Avant l’ère vaccinale, la diphtérie était l’infection respiratoire la plus meurtrière chez les jeunes enfants. Cette maladie cause encore des épidémies dans certaines régions du monde et peut toucher les personnes non vaccinées, avec des conséquences graves. Les antibiotiques sont primordiaux pour le traitement de cette maladie, et l’émergence de résistances aux antibiotiques constitue un danger pour la santé publique. Une équipe comprenant des chercheurs de l’Institut Pasteur a identifié l’origine de la résistance à la pénicilline chez l’agent bactérien responsable de la diphtérie.
Grâce au vaccin, développé dès les années 1920 par Gaston Ramon, vétérinaire et biologiste à l’Institut Pasteur, la diphtérie a quasiment disparu dans les pays développés et dans beaucoup d’autres régions du monde. Toutefois, l’agent infectieux bactérien, Corynebacterium diphtheriae (C. diphtheriae), se transmet toujours dans la population humaine. Il peut causer des infections chez les personnes non vaccinées. Lorsque la couverture vaccinale est insuffisante, comme c’est le cas dans les régions touchées par diverses crises, il provoque rapidement des épidémies.
Les antibiotiques sont critiques pour le traitement de la diphtérie
Le traitement de la diphtérie consiste à administrer au plus vite un sérum antitoxine et/ou des antibiotiques. Cependant, la production de sérum antitoxine a quasiment disparu à l’échelle globale. « Le traitement antibiotique est critique pour la personne infectée et ses contacts. C’est la pénicilline, l’un des premiers antibiotiques mis sur le marché, qui est encore souvent utilisée », détaille Sylvain Brisse, chef de groupe de l’unité Biodiversité et épidémiologie des bactéries pathogènes, et responsable du centre national de référence de la diphtérie (CNR des Corynebactéries du complexe diphtheriae).
L’étude de la résistance à la pénicilline chez la diphtérie grâce aux souches du CNR
Aujourd’hui, des résistances à la pénicilline apparaissent chez l’agent de la diphtérie. L’équipe de Sylvain Brisse a cherché à définir les taux de résistance à la pénicilline et à comprendre l’origine de la résistance, parmi les souches de cet agent détectées en France. « Le CNR des Corynebactéries du complexe diphtheriae, créé en 2000 suite à une importante épidémie de diphtérie en ex-URSS, a pour mission la collecte et la caractérisation les souches de C. diphtheriae. Les souches collectées en France métropolitaine et d’Outre-mer entre 2008 et 2017 ont été caractérisées pour leur sensibilité à 19 antibiotiques, dont la pénicilline, et leur séquence génomique complète a été réalisée », explique Sylvain Brisse.
La découverte d’un gène de résistance
La résistance à la pénicilline a été détectée dans 17 % des souches, et des résistances multiples (c’est-à-dire une même bactérie résistant à plusieurs antibiotiques) ont été observées. Un variant d’un gène associé à une faible affinité pour la pénicilline a été découvert. Cela explique la résistance des bactéries, porteuses de ce variant, à l’effet de l’antibiotique. Ce gène a été trouvé dans des lignées génétiques variées de la bactérie, il est donc transmissible à de nouvelles lignées. Il est parfois porté par un plasmide, un élément génétique bactérien, porteur de multiples gènes de résistance. Ce plasmide est nouvellement décrit par cette étude. Enfin, les auteurs ont montré que ce gène confère une résistance non seulement à la pénicilline, mais aussi à divers antibiotiques de la même famille.
Ces résultats apportent une photographie actuelle de la résistance aux antibiotiques chez l’agent de la diphtérie et révèlent un nouveau gène de résistance à la pénicilline chez ce pathogène. Cela contribuera à affiner le choix des antibiotiques pour traiter les patients et de mieux diagnostiquer la résistance de la diphtérie aux antibiotiques. Plus généralement, le travail mené par le CNR et l’unité de recherche qui l’héberge, et leurs collaborateurs, permettra de mieux appréhender la ré-émergence et la transmission de la diphtérie.
Source:
Population genomics and antimicrobial resistance in Corynebacterium diphtheriae, Genome Medicine, 27 novembre 2020
Melanie Hennart1,2, Leonardo G. Panunzi1,3, Carla Rodrigues1, Quentin Gaday4, Sarah L. Baines5, Marina Barros-Pinkelnig1, Annick Carmi-Leroy1,6, Melody Dazas1,6, Anne-Marie Wehenkel4, Xavier Didelot7, Julie Toubiana1,6,8, Edgar Badell1,6 and Sylvain Brisse1,6
1Biodiversity and Epidemiology of Bacterial Pathogens, Institut Pasteur, Paris, France
2Collège doctoral, Sorbonne Université, F-75005 Paris, France.
3Institut Français de Bioinformatique, CNRS UMS 3601, Evry, France.
4Unité de Microbiologie Structurale, Institut Pasteur, CNRS UMR 3528, Université de Paris, F-75015 Paris, France.
5Doherty Applied Microbial Genomics, Department of Microbiology & Immunology, The University of Melbourne at The Peter Doherty Institute for Infection & Immunity, Melbourne, Victoria, Australia.
6Institut Pasteur, National Reference Center for Corynebacteria of the Diphtheriae Complex, Paris, France.
7School of Life Sciences and Department of Statistics, University of Warwick, Coventry, UK.
8Department of General Pediatrics and Pediatric Infectious Diseases, Hôpital Necker-Enfants Malades, APHP, Université de Paris, Paris, France.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.