Les bactéries à développement intracellulaire dépendent de leur cellule-hôte pour avoir accès aux nutriments. Des chercheurs de l’unité Biologie cellulaire de l’infection microbienne à l’Institut Pasteur ont découvert que ces bactéries exploitent des voies de contrôle du métabolisme de l'hôte pour l’adapter à leurs propres besoins et favoriser ainsi leur prolifération.
L'enzyme transglutaminase 2 est une protéine présente dans la majorité des tissus, à la fois dans le cytoplasme (le milieu intérieur d’une cellule) et à la surface cellulaire. Une dérégulation de son activité est observée dans plusieurs pathologies, en particulier dans des conditions d’inflammation. Pourtant, son rôle dans le processus inflammatoire classique que représente une infection bactérienne reste peu étudié.
Une équipe de l’Institut Pasteur, l’unité Biologie cellulaire de l’infection microbienne a donc examiné l’activité de cette enzyme dans une cellule infectée par la bactérie Chlamydia trachomatis.
L'importance de l’étude du métabolisme face à l’infection
Chlamydia trachomatis est une bactérie intracellulaire, se développant principalement dans les cellules épithéliales des voies génitales. Elle est la première cause d’infection sexuellement transmissible d’origine bactérienne, et peut entraîner des inflammations pelviennes et une stérilité chez la femme.
« Nous avons montré que l’infection par Chlamydia trachomatis active l’enzyme transglutaminase 2 », explique Agathe Subtil, directrice de recherche au CNRS et responsable de l’unité Biologie cellulaire de l’infection microbienne (Institut Pasteur). Cette enzyme modifie notamment une protéine qui régule la synthèse de certains sucres. Les chercheurs ont montré que dans les cellules infectées, ces sucres étaient captés par les bactéries, et étaient nécessaires à leur prolifération.
« Notre étude apporte non seulement un éclairage nouveau sur les besoins métaboliques de Chlamydia, mais nous renseigne également sur le métabolisme de cellules non infectées » poursuit Agathe Subtil. En effet, les chercheurs ont montré que le lien entre l’activation de la transglutaminase 2 et l’augmentation de la synthèse de ces sucres particuliers reste vrai dans d’autres situations où la transglutaminase 2 est activée.
« Nous pensons que, de façon générale, l’étude des conséquence d’une infection sur le métabolisme des cellules de l’hôte va permettre de révéler de nouveaux niveaux de régulation et pourrait avoir des applications dans plusieurs disciplines, en particulier en cancérologie », souligne Agathe Subtil. En effet, il existe des similitudes entre l’augmentation des besoins en ressources pour assurer la croissance bactérienne dans le cas d’une infection d’une part, et pour assurer la prolifération des cellules dans le cas de la progression tumorale d’autre part. « Il est raisonnable de penser que certains mécanismes moléculaires sous-jacents sont communs aux deux situations. »
Source
Infection-driven activation of transglutaminase 2 boosts glucose uptake and hexosamine biosynthesis, The Embo Journal, 5 mars 2020
Benoit Maffei1,2, Marc Laverrière1, Yongzheng Wu1, Sébastien Triboulet1, Stéphanie Perrinet1, Magalie Duchateau3, Mariette Matondo3, Robert L. Hollis4, Charlie Gourley4, Jan Rupp5, Jeffrey W. Keillor6 and Agathe Subtil1
1 Unité de Biologie cellulaire de l’infection microbienne, Institut Pasteur, CNRS UMR3691, 75015 Paris, France
2 Sorbonne Université, Collège Doctoral, F-75005 Paris, France
3 Plateforme Protéomique, Unité de Spectrométrie de Masse pour la Biologie, USR 2000 CNRS, Institut Pasteur, Paris, France
4 Nicola Murray Centre for Ovarian Cancer Research, Cancer Research UK Edinburgh Centre, MRC IGMM, University of Edinburgh, Edinburgh, UK
5 Department of Infectious Diseases and Microbiology, University of Lübeck, Lübeck, Germany
6 Department of Chemistry and Biomolecular Sciences, University of Ottawa, Canada