Grâce à l’étude du virus SIRV2, qui est capable de survivre dans des environnements extrêmes, des chercheurs de l’Université de Washington, de l’Université de Virginie et de l’Institut Pasteur ont révélé un mécanisme fondamental de résistance de ce virus à la chaleur, à la déshydratation et au rayonnement ultraviolet. Cette découverte ouvre la voie vers le développement de nouvelles méthodes d’encapsidation de l’ADN pour la thérapie génique.
Le corps humain met en œuvre de nombreuses stratégies pour dégrader et détruire tout ADN provenant d’un corps étranger. Ce mécanisme de protection est un obstacle majeur à l’utilisation, par les médecins, de gènes pour combattre les maladies. Il devient donc nécessaire de développer des moyens efficaces pour « encapsider » (ou encapsuler) l’ADN utilisé pour les thérapies géniques. Une encapsidation inviolable de cet ADN permettrait ainsi d’apporter une solution pratique et concrète à la dégradation par le corps humain de l’ADN ; et le virus hyperthermophile SIRV2 semble offrir un modèle prometteur.
Les extrêmophiles sont des micro-organismes qui prospèrent dans des conditions environnementales hostiles, notamment dans des environnements extrêmes dont les températures dépassent les 80 °C. Pour cela, ils doivent posséder des protéines et des acides nucléiques stables à des niveaux de température et de pH extrêmes (environnement très chaud ou acide).
Le virus non-enveloppé SIRV2 (Sulfolobus islandicus Rod-Shaped Virus 2), en forme de tige, infecte un micro-organisme appelé Sulfolobus islandicus. Ce micro-organisme acidophile et hyperthermophile vit dans des sources chaudes acides en quasi-ébullition. Grâce à la reconstruction tridimensionnelle du virion SIRV2 par cryo-microscopie électronique, les scientifiques de l’Université de Washington, de l’Université de Virginie et de l’Institut Pasteur ont découvert que, pour survivre dans ces conditions extrêmes, SIRV2 oblige son ADN à adopter une forme particulière, connue sous le nom de « forme A ». Cette forme a été identifiée pour la première fois par Rosalind Franklin, chercheuse pionnière pour ses recherches sur l’ADN, il y a plus de 50 ans. Depuis sa découverte, la forme A n’a jamais été considérée comme ayant un rôle biologique pertinent par la communauté scientifique. Toutefois, grâce à cette étude, cette forme d’ADN apparaît aujourd’hui correspondre à un mécanisme biologique permettant de protéger l’ADN dans les situations les plus hostiles.
Les recherches menées par Prof. Edward Egelman (Université de Virginie) et Dr David Prangishvili (Institut Pasteur, département de Microbiologie) mettent en évidence de remarquables similitudes entre les stratégies employées par le virus SIRV2 et celles mises en place par les spores de bactéries afin de protéger leur génome dans des conditions environnementales hostiles. La haute résistance des spores produites par les bactéries pathogènes, telles que Clostridium difficile, à l’origine de colites (inflammation du côlon), et le bacille du charbon Bacillus anthracis, freine toute tentative de lutte contre elles. L’étude réalisée sur le virus SIRV2 est donc particulièrement importante car elle devrait permettre d’apporter un éclairage approfondi du mode de fonctionnement des spores bactériennes et, à terme, d’aider les chercheurs à trouver des moyens pour les détruire.
Enfin, ces travaux prouvent que, grâce à la protéine du virus hyperthermophile SIRV2, l’ADN peut être organisé de façon à accroître sensiblement sa stabilité dans les conditions les plus sévères. Par conséquent, la protéine virale permettant l’encapsulation de l’ADN de SIRV2 pourrait être utilisée pour concevoir des encapsidations d’ADN inédites pour la thérapie génique. Cette encapsidation à des fins médicales permettrait ainsi d’améliorer l’efficacité des thérapies géniques et développer de nouvelles solutions thérapeutiques.
SOURCE
A virus that infects a hyperthermophile encapsidates A-form DNA, Science, 22 mai 2015
Frank DiMaio1,*, Xiong Yu2,*, Elena Rensen3, Mart Krupovic3, David Prangishvili3,†, Edward H. Egelman2,†
1 Department of Biochemistry, University of Washington, Seattle, WA 98195, USA.
2 Department of Biochemistry and Molecular Genetics, University of Virginia, Charlottesville, VA 22908, USA.
3 Institut Pasteur, Department of Microbiology, 25 rue du Dr. Roux, Paris 75015, France.
† Auteurs correspondants.
* Ces auteurs ont contribué équitablement.
Mis à jour le 15/06/2015