Les épidémies sont imprévisibles, souvent meurtrières. Et quel que soit l’endroit de la planète où elles surgissent, nous sommes tous potentiellement concernés : avec la mondialisation des transports aériens, un microbe peut faire le tour du monde en moins de 24h. Si certaines épidémies concernent des maladies connues depuis longtemps - grippe, fièvre jaune, peste, choléra ou encore rougeole -, beaucoup sont provoquées par des agents pathogènes « récents » : parmi ceux identifiés depuis les années 70, on peut citer les virus du sida, du SRAS, de l’hépatite C, du MERS-CoV, ou Ebola. Et d’autres virus émergents inquiètent depuis peu les scientifiques, comme le virus Nipah en Asie ou celui de la variole du singe en Afrique.
Portrait-robot d’un virus pandémique
A quoi pourrait ressembler un agent pathogène à haut risque de déclencher rapidement une dangereuse pandémie (épidémie touchant plus d’un continent) ? Son portrait-robot pourrait être : un virus, facilement transmissible d’homme à homme par voie respiratoire, hautement contagieux avant l’apparition des premiers symptômes, avec une durée d’incubation courte, mortel dans plus d’1 cas sur 1000… En ce sens, les virus de la grippe restent parmi les plus craints aujourd’hui, et les plus surveillés (voir encadré). Les réassortiments de leurs génomes – chez l’Homme, les oiseaux et les porcs – créent sans cesse de nouveaux virus pouvant être plus pathogènes que ceux des épidémies de grippe saisonnière, déjà sources de nombreux décès (9900 morts cet hiver en France). Un virus grippal vis-à-vis duquel personne n’aurait d’immunité pourrait toucher 20 à 50% de la population mondiale. « Le risque permanent d’un nouveau virus de la grippe transmis des animaux à l‘Homme potentiellement à l’origine d’une pandémie est réel. La question n’est pas de savoir si une autre pandémie va survenir, mais quand.» soulignait récemment le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour autant, la plus vaste pandémie de ces dernières décennies fut celle provoquée par le virus du sida. Son temps d’incubation très lent – 10 ans en moyenne avant l’apparition des premiers symptômes, alors que la personne infectée est déjà contagieuse – explique qu’il ait touché autant de monde : 35 millions de morts ; 37 millions de personnes actuellement infectées.
L’Institut Pasteur sur le front des épidémies en France et dans le monde
Grippe, méningites, salmonelles… : en France, l’Institut Pasteur est en charge de la surveillance de plusieurs pathogènes à travers ses 14 « Centres nationaux de référence (CNR) », véritables observatoires des maladies infectieuses nommés par la Direction générale de la santé, donnant l’alerte en cas d’épidémie. Sa Cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU), d’astreinte 24h/24 et 7j/7, renforce ce dispositif. Elle fut particulièrement active lors de la pandémie de grippe H1N1 en 2009, épaulant le CNR de la grippe pour le diagnostic des cas français. « Nous effectuons aussi régulièrement des interventions à l’étranger, comme en 2015 en Guinée pour organiser le dépistage du virus Ebola pendant l’épidémie. » précise son responsable, Jean-Claude Manuguerra.
Nous effectuons aussi régulièrement des interventions à l’étranger, comme en 2015 en Guinée pour organiser le dépistage du virus Ebola pendant l’épidémie.
Jean-Claude ManuguerraResponsable de la Cellule d'intervention biologique d'urgence (CIBU) à l'Institut Pasteur
De telles missions sont depuis menées avec le Groupe d’investigation des épidémies (OITF*) qui rassemble des volontaires de différentes disciplines (microbiologistes, épidémiologistes, entomologistes…) de l’Institut Pasteur à Paris et du Réseau international des instituts Pasteur. Ces spécialistes de la prévention et du contrôle des infections sont prêts à être déployés sur le terrain dans n’importe quelle partie du monde. Ils répondent à des appels à assistance de l’OMS via son Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémies (GOARN), dont l’Institut Pasteur est membre : en 2018, des experts ont ainsi été dépêchés sur une épidémie de listériose en Afrique du Sud, dans un camp de réfugiés Rohingyas touché par la diphtérie au Bangladesh, sur l’épidémie d’Ebola en République Démocratique du Congo et dans des pays voisins menacés (Rwanda, Burundi). Des spécialistes peuvent également être envoyés directement par l’Institut Pasteur de Paris comme lors de l’épidémie de peste pulmonaire à Madagascar en 2017 : 11 pasteuriens avaient été missionnés sur place pour aider l’Institut Pasteur de Madagascar et les autorités sanitaires locales à contrôler la situation, alors que des centaines de cas étaient déclarés.
*Outbreak investigation task force.
Des transports aériens au réchauffement climatique
Quel que soit l’agent pathogène, divers facteurs favorisent la survenue d’épidémies. Citons l’accroissement de la population mondiale, quadruplée au XXème siècle, et sa concentration dans des mégalopoles; les transports aériens, qui permirent par exemple au virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) apparu en Chine en 2002 de gagner 6 pays, dont le Canada, en moins d’une semaine ; les conflits (une épidémie de choléra a sévi récemment au Yémen) -, la déforestation qui met l’Homme au contact d’animaux vecteurs de nouveaux pathogènes (60% des virus émergents chez l’Homme proviennent d’animaux) ; le réchauffement climatique, qui contribue notamment à l’installation du moustique-tigre – potentiellement vecteur du Chikungunya, de la dengue ou du virus Zika (voir Entretien) - en France, où il est désormais présent dans 66 départements métropolitains, et en Europe, constituant une nouvelle menace.
Comprendre les comportements humains
Avec son groupe « Anthropologie médicale et environnement » à l’Institut Pasteur, Tamara Giles-Vernick mène des enquêtes de terrain auprès des populations sur différents problèmes sanitaires. L’une d’elles, conduite dans le sud-est du Cameroun, a évalué les interactions entre les habitants et les singes, souvent réservoirs d’agents pathogènes dangereux pour l’Homme (le virus du sida, d’origine simienne, émergea dans cette région du monde). Leur chasse et leur consommation locales impliquent un risque potentiel de contamination. « Nos enquêtes sont basées sur des échanges ouverts avec les habitants, avec lesquels il faut nouer des liens de confiance pour comprendre leur quotidien, surtout en abordant des pratiques parfois illégales comme la chasse. » explique l’anthropologue. Le suivi de villageois sur plusieurs mois a permis de définir et de quantifier leurs contacts avec 9 espèces de singes, qui s’avèrent plus fréquents avec les petits qu’avec les grands (gorilles, chimpanzés).
Nos enquêtes sont basées sur des échanges ouverts avec les habitants, avec lesquels il faut nouer des liens de confiance pour comprendre leur quotidien, surtout en abordant des pratiques parfois illégales comme la chasse.
Tamara Giles-VernickResponsable du laboratoire Epidémiologie des Maladies Emergente à l'Institut Pasteur
Etudier les comportements peut améliorer la lutte contre les maladies : nous montrons par exemple que les chasseurs ne peuvent être les seuls ciblés. Il faudrait promouvoir des méthodes sécurisées pour le dépeçage des animaux.» Tamara coordonne par ailleurs le projet européen Sonar-Global, réseau de centres de sciences sociales pour la lutte contre les menaces infectieuses. « Dans ce cadre, nous allons lancer une étude en Ouganda - dans une zone limitrophe de la République démocratique du Congo, pays où sévit une épidémie d’Ebola – pour évaluer la vulnérabilité de la population face à ce virus menaçant la région. Les veuves et les femmes seules pourraient être les plus menacées ».
De tels travaux conduisent à des recommandations utiles aux autorités sanitaires et aux ONG.
Cette étude multidisciplinaire examine l’évolution et les différents contextes des types de contacts entre humains et primates non humains en Afrique équatoriale ainsi que les conséquences sanitaires de ces contacts. Crédit: Institut Pasteur
Identifier l’ennemi
Il s’agit en premier lieu d’identifier rapidement l’agent infectieux en cause. Aujourd’hui, il n’est même plus utile d’avoir une idée de ce que l’on cherche : le « séquençage à haut débit » permet de reconstituer le génome d’un agent pathogène inconnu en 2 à 4 semaines, alors qu’il fallut 2 ans dans les années 80 pour isoler le virus du sida et 2 mois en 2003 pour le virus du SRAS. Une fois le pathogène caractérisé, il est possible de mettre au point un test diagnostique.
Ceci favorise une réponse à la crise beaucoup plus rapide, permettant de repérer les premiers foyers d’une épidémie afin de mettre en place des mesures pour l’enrayer. Malheureusement, l’insuffisance de l’infrastructure sanitaire de nombreux pays freine cette réactivité : dans le cas d’Ebola en Afrique de l’Ouest, quatre mois ont été perdus entre le 1er cas et l’envoi d’un échantillon au Centre national de référence des fièvres hémorragiques à Lyon, qui posa le diagnostic. L’épidémie tua 11 300 personnes en Guinée, Sierra Leone et Liberia entre fin 2013 et mars 2016.
Améliorer la surveillance
D’où l’importance d’améliorer la surveillance des maladies infectieuses dans le monde. Le Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémies de l’OMS (le « GOARN ») et ses 200 institutions membres assurent la veille et en cas d’épidémie, envoient des équipes sur le terrain pour prélever les échantillons pour le diagnostic, organiser les premiers soins et d’éventuelles mesures de quarantaine ou de vaccination (voir encadré). Des plans de préparation sont organisés, comprenant par exemple des exercices de simulation. Par ailleurs, le Règlement sanitaire international oblige les états à déclarer les épidémies survenant sur leur territoire, mais les conséquences sur l’économie et le tourisme expliquent que certains pays ne coopèrent pas, ou trop tardivement.
Prédire et anticiper grâce à la modélisation
L’unité de Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur utilise cette discipline pour prédire l’évolution d’épidémies ou analyser le risque épidémique lié à des virus émergents. « Nous travaillons beaucoup avec Santé publique France, pour tenter de répondre à des questions très précises et aider les autorités sanitaires à la prise de décisions en cas de crise. » explique son responsable, Simon Cauchemez. « Lors de l’épidémie de Zika en Martinique en 2016 par exemple, l’enjeu était de prédire le nombre de personnes qui développeraient des complications neurologiques – comme le syndrome de Guillain-Barré (SGB). Bien que rares, elles impliquent des hospitalisations en réanimation, où les patients doivent être ventilés. Or il n’y avait que 8 appareils de ventilation sur l’île et les pouvoirs publics voulaient savoir si cela suffirait. Grâce à des modèles mathématiques, et en nous basant sur une précédente épidémie en Polynésie française, nous avons élaboré différents scénarios. Après une période d’incertitude, nous avons constaté au fil de l’arrivée de nouvelles données sur l’épidémie que la transmissibilité était plus faible qu’en Polynésie, et nos prédictions sur le nombre de SGB se sont finalement avérées assez justes. »
Nous avons identifié les patients à cibler en priorité par des mesures d’isolement. Cette priorisation pourrait aider à mieux contrôler la propagation du virus si une épidémie survenait
Simon CauchemezResponsable de l'unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur
L'équipe pasteurienne travaille aussi en amont des épidémies. Elle a récemment participé à une étude sur le virus Nipah. Transmis par les chauves-souris et présent dans toute l'Asie du Sud et du Sud-est, ce virus est mortel dans 70% des cas, et aucun traitement ou vaccin n'existent. L’OMS considère qu’il pourrait évoluer pour gagner en transmissibilité et déclencher des épidémies sévères dans un futur proche. L’analyse de données épidémiologiques sur les quatorze dernières années au Bangladesh, pays le plus touché, a montré que les adultes avec symptômes respiratoires étaient les plus contaminants et que les sujets-contacts (comme les conjoints) exposés aux sécrétions respiratoires notamment, avaient un risque accru d’infection. « Nous avons identifié les patients à cibler en priorité par des mesures d’isolement. Cette priorisation pourrait aider à mieux contrôler la propagation du virus si une épidémie survenait. » conclut Simon Cauchemez.
Prédire l’évolution d’une épidémie
Si on ne peut prévoir la survenue d’épidémies, il est possible de prédire leur évolution, grâce à la modélisation mathématique : sans présager du comportement exact d’une épidémie, elle permet d’anticiper plusieurs scénarios possibles, corrigés au fil de l’arrivée de nouvelles données épidémiologiques, et d’aider ainsi les prises de décisions des autorités sanitaires (voir encadré).
Pour mieux faire face aux crises sanitaires, les sciences sociales jouent également un rôle important : les enquêtes de terrain des anthropologues (voir encadré) analysent par exemple les pratiques des populations favorisant la propagation d’agents pathogènes – comme les rites funéraires pour Ebola -, ou encore les rumeurs freinant leur contrôle.
Enfin, la recherche de vaccins est cruciale pour espérer prévenir les épidémies. Souvenons-nous que grâce à la vaccination, le virus de la variole fut éradiqué de la planète et que celui de la poliomyélite est maintenant confiné à quelques régions du monde. Des candidats vaccins sont aujourd’hui évalués contre la dengue, Ebola ou Zika.
Le grand retour de la rougeole
Mais disposer d’un vaccin n’est pas tout. Le cas de la rougeole en témoigne. Cette infection transmise par voie aérienne à l’origine de graves complications provoquait jusqu’à 2,5 millions de décès annuels avant la vaccination, introduite en 1963. Le vaccin, sûr et peu coûteux, a permis d’éviter des millions de morts. Mais l’infection revient et des épidémies touchent de nombreux pays : le nombre de cas mondiaux a doublé entre 2017 et 2018, la France n’étant pas épargnée avec 3000 cas diagnostiqués l’an dernier. La nature hautement contagieuse du virus (un malade peut contaminer de 15 à 20 personnes) implique qu’une couverture vaccinale de 95% de la population est nécessaire pour bloquer sa circulation. Elle dépasse à peine 80% dans notre pays. En février dernier, une famille française en voyage au Costa Rica a réintroduit le virus dans ce pays indemne de cas depuis 2014 : la rougeole déclarée par leur enfant de 5 ans, jamais vacciné et contaminé avant son départ, conduisit à la mise en quarantaine de ces touristes et à la vaccination en urgence d’une centaine de personnes ayant été en contact avec eux. « Etre protégé, c’est aussi protéger les autres » : ce fait divers souligne une fois de plus l’intérêt non seulement individuel mais également collectif de la vaccination, arme majeure de prévention des épidémies.
La grippe sous haute surveillance
En France métropolitaine, la surveillance de la grippe est assurée par le Centre national de référence des Virus des infections respiratoires (dont la grippe), dirigé par le Dr Vincent Enouf à l’Institut Pasteur, et s’appuie sur les 332 médecins généralistes et pédiatres du Réseau sentinelles, qui réalisent des prélèvements chez les malades présentant des syndromes grippaux. « Nous analysons ainsi chaque année 2 000 prélèvements en moyenne pour la partie nord de la France, un laboratoire associé à Lyon traitant ceux de la partie sud. Nous y recherchons les virus grippaux et d’autres virus respiratoires. » précise Vincent Enouf. « Les virus grippaux sont expertisés et leur séquence génomique effectuée, pour voir comment ils évoluent et s’ils sont en adéquation avec le vaccin. Des données du réseau de laboratoires hospitaliers RENAL ( nombre de diagnostics, nombre de détections positives…) pour toute une liste d’agents respiratoires nous permettent aussi de voir ce qui circule à l’hôpital et avec quel impact. Les hôpitaux nous envoient de plus des souches de virus grippaux correspondant à des cas graves ou à des échecs de traitement pour évaluer leur sensibilité aux antiviraux. »
Nous analysons ainsi chaque année 2 000 prélèvements en moyenne pour la partie nord de la France, un laboratoire associé à Lyon traitant ceux de la partie sud. Nous y recherchons les virus grippaux et d’autres virus respiratoires
Vincent EnoufResponsable du Centre national de référence des Virus des infections respiratoires (dont la grippe)
Cette surveillance virologique est supervisée par Santé publique France, qui suit également la mortalité par grippe, le nombre de passages aux urgences, les appels à SOS médecin... Ce dispositif national s’insère dans un dispositif européen – via le Centre européen de contrôle des maladies en Suède et le réseau “Euroflu” -, coordonné par l’OMS Europe, qui s’intègre lui-même au réseau international de l’Organisation mondiale de la santé : chaque pays fournit à un des cinq Centres Collaborateurs de l’OMS (Londres, Atlanta, Melbourne, Tokyo, Pékin) une sélection de virus ayant circulé dans la saison sur son territoire. Les analyses comparatives servent à l’OMS à déterminer la composition du vaccin de l’année suivante. « Cette organisation permet de voir rapidement si un nouveau variant viral émerge ou monte en puissance, et de donner l’alerte : quand nous observons un virus qui sort de l’ordinaire, nous l’envoyons immédiatement à Londres. »
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Comment naissent les nouvelles menaces épidémiques ?
Il y a trois modes d’émergence. En premier lieu, le franchissement de la barrière d’espèce, c’est-à-dire le passage d’un agent infectieux de l’animal à l’Homme. Ce fut le cas du virus du sida passé du chimpanzé à l’Homme au début du 20ème siècle ou du virus du SRAS en 2003, transmis des chauves-souris à la civette palmiste masquée qui, consommée dans les restaurants de cuisine exotique du sud de la chine, a contaminé des humains. Un autre mode d’émergence est dû à des modifications du génome des agents pathogènes, conduisant à l’apparition de « nouveaux » virus de la grippe, ou à la résistance de nombreux microbes aux traitements, comme le parasite du paludisme aux antipaludéens ou des bactéries aux antibiotiques. Le troisième mode d’émergence est l’arrivée de virus dans de nouvelles zones géographiques : celui du Chikungunya, autrefois localisé en Afrique de l’Est et en Inde, a touché La Réunion en 2005 ; le virus Zika qui circulait à bas bruit en Afrique et en Asie du Sud-Est a gagné le Pacifique, avec une épidémie en Polynésie française en 2013, puis en Amérique latine en 2015. Ces virus sortis de leur habitat ont depuis fait le tour du monde.
Peut-on prévoir ces émergences pour éviter des épidémies ?
Malheureusement, nous sommes incapables de prédire où et quand aura lieu la prochaine épidémie. Nous nous attendions à une pandémie de grippe provenant de Chine, or celle de 2009 a démarré au Mexique. Nous avons été surpris par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2013-2014, alors que ce virus semblait cantonné en Afrique centrale. Et personne n’aurait anticipé que les dromadaires d’Arabie saoudite soient infectés par un coronavirus venu de nulle part…
Quelle est l’action de l’Institut Pasteur ?
Ce qui est important, c’est d’être capable de réagir extrêmement vite pour espérer contenir un foyer épidémique à ses débuts. D’où l’intérêt de notre Groupe d’investigation des épidémies, prêt à déployer sur le terrain des volontaires de l’Institut Pasteur à Paris et du Réseau international des instituts Pasteur, ces derniers ayant des compétences variées vis-à-vis de différents agents pathogènes potentiellement émergents : grippe aviaire à l’Institut Pasteur du Cambodge, fièvres hémorragiques au Sénégal, peste à Madagascar ou variole du singe à Bangui. Il n’existe aucune autre institution au monde capable non seulement de réagir en envoyant des équipes pour le contrôle des épidémies mais aussi de mettre en route rapidement toute une série de recherches fondamentales et appliquées.
Pouvez-vous en donner un exemple ?
Celui du virus Zika est emblématique. Depuis 2014, les instituts Pasteur du Réseau se sont mobilisés contre ce virus émergent. Les entomologistes ont comparé les capacités vectorielles de moustiques Aedes issus de plusieurs continents. Mon équipe s’est attachée à démontrer la responsabilité du virus Zika dans les complications décrites chez les adultes - syndromes de Guillain-Barré – et les enfants – microcéphalies – lors des épidémies en Polynésie et aux Antilles. Des recherches fondamentales ont été lancées sur la structure du virus, les réactions immunitaires précoces, le passage de la barrière placentaire, les complications neurologiques chez les enfants, mais aussi des travaux plus appliqués sur l’amélioration du diagnostic et la recherche d’un vaccin. Au total depuis 2014, plus de 250 articles scientifiques autour de ce virus ont été publiés par des chercheurs pasteuriens venus de 23 instituts du Réseau international, se positionnant ainsi au sein du leadership mondial de la recherche sur le virus Zika.