En 1981, les premiers cas d'une maladie totalement inconnue sont décrits aux États-Unis. Peste ou syndrome gay, cancer, pneumonie ? La rumeur va bon train. Retour sur l’histoire d’une émergence.
La recherche sur l’épidémie de sida – malheureusement toujours d’actualité avec 1,5 million de nouvelles contaminations à travers le monde en 2021 – s’inscrit dans une tradition désormais longue de 40 ans à l’Institut Pasteur. Une tradition marquée en premier lieu par l’identification du rétrovirus à l’origine du sida, publiée en mai 1983 dans Science. Cette découverte met fin, au moins sous l’aspect scientifique, aux suppositions qui avaient cours dans la population et les médias. Elle sera récompensée, en 2008, par le prix Nobel de physiologie ou médecine de Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier.
De la première alerte... à l'appellation SIDA
- 5 juin 1981
Le Centre de contrôle des maladies américain (CDC) signale une forme rare de pneumonie chez de jeunes homosexuels californiens. C’est la première alerte sur le sida.
- 1981 - « peste gay » « syndrome gay »
On donne d’abord à la maladie le nom de GRID (Gay-Related Immune Deficiency), de « peste gay » ou encore de « syndrome gay », car elle ne semble toucher que les hommes homosexuels.
- Le 3 juillet 1981 - « rare cancer observé chez 41 homosexuels »
Le New York Times écrit un premier article sur ce « rare cancer observé chez 41 homosexuels »
- Le 6 janvier 1982 – « un mystérieux cancer »
Le journal Libération consacre un article à ce « mystérieux cancer » apparu chez les homosexuels américains.
- Le 24 juillet 1982 - « gay syndrome »
Le journal Le Figaro aborde le sujet de ce qui est alors baptisé le « gay syndrome » (ou syndrome homosexuel).
- 1982 - « maladie des 4H »
Ce syndrome est ensuite nommé la « maladie des 4H » pour désigner les Homosexuels, Héroïnomanes, Hémophiles et Haïtiens, avant que l’on comprenne qu’elle ne concerne pas uniquement « ces populations ».
- 1982 - « AIDS-SIDA »
La maladie est renommée AIDS (Acquired Immunodeficiency Syndrome), en français SIDA (Syndrome d’immunodéficience acquise).
Deux virus transmis par des singes africains
Si les premiers cas ont été décrits aux États-Unis dès 1981, une étude réalisée a posteriori a démontré que des personnes africaines étaient infectées dès 1959. Mais d’autres études ont montré que le VIH circule chez l’être humain depuis plus longtemps, probablement depuis la fin du XIXe siècle.
On sait qu’au moins quarante espèces de singes africains (chimpanzés, gorilles, singes verts, etc.) sont naturellement infectées par les Virus de l’immunodéficience simienne (SIV), des rétrovirus proches du VIH. Certains de ces virus ont été transmis à l’être humain au moins à 12 reprises, donnant naissance aux virus VIH-1 et VIH-2. Avec l’accroissement de l’urbanisation et des flux de populations, ces deux virus (principalement le VIH-1) se sont ensuite rapidement disséminés.
Une diffusion rapide par voie sanguine
Depuis l’année de sa découverte, le VIH s’est diffusé à partir de l’Afrique vers l'Amérique du Nord puis vers l’Europe. Les premiers cas ont été signalés aux États-Unis chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Les cas suivants ont concerné les transfusés, les hémophiles et les toxicomanes, démontrant la forte implication de la voie sanguine dans la transmission du virus. La maladie n’est apparue en Asie que vers 1986-1987, d’abord en Thaïlande, puis dans les autres pays d'Asie du Sud-Est.
Il est à noter que contrairement à une idée reçue, le mode de transmission le plus important dans le monde entier se produit entre hétérosexuels. Selon les estimations, près de 38 millions de personnes seraient actuellement infectées dans le monde.
« Le sida, c’est une phase tardive de l’infection par le VIH », clarifie Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur. « Il faut vraiment casser cette association directe VIH/sida car elle représente un frein à l’éradication de l’infection par le VIH. C’est notre lutte quotidienne. » Effectivement, une personne qui a le sida est nécessairement porteuse du VIH, mais une personne qui est porteuse du VIH n’a pas obligatoirement le sida. Et aujourd’hui, grâce aux traitements antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH peuvent mener une vie relativement normale sans jamais développer la maladie.