Un nouvel élément viral endogène (EVE) a été identifié chez les moustiques Aedes aegypti. Cet EVE est presque identique à une souche contemporaine du CFAV (cell-fusing agent virus), un virus spécifique aux insectes fréquemment rencontrés, trouvé dans les populations d’Ae. aegypti. Des chercheurs ont démontré expérimentalement que cet EVE limite la réplication du CFAV dans les ovaires du moustique. Cette découverte étaye l’idée que les EVE constituent un système universel d’immunité antivirale héréditaire spécifique à la séquence.
Les EVE (éléments viraux endogènes), ou virus fossiles, sont des séquences virales intégrées aux génomes hôtes. Quand l’intégration de l’ADN viral se produit dans la lignée germinale, il peut être hérité et conservé dans le génome hôte, témoignant d’infections virales anciennes.
Les EVE dérivés de rétrovirus en sont le meilleur exemple. En effet, ils jouent des rôles clés dans la physiologie de l’hôte et l’immunité antivirale. De récentes études bioinformatiques ont également permis d’identifier des EVE non rétroviraux dans un vaste panel de génomes animaux incluant les moustiques.
Les EVE non rétroviraux produisent des piARN, une classe de petits ARN canoniquement associés à l’intégrité du génome via le contrôle des transposons dans la lignée germinale. Cette observation a conduit à l’hypothèse que les EVE non rétroviraux peuvent également jouer un rôle dans l’immunité antivirale des eucaryotes.
La confirmation de cette hypothèse pose toutefois un défi majeur : les virus qui circulent actuellement ont le plus souvent une faible identité nucléotidique avec la séquence des EVE correspondants, empêchant un éventuel appariement entre les piARN dérivés de l’EVE et l’ARN viral cible.
« Nous avons identifié un nouvel EVE chez les moustiques Aedes aegypti identique à 96 %, au niveau nucléotidique, à une souche contemporaine du CFAV (cell-fusing agent virus), un virus spécifique aux insectes fréquemment rencontré dans les populations d’Ae. aegypti », explique Louis Lambrechts, responsable de l’unité Interactions virus-insectes de l’Institut Pasteur (Paris).
Sur la base de cette interaction virus-insecte naturelle, les chercheurs ont montré que l’EVE et l’ARN viral interagissent via la voie des piARN. L’ablation de l’EVE par édition du génome CRISPR/Cas9 a entraîné une augmentation de la réplication du CFAV dans les ovaires du moustique.
Selon Carla Saleh, responsable de l’unité Virus et interférence ARN de l’Institut Pasteur (Paris), « nos résultats révèlent l’activité antivirale d’un EVE non rétroviral contre un virus apparenté. Nous suggérons que les EVE constituent un système universel d’immunité antivirale héréditaire spécifique à la séquence chez les eucaryotes, analogue à l’immunité CRISPR/Cas chez les procaryotes. »
Source
Non-retroviral endogenous viral element limits cognate virus replication in Aedes aegypti ovaries, Current Biology, 16 juillet 2020
Yasutsugu Suzuki1*, Artem Baidaliuk2,3*, Pascal Miesen1,4, Lionel Frangeul1, Anna B. Crist2, Sarah H. Merkling2, Albin Fontaine2, Sebastian Lequime5, Isabelle Moltini-Conclois2, Hervé Blanc1, Ronald P. van Rij4, Louis Lambrechts2**, Maria-Carla Saleh1**
1. Viruses and RNA Interference Unit, Institut Pasteur, UMR3569, CNRS, Paris, France
2. Insect-Virus Interactions Unit, Institut Pasteur, UMR2000, CNRS, Paris, France
3. Sorbonne Université, Collège doctoral, F-75005 Paris, France
4. Department of Medical Microbiology, Radboud Institute for Molecular Life Sciences, Radboud University Medical Center, Nijmegen, The Netherlands
5. KU Leuven Department of Microbiology and Immunology, Rega Institute, Laboratory of Clinical and Epidemiological Virology, Leuven, Belgium
*These authors contributed equally.
**These authors contributed equally.
Cette étude entre dans le cadre de l’initiative Vaccinologie et immunothérapie du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.