome). Ce microbiome des voies respiratoires suscite l’intérêt des scientifiques car il contribue à la santé humaine en stimulant le système immunitaire et en protégeant contre l'infection par des pathogènes. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS ont montré comment la composition du microbiome, la quantité de pathogènes et les interventions cliniques influencent la gravité des pneumonies bactériennes, causées par Legionella pneumophila. Ces résultats ont été publiés dans la revue Cell Reports Medicine, le 25 août 2023.
Dans cette étude, les chercheuses et chercheurs de l’unité Biologie des bactéries intracellulaires[1], dirigée par Carmen Buchrieser, à l’Institut Pasteur, en collaboration avec Sophie Jarraud, responsable du Centre national de référence de légionelles à Lyon[2], ont analysé la diversité et la composition du microbiome des voies respiratoires (bactéries, archées, champignons, protozoaires) des patients atteints de pneumonie pendant toute la durée de leur hospitalisation. Ils ont étudié le microbiome au cours d'une pneumonie causée par le pathogène bactérien intracellulaire Legionella pneumophila. Cette bactérie est responsable de pneumonies graves, appelées maladies du légionnaire ou légionelloses. La Legionella provoque la légionellose chez l'humain par l'inhalation d'aérosols contaminés par des légionnelles provenant de sources d'eau artificielles telles que les douches, les bains thermaux ou les systèmes d'air conditionné. Le taux de létalité des légionelloses varie de 5 % à 40 % en fonction du contexte clinique et de la région de déclaration. Les facteurs de risque sont l'âge élevé, les maladies pulmonaires préexistantes, le tabagisme, l'immunodépression, et environ deux tiers des cas signalés sont des hommes. Les cas confirmés de légionelloses dans l'Union européenne sont passés de 4 693 cas en 2005 à 10 004 cas en 2021, soit une augmentation de 113 %. L'une des raisons de cette forte augmentation pourrait être le changement climatique, car les températures plus élevées de l'eau et les inondations plus fréquentes et plus importantes permettent à la bactérie de se répliquer en plus grand nombre et d'accéder aux lieux de vie humains.
L’équipe de scientifiques a utilisé le séquençage à haut débit des gènes marqueurs des bactéries, des archées et des champignons, associé à une approche de quantification, pour caractériser l'évolution du microbiome des voies respiratoires des patients au cours de l'infection et des interventions associées à l'hospitalisation (ventilation mécanique, prise d’antibiotiques, etc.). Une cohorte unique de 38 patients hospitalisés atteints d'une pneumonie causée par Legionella pneumophila, a été analysée. « Nous avons découvert une dynamique complexe du microbiome où coexistent des micro-organismes commensaux et pathogènes, et où l'équilibre en fonction de leur quantité conduit le microbiome à la guérison ou à la dysbiose (déséquilibre de la biodiversité), » explique Carmen Buchrieser, auteure principale de l’étude, et responsable de l’unité Biologie des bactéries intracellulaires à l’Institut Pasteur. En effet, on constate qu’au début de l'hospitalisation, le microbiome de ces patients est caractérisé par une baisse de la diversité, et le pathogène L. pneumophila est tué par le traitement antibiotique. Cependant, la niche vide est rapidement occupée par d'autres espèces opportunistes souvent résistantes aux antimicrobiens, un fait qui devrait être pris en compte dans les stratégies de prévention des infections secondaires. En outre, les microbiomes des voies respiratoires ayant les charges bactériennes et fongiques les plus élevées présentent une diversité plus faible et un enrichissement en agents pathogènes, ce qui indique qu'une biomasse élevée pourra être un biomarqueur pour les infections secondaires et/ou les co-infections. Enfin, les scientifiques ont montré que la biomasse de Legionella est en corrélation avec la gravité de la maladie et les comorbidités, ce qui suggère que la quantification de l'agent pathogène devrait être incluse dans le suivi médical des patients. Les interventions cliniques telles que la ventilation mécanique ou le type d'antibiotique influencent l'évolution du microbiome et, par conséquent, l'issue de la maladie.
« Dans cette étude nous avons aussi découvert que les champignons, les archées ou les protozoaires pourraient être des membres résidents et non transitoires dans les voies respiratoires des personnes hospitalisées et pourraient contribuer à la progression de la pneumonie, ce qui nécessite des recherches plus approfondies. Par conséquent, on montre ici que l'interaction entre l'équilibre du microbiome des voies respiratoires, la dynamique de la charge en agents pathogènes et les interventions cliniques jouent un rôle essentiel dans le rétablissement des patients atteints de pneumonie, » conclut Carmen Buchrieser.
Pour plus d’informations sur la légionellose, lire la fiche sur pasteur.fr.
[1] Associée au CNRS (unité de recherche : Microbiologie intégrative et moléculaire).
[2] Egalement enseignante-chercheuse au Centre international de recherche en infectiologie (CNRS/ENS Lyon/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1).
Source
The respiratory tract microbiome, the pathogen load and clinical interventions define severity of bacterial pneumonia, Cell Reports Medicine, 25 août 2023
Ana Elena Pérez-Cobas1,2#*, Christophe Ginevra3,4, Christophe Rusniok1,2, Sophie Jarraud3,4, Carmen Buchrieser1,2,5*
1. Institut Pasteur, Université Paris Cité, Biologie des Bactéries Intracellulaires, Paris, France
2. CNRS UMR 6047, 75724, Paris, France ;
3. Hospices Civils de Lyon, Centre National de Référence des Légionelles, Bron, France ;
4. Centre International de Recherche en Infectiologie, Université Lyon 1, UMR CNRS 5308, U1111 Inserm, Ecole Normale Supérieure de Lyon, Lyon, France
# Present address: Department of Microbiology, Ramón y Cajal University Hospital, Madrid, Spain; Ramón y Cajal Institute for Health Research, Madrid, Spain.
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