Grâce à la collection de souches de vibrions cholériques du Centre National de Référence des Vibrions et du Choléra (hébergé par l’Unité des Bactéries Pathogènes Entériques de l’Institut Pasteur) et en collaboration avec des scientifiques de l’Institut Cantacuzène, Bucarest, Roumanie et de l’Agence de Santé Publique du Canada, une analyse rétrospective des dernières épidémies de choléra en Europe, en lien avec la septième pandémie actuelle, a pu être réalisée en étudiant le génome de 172 souches isolées de patients européens.
Comprendre l’origine des épidémies
En 1970, neuf ans après le début de la septième pandémie de choléra en Indonésie, cette maladie redoutée atteint l’Afrique et l’Europe. Plusieurs pays d’Europe du Sud (Espagne, Portugal et Italie) recensent des cas autochtones au début des années 1970 et en 1974-1975, l’ensemble du Portugal est touché avec plus de 3500 cas et 50 morts. En France, quelques cas sporadiques seront également notifiés. En Europe de l’Est, les épidémies de choléra vont se poursuivre jusqu’en 2011. Le travail des chercheurs a permis de mieux comprendre la dynamique de circulation du vibrion cholérique à l’échelle européenne de 1970 à 2011. Les pays d’Europe du Sud ont été touchés dès le début des années 1970 par des souches originaires d’Afrique du Nord ou de l’Ouest alors que les pays d’Europe de l’Est l’ont été par des souches en provenance d’Asie du Sud, souvent via le Moyen Orient et ce jusqu’en 2011.
Les épidémies d’Italie et d’Albanie de 1994 représentent une exception, les dernières recensées en Europe du Sud ne provenaient pas d’Afrique mais étaient en lien avec des foyers épidémiques en Europe de l’Est.
Cette étude confirme le rôle de l’homme dans la propagation du choléra
Ce travail a également montré le caractère importé de façon récurrente du choléra en Roumanie, qui a connu 4 épidémies entre 1990 et 1995. Chaque épidémie était causée par une nouvelle lignée importée d’Asie du Sud et non par une même lignée qui aurait persisté grâce à un réservoir aquatique pérenne (théorie prévalente depuis plusieurs années). Cette étude, ainsi qu’une précédente concernant l’épidémiologie du choléra en Afrique (2), a permis de confirmer le rôle central de l’homme dans la propagation de ce fléau, par une transmission interhumaine directe ou indirecte.
Sources :
(1) The seventh pandemic of cholera in Europe revisited by microbial genomics, Nature communications, 22 octobre 2020.
Mihaela Oprea1, Elisabeth Njamkepo2, Daniela Cristea1, Anna Zhukova3,4, Clifford G. Clark5, Anatoly N. Kravetz6, Elena Monakhova7, Adriana S. Ciontea1, Radu Cojocaru8, Jean Rauzier2, Maria Damian1, Olivier Gascuel3, Marie-Laure Quilici2 & François-Xavier Weill 2
1Cantacuzino National Medico-Military Institute for Research and Development, 050096 Bucharest, Romania.
2Institut Pasteur, Unité des Bactéries Pathogènes Entériques, Paris 75015, France.
3Unité Bioinformatique Evolutive, USR3756 (C3BI/DBC), Institut Pasteur & CNRS, Paris, France.
4Hub Bioinformatique et Biostatistique, USR3756 (C3BI/DBC), Institut Pasteur, Paris, France.
5National Microbiology Laboratory, Public Health Agency of Canada, Winnipeg, MN, Canada.
6Kiev Research Institute of Epidemiology and Infectious Diseases, Protasiv Yar Uzuiz, Ukraine.
7Rostov-on-Don Research AntiPlague Institute, Rostov-on-Don, Russia 344002.
8National Centre for Public Health, Chisinau, Republic of Moldova
(2) Genomic history of the seventh pandemic of cholera in Africa, Science, 10 Novembre 2017
François-Xavier Weill1,2,Daryl Domman2, Elisabeth Njamkepo1, Cheryl Tarr3, Jean Rauzier1, Nizar Fawal1, Karen H. Keddy4,5, Henrik Salje6,7, Sandra Moore8, Asish K. Mukhopadhyay9, Raymond Bercion10,11, Francisco J. Luquero12, Antoinette Ngandjio13, Mireille Dosso14, Elena Monakhova15, Benoit Garin11, Christiane Bouchier16, Carlo Pazzani17, Ankur Mutreja18,19, Roland Grunow20, Fati Sidikou21, Laurence Bonte22 , Sébastien Breurec10, Maria Damian23, Berthe-Marie Njanpop-Lafourcade24, Guillaume Sapriel25,26, Anne-Laure Page12, Monzer Hamze27, Myriam Henkens28, Goutam Chowdhury9, Martin Mengel24, Jean-Louis Koeck29, Jean-Michel Fournier30, Gordon Dougan2,18, Patrick A. D. Grimont31, Julian Parkhill2, Kathryn E. Holt32, Renaud Piarroux8, Thandavarayan Ramamurthy19, Marie-Laure Quilici1,30, Nicholas R. Thomson2,33
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.