Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont pour la première fois identifié des connexions entre les neurones et la microglie, un type de cellules immunitaires du cerveau. Cette découverte devrait permettre de préciser le rôle de l’inflammation dans les maladies neurodégénératives, révélant potentiellement de nouvelles cibles thérapeutiques.
Les maladies neurodégénératives constituent l’un des principaux fardeaux socio-économiques de la société. Plus de 179 millions de personnes en Europe sont touchées par au moins une forme de trouble neurologique, et le nombre de nouveaux cas augmente chaque année. Ces troubles sont souvent causés par l’accumulation dans les neurones de protéines toxiques, lesquelles peuvent se répandre d’une cellule à une autre via des procédés encore mal compris.
Différentes cellules du cerveau impliquées dans l’accumulation de protéines toxiques
Les cellules gliales, principales cellules immunitaires du cerveau, sont également touchées par ces pathologies : l’accumulation progressive d’agrégats de protéines toxiques dans le cerveau conduit finalement à la neurodégénérescence. Les cellules gliales sont des régulateurs majeurs du processus d’inflammation qui accompagne ces maladies, mais on ne sait pas encore si elles exercent une fonction protectrice ou contribuent à les aggraver.
En août 2016, les chercheurs de l’unité Trafic membranaire et pathogenèse de l’Institut Pasteur ont démontré que des structures nommées TNT (tunneling nanotubes) facilitent le transfert des protéines toxiques entre les neurones et ils ont émis l’hypothèse que les TNT jouent un rôle majeur dans la propagation des agrégats à travers le cerveau. Mais qu’en est-il de la microglie ? Elle constitue le premier niveau de défense du cerveau contre les pathogènes : sont-elles capables de protéger les neurones en détruisant les agrégats ou, au contraire, facilitent-elles leur diffusion ?
Dans Parkinson, les nanotubes "tentent de secourir" les neurones
En mai 2023, les chercheurs de cette même unité ont observé que la microglie constituait une voie de propagation pour l’alpha-synucléine, une protéine toxique responsable de la maladie de Parkinson. « Les neurones chargés d’agrégats d’alpha-synucléine utilisent efficacement les TNT pour les transférer à la microglie, sans doute dans l’objectif de diminuer leur quantité au sein des neurones. C’est d’ailleurs la première fois que l’existence de connexions fonctionnelles entre les neurones et les cellules gliales est démontrée » précise Ranabir Chakraborty, doctorant au sein de l’unité et co-auteur de l’étude.
Mais ce n’est pas tout. Les chercheurs ont également montré que les cellules gliales sont capables de transférer des mitochondries vers les neurones en mauvaise santé, toujours grâce aux TNT. « Les mitochondries sont les unités qui produisent l’énergie des cellules. Nous pensons donc qu’il s’agit là d’une tentative de sauvetage possible de ces neurones », explique Chiara Zurzolo, directrice de l’unité et co-autrice de l’étude.
Un espoir de cibles thérapeutiques pour Parkinson… voire Alzheimer
Cette étude ouvre de nouvelles voies de recherche sur la communication entre les neurones et la microglie dans les maladies neurodégénératives. Surtout, elle précise le rôle de l’inflammation, révélant potentiellement de nouvelles cibles thérapeutiques. « Nous étudions actuellement comment ce transfert est modulé par les signaux inflammatoires dans la maladie de Parkinson, et si un mécanisme similaire se produit dans le cas de la maladie d’Alzheimer » expliquent les chercheurs.
Une partie de ces travaux a été financée par le programme Explore.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source
Tunneling nanotubes between neuronal and microglial cells allow bi-directional transfer of α-Synuclein and mitochondria, Cell Death & Disease, 18 May 2023