ComCor : Etude des facteurs sociodémographiques, comportements et pratiques associés à l’infection par le SARS-CoV-2

Flash Presse
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L'étude ComCor est une étude menée par l'Institut Pasteur en partenariat avec la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, l’institut Ipsos et Santé Publique France.

Analyse intermédiaire, au 1er mars 2021.

L’étude ComCor, qui couvre à ce jour la période du 1er octobre 2020 au 31 janvier 2021, inclut 77 208 participants avec infection aiguë par le SARS-CoV-2, hors personnels soignants (8,2% des personnes contactées par mail par la CNAM). L’étude permet de décrire les lieux et les circonstances de contamination. Elle compare également les comportements de 8 702 de ces cas avec ceux de 4 351 témoins identifiés par IPSOS et appariés sur l’âge, le sexe, le lieu, et la date.

L’analyse des quatre premiers mois de l’étude fait ressortir les points suivants :

  1. Circonstances de contamination

45% des personnes infectées connaissent la personne source qui les a infectées, 18% suspectent un évènement particulier sans connaître la personne source de l’infection, et 37% ne savent pas comment elles se sont infectées.

Quand la personne source est connue, il s’agit avant tout d’une source intra-domiciliaire (42%), puis d’une source extra-domiciliaire qui relève de la famille élargie (21%), d’une source professionnelle (15%), d’amis (11%) ou autre (11%). Les réunions privées, avec famille élargie et amis, et le travail en bureaux partagés, constituent les circonstances de transmission du virus les mieux identifiées.  Les repas, aussi bien en milieu privé que professionnel, sont les circonstances les plus fréquemment rapportées à l’origine de ces transmissions. On note que le sur-risque associé aux réunions privées diminue entre octobre et janvier, témoignant sans doute d’une meilleure gestion des risques par les participants lors de ces réunions.

Encore trop souvent (37% des cas pour les transmissions hors du domicile), la personne source de l’infection était symptomatique au moment du contact infectant. C’est particulièrement vrai en milieu professionnel (46% des cas).

L’analyse de plus de 10000 contacts uniques extra-domiciliaires à l’origine d’une infection montre que ce contact a eu lieu à l’intérieur fenêtres fermées dans 80% des cas, à l’intérieur fenêtres ouvertes dans 15% des cas, et à l’extérieur dans 5% des cas.

  1. L’isolement

Les patients s’isolent vis-à-vis des personnes vivant hors de leur foyer, mais attendent de plus en plus le retour du résultat du test pour s’isoler au détriment d’un isolement dès le début des symptômes. Les patients s’isolent moins souvent vis-à-vis des personnes vivant au sein de leur foyer (60%) qu’ils ne le font vis-à-vis des personnes qui vivent hors de leur foyer (98%). Cependant, sans doute parce que l’accès au test est plus rapide en janvier comparé à octobre, le délai moyen entre début des symptômes et isolement est passé de 1,7 jours en octobre à 1,3 jours en janvier.

  1. La scolarité

Au sein du foyer, avoir un enfant scolarisé représente un sur-risque d’infection pour les adultes, notamment ceux gardés par une assistante maternelle (+39%), et ceux qui vont au collège (+27%) et au lycée (+29%). Avec une exception toutefois : avoir un enfant scolarisé en primaire n’a pas été jusqu’à maintenant associé à un sur-risque d’infection pour les adultes vivant dans le même foyer. On note cependant depuis janvier une augmentation des infections intra-domiciliaires vers les adultes dues à des enfants de moins de 11 ans.

  1. Le travail

La relation entre diplômes et risque d’infection suit une courbe en U :  les bacheliers jusqu’à Bac+4 sont moins à risque d’infection, comparés aux non-bacheliers et aux Bac+5.

Les catégories professionnelles les plus à risque sont, par ordre croissant de sur-risque, les cadres de la fonction publique, les ingénieurs et les cadres techniques d’entreprise, les cadres administratifs et commerciaux d’entreprise, les chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, les professions intermédiaires de la santé et du travail social, et les chauffeurs.

Les catégories professionnelles les moins à risque sont, par ordre décroissant de risque, les employés civils et agents de service de la fonction publique, les employés administratifs de l’entreprise, les retraités, les professions intermédiaires administratives de la fonction publique, les personnels des services directs aux particuliers, les policiers et militaires, les professeurs des écoles et instituteurs, les professions intermédiaires administratives et commerciales de l’entreprise, les professeurs et professions scientifiques, et les agriculteurs.

Les autres catégories professionnelles sont considérées comme ayant un risque « moyen » d’infection : artisans et ouvriers artisans, commerçants et assimilés, professions libérales, professions de l’information, des arts et des spectacles, techniciens, contremaîtres et agents de maîtrise, employés de commerce, ouvriers qualifiés de type industriel, étudiants, chômeurs et inactifs.

Les transports en commun n’ont pas été associés à un sur-risque d’infection. Le co-voiturage l’a été (+58%) ; ce terme peut désigner, selon la compréhension des répondants à l’étude, le partage d’un trajet en véhicule entre amis ou entre proches, comme les déplacements organisés via des plateformes ou opérateurs de covoiturage. Par conséquent,  dans les prochaines versions de l'étude ComCor, une différenciation sera réalisée entre les usages en véhicule partagé entre proches d’une part et les usages organisés via des plateformes et opérateurs de covoiturage d’autre part.

Le télétravail protège (-24% pour le télétravail partiel, -30% pour le télétravail total par rapport à des personnes effectuant le même travail en bureau).

  1. Les lieux fréquentés

Les cours en amphithéâtre ou en salle pour la formation continue, le sport en extérieur, et la fréquentation des lieux de culte, des commerces, et des salons de coiffure, n’ont pas été associés à un sur-risque d’infection.

La fréquentation des lieux culturels n’a pas été associée à un sur-risque d’infection pendant la période où ils étaient ouverts (octobre). Le risque n’a pas pu être ré-évalué depuis leur fermeture en novembre.

La fréquentation des salles de sport en intérieur a été associée à un sur-risque à la limite de la significativité statistique pendant la période où elles étaient ouvertes (octobre). Le risque n’a pas pu être ré-évalué depuis leur fermeture en novembre.

La fréquentation des bars et des restaurants a été associée à un sur-risque d’infection pendant la période où ils étaient ouverts (octobre). Le risque n’a pas pu être ré-évalué depuis leur fermeture en novembre.

Les déplacements à l’étranger ont été associés à un sur-risque d’infection (+53%).

Ces résultats sont conformes aux données de la littérature internationale, et notamment les études de Fisher (MMWR, 2020), Chang (Nature, 2021), et la très récente étude de cohorte américaine de Nash (medRxiv, 2021)[1]. Il apparait également que les clusters et épisodes de transmission bien caractérisés sont très majoritairement identifiés en espaces intérieur comparé à extérieur (Weed & Foad, medRxiv, 2020 ; Cevik M, CID, 2020 ; Bulfone, JID, 2021)[2].

 

Les recommandations qui peuvent être faites à la lecture de ces résultats sont les suivantes :

  • Continuer de bien communiquer sur les risques associés aux rencontres, notamment en milieu fermé sans aération, et sans respect des gestes barrières. Ce sont vraisemblablement les principales sources de transmission du virus.
  • Bien insister sur l’importance de mettre un masque, de respecter les autres gestes barrières, et de s’isoler immédiatement dès le début des symptômes, et non pas au retour des résultats du test. La contagiosité est maximale dans les cinq jours qui suivent le début des symptômes. L’isolement doit se faire également vis-à-vis des personnes du même foyer, et il est important d’avoir recours aux services offerts par la Cnam pour organiser l’isolement quand il est difficile. Il est essentiel de ne pas se rendre sur son lieu de travail si l’on est symptomatique.
  • En ce qui concerne les écoles, avoir un enfant qui va au collège ou au lycée représente le sur-risque le plus important pour les adultes. Vis-à-vis des plus petits, le sur-risque pour les adultes semble plus important si les enfants sont gardés par une assistante maternelle comparés aux enfants qui vont en crèche.
  • Les catégories professionnelles exerçant en milieu clos (chauffeurs), et celles associés avec de fréquents contacts avec d’autres personnes, semblent plus exposées. Il est important en milieu professionnel d’aérer le lieu de travail, de s’assurer que les contacts inter-individuels sont protégés, notamment lors des réunions physiques, en bureau partagé, et lors de la restauration. Privilégier le télétravail quand il est possible.
  • Il n’y a pas de sur-risque documenté dans les transports en commun, probablement parce que les gestes barrières peuvent y être respectés. Attention au co-voiturage qui reste une circonstance importante et stable de transmission au cours de la période d’étude.
  • La fréquentation des lieux publics où les gestes barrières peuvent être respectés (commerces, salles de cours, amphithéâtres, lieux de culte, et salons de coiffure), n’a pas été associée à un sur-risque d’infection dans l’étude.
  • Le sport en extérieur peut être recommandé tant que la distance physique est respectée.

Attention, tous ces résultats pourraient être remis en question par l’arrivée des variants anglais, sud-africains et brésiliens sur le territoire français.  Le variant anglais est environ 50% plus transmissible que le virus traditionnel. Les modes de transmission semblent être les mêmes, mais la contagiosité est supérieure, et la durée d’excrétion du virus chez les personnes infectées pourrait être plus longue. Nos collègues européens rapportent des épidémies dans les crèches, maternelles, et écoles élémentaires qui n’avaient pas été rapportées jusqu’à présent, sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’une meilleure surveillance dans les écoles, d’une circulation visible car ces lieux sont souvent les derniers à rester ouverts en cas de circulation active du virus en communauté, ou d’un tropisme particulier du virus pour les enfants. Il est possible, si la dose minimale infectante est plus faible avec la contagiosité accrue du variant anglais, que des modes de transmission inefficaces auparavant chez les enfants le soient devenus avec l’arrivée de ces variants plus contagieux.

 

[1] Fisher KA, Tenforde MW, Feldstein LR, et al. Community and Close Contact Exposures Associated with COVID-19 Among Symptomatic Adults ≥18 Years in 11 Outpatient Health Care Facilities - United States, July 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69:1258–64.

Chang S, Pierson E, Koh PW, et al. Mobility network models of COVID-19 explain inequities and inform reopening. Nature 2021; 589:82-87.

Nash D, Rane M, Chang M, et al. Recent SARS-CoV-2 seroconversion in a national community-based prospective cohort of U.S. adults. medRxiv, 2021; https://doi.org/10.1101/2021.02.12.21251659.

[2] Bulfone TC, et al. Outdoor transmission of SARS-CoV-2 and other respiratory viruses: a systematic review. J Infect Dis. 2021;223:550-561.

Weed M & Foad A. Rapid scoping review of evidence of outdoor transmission of Covid-19, 2020, medRxiv https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.09.04.20188417v2

Cevik M, Marcus JL, Buckee C, Smith TC, Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (SARS-CoV-2) Transmission Dynamics Should Inform Policy, Clin Infect Dis, 2020, https://doi.org/10.1093/cid/ciaa1442
 


Le projet ComCor  est financé par REACTing, la Fondation de France dans le cadre de l'alliance «Tous unis contre le virus » et l’Institut Pasteur. Il a récemment obtenu le label de « priorité nationale de recherche » Capnet. 



Source

Etude des facteurs sociodémographiques, comportements et pratiques associés à l’infection par le SARS-CoV-2 (ComCor), publiée en ligne le 9 mars 2021. Lire l'intégralité des résultats ici.

Institut Pasteur :

Unité d’épidémiologie des maladies émergentes : Simon Galmiche, Tiffany Charmet, Laura Schaeffer, Rebecca Grant, Arnaud Fontanet

Unité de modélisation des maladies infectieuses : Juliette Paireau, Simon Cauchemez

Centre pour la recherche translationnelle : Olivia Chény, Cassandre Von Platen

Caisse Nationale d’Assurance Maladie :

Alexandra Maurizot, Carole Blanc, Annika Dinis, Sophie Martin

Institut IPSOS : Faïza Omar, Christophe David

Sorbonne Université, Inserm, IPLESP, Hôpital Saint-Antoine, APHP : Fabrice Carrat

Santé Publique France : Alexandra Septfons, Alexandra Mailles, Daniel Levy-Bruhl

Projet financé par Reacting (Agence ANRS-MIE) et l’Institut Pasteur

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