Alors que plusieurs vagues épidémiques dues au virus Zika ont eu lieu à travers la planète ces dix dernières années, les pays africains ont été relativement épargnés. Ce n’est néanmoins pas le cas du Cap-Vert qui a connu une importante épidémie en 2015-2016. Comment l’expliquer ? Des scientifiques lèvent le voile sur cet apparent paradoxe.
Le virus Zika peut entraîner des symptômes grippaux et dans certains cas d’importantes complications neurologiques. Les femmes enceintes sont également susceptibles de transmettre le virus au fœtus, engendrant potentiellement de graves anomalies du développement cérébral chez le futur enfant. Transmis par les moustiques du genre Aedes, Zika s’est largement répandu à travers la planète. Le virus a été à l’origine de plusieurs flambées épidémiques au cours de la dernière décennie dans les zones tropicales, entre autres en Amérique latine. Les pays africains ont, par contre, été relativement épargnés, notamment car la sous-espèce africaine du moustique Aedes aegypti s’avère moins apte à véhiculer le virus que la sous-espèce invasive rencontrée hors d’Afrique. Mais, si les capacités de la sous-espèce africaine à transmettre le virus sont moindres, comment alors expliquer la vague épidémique ayant eu lieu au Cap-Vert en 2015-2016 ?
Des moustiques « capverdiens » génétiquement distincts de ceux du continent africain
Pour répondre à cette question, des chercheuses et chercheurs de l’Institut Pasteur et du Pasteur Network, en collaboration avec d’autres scientifiques, ont caractérisé avec précision les moustiques « capverdiens ». Pour ce faire, ils ont combiné analyses génomiques, tests de préférence d’hôte et infections expérimentales. Les résultats de ce travail montrent que « les moustiques du Cap-Vert sont génétiquement distincts par rapport à leurs homologues du continent africain. Ils présentent une nette préférence pour le sang humain et une sensibilité accrue au virus Zika » explique Louis Lambrechts, responsable de l’unité Interactions virus-insectes. Cette étude, en faisant la lumière sur la seule flambée épidémique de Zika en Afrique documentée à ce jour, permet de souligner encore un peu plus l’importance de la variabilité génétique des moustiques dans la dynamique épidémiologique du virus.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur
Source :
Enhanced mosquito vectorial capacity underlies the Cape Verde Zika epidemic, Plos Biology, 26 Octobre 2022
DOI: 10.1371/journal.pbio.3001864
Noah H. Rose1,2☯, Stéphanie Dabo3☯, Silvânia da Veiga Leal4, Massamba Sylla5, Cheikh
T. Diagne6, Oumar Faye6, Ousmane Faye6, Amadou A. Sall6, Carolyn S. McBride1,2,
Louis Lambrechts3
1. Department of Ecology & Evolutionary Biology, Princeton University, Princeton, New Jersey, United States of America
2. Princeton Neuroscience Institute, Princeton University, Princeton, New Jersey, United States of America
3. Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS UMR2000, Insect-Virus Interactions Unit, Paris, France
4. Laboratório de Entomologia Médica, Instituto Nacional de Saúde Pública, Praia, Cabo Verde
5. Department of Livestock Sciences and Techniques, University Sine Saloum El Hadji Ibrahima NIASS, Kaffrine, Senegal
6. Institut Pasteur Dakar, Arbovirus and Viral Hemorrhagic Fevers Unit, Dakar, Senegal
☯ These authors contributed equally to this work.