Dès le début de la pandémie de Covid-19, puis de façon rapidement croissante, le Réseau International des Instituts Pasteur a fortement mobilisé toutes ses expertises et ses ressources pour lutter contre ce virus émergent et ses conséquences, notamment en soutenant les instituts localisés dans des pays à faible revenu. En effet, tous les instituts membres du Réseau ont été désignés par leurs autorités de santé comme laboratoires de référence pour le diagnostic de la Covid-19, se retrouvant ainsi en première ligne dans la réponse à l’épidémie. Exemple en République centrafricaine avec l’Institut Pasteur de Bangui qui a reçu le soutien de l’Institut Pasteur à travers un financement d’urgence de l’AFD.
L’Institut Pasteur de Bangui tient une place essentielle en République Centrafricaine en tant qu’établissement consultatif du ministère de la Santé. Depuis quelques années, devant l’augmentation du volume d’activité, ses plateaux techniques ont été adaptés et modernisés, un laboratoire de sécurité de niveau 3+ a été mis en place permettant de réaliser le diagnostic des virus les plus virulents. L’Institut Pasteur de Bangui s’est ainsi naturellement positionné au cœur de la gestion de l’épidémie de la Covid-19 au sein du pays.
Guy Vernet, Directeur de l’Institut Pasteur de Bangui et Emmanuel Rivalyn Nakouné Yandoko, Directeur Scientifique, répondent à trois questions sur le rôle et les missions de l’institut Pasteur de Bangui dans ce contexte.
Quelles ont été les missions de l’Institut Pasteur de Bangui dans la gestion de l’épidémie de SARS-CoV-2 ?
Guy Vernet et Emmanuel Rivalyn Nakouné Yandoko: En tant que Laboratoire National de Référence accrédité par l’OMS pour le diagnostic de la grippe et des autres maladies respiratoires, l’Institut Pasteur de Bangui remplit plusieurs missions dans la gestion de l’épidémie de Covid-19.
Nous exerçons une mission de conseil auprès des autorités de santé et une mission de surveillance à base communautaire confiée par le ministère de la Santé. Nous jouons aussi un rôle capital de coordination car nous avons formé les techniciens de laboratoires dans les six principales villes de l’arrière-pays pour décentraliser les diagnostics. Ainsi, les prélèvements effectués dans les formations sanitaires sur des patients uniquement symptomatiques nous sont envoyés pour être testés par PCR. Nous rassemblons les données de ces différents laboratoires que nous transmettons ensuite au ministère de la Santé pour le renseigner sur l’état de l’épidémie dans le pays.
Nous assurons également une mission de formation et de sensibilisation auprès de la population et des professionnels de santé sur la Covid-19 (présentation clinique, diagnostic, épidémiologie, etc.). Depuis le mois d’août 2020, nous établissons des certificats de négativité pour permettre les voyages internationaux. Nous recevons au sein de l’Institut les personnes qui veulent voyager et nous effectuons les tests.
Pour finir, nous avons une mission de recherche sur la pénétration du virus dans la population par la recherche d’anticorps. Nous effectuons une observation passive sur nos patients qui viennent faire un test et nous avons lancé 3 protocoles sur les cas contacts, les personnels de santé et une enquête épidémiologique dans les arrondissements de Bangui pour estimer la proportion de personnes qui auraient développé des anticorps. Nos données de base se situeraient à 25% de la population qui auraient été infectées par le virus et auraient développé des anticorps.
Comment vous êtes-vous organisé pour réaliser les tests diagnostiques ? Comment se déroulent-ils dans votre laboratoire ?
Guy Vernet et Emmanuel Rivalyn Nakouné Yandoko : Au début, seule l’équipe du laboratoire de la grippe travaillait sur l’épidémie, soit 12 personnes. Au plus fort de la crise, l’équipe a été renforcée jusqu’à mobiliser 25 personnes en réquisitionnant les techniciens des différents laboratoires de l’institut.
D’un point de vue pratique, la stratégie a évolué au fur et à mesure de l’épidémie. Au début, tout était centralisé au niveau du ministère de la Santé avec la mise en place d’une commission de surveillance composée d’une équipe d’intervention rapide déployée sur le terrain. Tout cas suspect devait être signalé à un numéro vert au niveau du ministère. L’équipe d’intervention venait alors effectuer le prélèvement qui était envoyé au laboratoire de l’Institut Pasteur de Bangui pour analyse.
Rapidement, le nombre de réactifs et la capacité du laboratoire ont été limités, ce qui a poussé le pays à changer plusieurs fois de stratégie. Le ministre de la Santé a donc décidé de focaliser la surveillance uniquement sur les cas symptomatiques. Grâce au Réseau International des Instituts Pasteur, nous avons reçu très rapidement des réactifs de l’Institut Pasteur (Paris), nous permettant de mettre en place la surveillance du virus dès le début de l’épidémie. L’aide financière de bailleurs institutionnels tels que l’Agence française de développement (AFD) nous a également permis de nous doter via l’Institut Pasteur d’une quantité de réactifs suffisante mais aussi de consommables et d’équipements de protection individuelle (EPI). Nous avons également pu parer au plus urgent en termes de biosécurité et d’augmenter les ressources humaines en mobilisant en heures supplémentaires les équipes effectuant les diagnostics.
Nous allons aussi pouvoir investir dans des infrastructures, équipements et audits de nos locaux et capacités. Une sorte de mise à niveau pour mieux surveiller, préparer et répondre aux émergences futures. Dans un deuxième temps, nous avons formé les personnels de santé dans les dispensaires et hôpitaux pour permettre la surveillance et les prélèvements avant envoi au laboratoire.
Aujourd’hui, la principale activité de l’Institut Pasteur de Bangui est de prélever et poser le diagnostic de la Covid-19 aux personnes qui se déplacent, essentiellement des voyageurs, ce qui représente environ 250 personnes par jour.Dans le cadre de la surveillance épidémiologique, l’Institut reçoit environ une cinquantaine de prélèvements effectués hors site. Au pic de l’épidémie, le nombre de diagnostics effectués était d’environ 600.
Nous tenons également une base de données regroupant toutes les informations récoltées sur la Covid-19, ce qui nous permet de présenter régulièrement une analyse des résultats aux différents comités, analyse indispensable pour définir la surveillance et les stratégies à mettre en place.
Quel premier bilan faites-vous de la gestion de l’épidémie ?
Guy Vernet et Emmanuel Rivalyn Nakouné Yandoko: Le bilan de la gestion de cette crise est à ce jour très positif pour l’Institut Pasteur de Bangui car cela a renforcé notre image de laboratoire au cœur du système de santé centrafricain, très proche du ministère de la Santé. Les moyens que nous avons pu mobiliser grâce à notre expérience et nos ressources ont vraiment été très utiles dans la gestion de l’épidémie, malgré les difficultés que nous avons connues. Le fait d’appartenir à différents réseaux, le ministère de la Santé du pays d’abord, le Réseau International des Instituts Pasteur ensuite nous ont permis de pouvoir tenir le rôle et les missions qui nous ont été confiées.
L’Institut s’est également investi dans la formation des techniciens du Laboratoire National (deuxième laboratoire à effectuer les tests en RCA), mettant ainsi en place une synergie et une collaboration inédite entre les 2 établissements.
Et enfin, tout le travail mis en place et réalisé par l’Institut Pasteur de Bangui a été également possible grâce à l’aide et la générosité de donateurs et de bailleurs tels que l’Institut Pasteur à Paris, l’AFD, ou l’UNICEF, entre autres.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.