L'Institut Pasteur veut répondre aux grandes questions scientifiques et sanitaires du monde d’aujourd’hui
Dans un monde qui connaît une accélération sans précédent, l’Institut Pasteur a le devoir de prendre toutes les mesures pour s’adapter aux nouvelles réalités de nos sociétés et pour exploiter toutes les possibilités ouvertes par l’ère du numérique. C’est sa responsabilité de leader, avec quelques autres instituts dans le monde, de la recherche scientifique en santé humaine. C’est l’objectif de son plan stratégique pour 2019-2023.
Notre ambition est de dynamiser la recherche fondamentale et d’accroître notre impact sur les enjeux de santé
Pour dépister, prévenir et guérir les maladies, il est essentiel de comprendre la dynamique du vivant dans toute sa complexité. Les progrès technologiques, la capacité d’analyse d’énormes quantités de données, la qualité de l’imagerie, le recours aux approches conceptuelles concourent à une véritable biologie intégrative ouverte à toutes les disciplines scientifiques.
Désormais, en complément de l’approche classique de réalisation d’expériences visant à répondre à des questions spécifiques, la recherche fondamentale peut se permettre de produire, tester et exploiter des hypothèses scientifiques sans a priori.
Pour rester maître de nos ambitions, nous investissons dans toutes les ressources du monde scientifique
Sur le plan de ses ressources propres, l’Institut Pasteur renouvelle constamment ses infrastructures technologiques, comme en témoigne la récente installation d’équipements de séquençage à haut débit, d’analyse de cellules uniques et de cryo-microscopie électronique à haute résolution. Nous avons également renforcé nos compétences en recrutant de nombreux (bio)informaticiens et statisticiens et en augmentant significativement notre capacité de traitement et stockage des données.
Sur le plan de ses relations avec les partenaires extérieurs, l’Institut Pasteur s’insère dans le paysage scientifique national en interagissant étroitement avec différentes institutions : CNRS, Inserm, Inra, différents hôpitaux de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), les universités (dont Paris-Descartes et Paris-Diderot), le Cnam, l’Inria, l’École Polytechnique, le Service de santé des armées, l’ENS, l’Institut Curie, le CEA, l’ESCPI... L’Institut Pasteur est également fortement présent au niveau international, grâce au Réseau International des Instituts Pasteur et aux partenariats établis avec différents instituts de recherche étrangers.
Pour découvrir de nouvelles approches thérapeutiques, nos programmes de recherche sont interdisciplinaires et interconnectés
Le cancer est un
des domaines de
recherche majeur
de l’Institut Pasteur.
Sandrine Etienne-MannevilleResponsable de l’unité Polarité cellulaire, migration et cancer.
Les activités de recherche menées par les 134 unités de l’Institut Pasteur (chiffre au 31 décembre 2018) couvrent de nombreux domaines interconnectés, dont la microbiologie, l’immunologie, la génomique, la biologie structurale et cellulaire, la biologie du développement et des cellules souches, les neurosciences, la chimie et la recherche clinique. Ces domaines de recherche couvrent des thématiques interconnectées.
Demain, nous poursuivrons nos recherches fondamentales pluridisciplinaires en sciences de la vie autour des domaines qui constituent le socle de nos activités scientifiques :
- le domaine moléculaire, pour comprendre le fonctionnement des organismes vivants et la façon dont les informations codées dans le génome régissent le fonctionnement des cellules. C’est à partir de programmes d’études explorant le fonctionnement cellulaire que peuvent être décryptés les mécanismes pathologiques de l’infection, du cancer, de l’inflammation, du vieillissement et des anomalies du développement ;
- le domaine des microbes et des hôtes, pour comprendre les mécanismes qui régissent leurs interactions. L’objectif est d’ouvrir la voie à l’élaboration de stratégies thérapeutiques et prophylactiques* innovantes ;
- le domaine du cancer, pour comprendre notamment les relations entre le système immunitaire et les cellules cancéreuses. Sur le plan thérapeutique, l’objectif est de développer des outils diagnostiques et des approches préventives et thérapeutiques originales ;
- la vision intégrative de la santé et des maladies (individus et populations), pour comprendre l’émergence des maladies infectieuses ou chroniques en tenant compte de l’immense variabilité observée au niveau individuel entre chaque microbe, cellule, personne ou population. On pourrait ainsi prédire l’apparition des maladies, anticiper leur traitement, et établir les bases de la médecine de précision.
* Traitements préventifs.
1 - Les maladies infectieuses émergentes
Lutter contre ces maladies qui n’ont plus de frontières
Avec 10 millions de décès par an, les maladies infectieuses prennent une ampleur inquiétante à l’échelle mondiale. Elles représentent 90 % de la mortalité dans les pays en développement. Avec la mondialisation croissante, ces maladies n’ont plus de frontières, provoquant des bouleversements économiques et des souffrances incommensurables. L’impact des activités humaines sur l’environnement et les changements climatiques continueront de provoquer l’émergence de nouvelles menaces pandémiques.
La lutte contre les infections émergentes représente une tradition historique de la mission pasteurienne, à l’héritage exceptionnel. Beaucoup de ces maladies sont des zoonoses dont l’agent, d’origine animale, a franchi la barrière d’espèces pour atteindre l’homme. Nos recherches s’intéressent aux mécanismes pathologiques des virus pandémiques et (ré)émergents (VIH, VHC, grippe, chikungunya, dengue, Zika, fièvres hémorragiques...), des bactéries (Neisseria meningitidis, Salmonella spp., Vibrio cholerae, Leptospira et, plus récemment, Yersinia pestis…) et des parasites (Plasmodium falciparum, P. vivax, Leishmania, Trypanosoma...). La recherche sur les insectes et autres vecteurs est aussi l’un de nos axes d’étude prioritaires.
Demain, nous continuerons à mettre en œuvre des approches novatrices, incluant la modélisation et l’intelligence artificielle, pour investiguer et prédire la structure et la fonction des agents pathogènes, poser des diagnostics, mettre en évidence des cibles thérapeutiques et immunologiques et anticiper l’issue des infections.
2 - La résistance aux agents antimicrobiens
Vers une ère post-antibiotique où des infections courantes redeviendraient mortelles ?
Les antibiotiques sont des médicaments utilisés pour traiter et prévenir les infections bactériennes. La résistance survient lorsque les bactéries évoluent en réponse à l’utilisation de ces médicaments.
Ce sont les bactéries, et non les êtres humains ou les animaux, qui deviennent résistantes. Elles peuvent alors provoquer chez l’homme ou l’animal des infections plus difficiles à traiter que celles dues à des bactéries non résistantes.
L’augmentation de la résistance aux antimicrobiens à l’échelle internationale ouvre la possibilité d’un monde où des infections courantes redeviendraient mortelles. Cette terrible prédiction a éveillé les consciences au plus haut niveau, notamment aux Nations Unies et au G20. La nécessité de traitements plus efficaces ne concernent pas seulement les bactéries, mais tous les micro-organismes (virus, champignons et parasites) et leurs vecteurs. Par exemple, l’émergence de résistance de Plasmodium falciparum, le parasite du paludisme, au meilleur traitement connu, l’artémisinine, ou bien la manière dont les moustiques adaptent leur comportement pour contrecarrer les insecticides figurent parmi les défis à relever.
Pour 2019-2023, nous accentuerons nos efforts d’étude de la résistance aux antimicrobiens en intégrant des données cliniques et de terrain aux approches moléculaires, génétiques et physiologiques. Nous mettrons en œuvre des programmes de découverte d’antimicrobiens en lien avec les institutions partenaires intéressés. Nos objectifs sont de comprendre l’émergence de la résistance en rapprochant épidémiologie, génomique, statistique et modélisation pour identifier des facteurs contribuant à la dissémination de lignées résistantes ; d’analyser la physiologie, l’écologie et l’évolution des micro-organismes ; d’identifier de nouveaux médicaments et stratégies thérapeutiques en réponse à la résistance aux antimicrobiens. Nous développerons à terme de nouveaux vaccins et immunothérapies qui cibleront les microbes et les souches résistantes.
3 - Maladies de la connectivité cérébrale et neurodégénératives
Renforcer la recherche dans le domaine des neurosciences
Les troubles mentaux et neurologiques sont des pathologies qui touchent toutes les générations et qui pèsent lourdement sur la vie des patients, de leurs proches ainsi que sur le plan économique. À l’Institut Pasteur, nous explorons les domaines des neurosciences, de la génétique, de la biologie des cellules et du développement, de l’immunologie, de la microbiologie et de la biologie des infections pour appréhender la complexité des fonctions cérébrales. Nos projets portent sur les déficits sensoriels (surdité), sur les troubles neuro-développementaux (autisme) et psychiatriques (troubles de l’humeur et addictions) et sur les maladies neurodégénératives (maladies d’Alzheimer et de Parkinson) et autres atteintes neurologiques (sepsis, troubles neurovasculaires). Nos recherches en biologie cellulaire s’intéressent également à la transmission des protéines malformées entre neurones et les mécanismes moléculaires de neurodégénérescence. Ces maladies dites de la connectivité cérébrale résultent d’altérations du réseau neuronal cérébral et des relations entre le cerveau et les autres organes.
Pour 2019-2023, nous renforcerons les liens entre les différentes équipes du campus travaillant sur ces thématiques afin de rendre notre approche multidisciplinaire plus efficace et plus visible. Nous intensifierons les programmes de recherche sur la biologie moléculaire et la pharmacologie de la dégénérescence neuronale et connectionnelle et la conception de nouveaux médicaments anti-neurodégénératifs, nous étudierons la biologie des cellules souches neuronales...
Objectif 1 : répondre aux enjeux de santé publique en soutenant des thématiques de recherche transversales
Grâce à l’étendue de ses recherches fondamentales, l’Institut Pasteur contribue à relever les défis sanitaires mondiaux les plus urgents, les connaissances acquises au sein de nos unités de recherche trouvant des applications au service de la santé humaine. Par souci d’efficacité, nous avons défini trois priorités, correspondant à des enjeux de santé publique parmi les plus alarmants :
- les maladies infectieuses émergentes ;
- la résistance aux agents antimicrobiens ;
- les maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives
Au-delà de ces axes majeurs, et de par la transversalité des disciplines exercées au sein de notre institut, toutes les pathologies sont susceptibles de bénéficier des résultats de nos recherches.
Objectif 2 : assurer un environnement technologique propice
L’Institut Pasteur a créé le Centre de ressources et de recherches technologiques (C2RT), qui regroupe ses principales installations dédiées à des fins de partage des équipements et techniques. Un matériel de pointe est mis à la disposition des chercheurs. Nous allons renforcer notre expertise en intelligence artificielle afin de pouvoir analyser et interpréter les données massives générées par nos équipes et nos collaborateurs extérieurs. Nos six priorités en matière de développement technologique de pointe permettront de :
- imager le vivant, des molécules aux organismes ;
- explorer le métabolome, une nouvelle frontière dans la compréhension des systèmes biologiques ;
- étendre nos capacités d’analyses de cellules uniques ;
- proposer un environnement d’étude approfondie des maladies à transmission vectorielle ;
- mettre à jour de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques ;
- améliorer la gestion des données et la collaboration à l’échelle internationale.
Objectif 3 : mettre en place une organisation de la science en adéquation avec nos thématiques prioritaires
Notre objectif est de créer une douzaine de nouvelles unités de recherche pour assurer le renouvellement du campus. La moitié fera l’objet d’un recrutement par appels à candidatures ouverts afin de rajeunir la recherche biomédicale et l’autre moitié sera engagée pour répondre à nos trois priorités scientifiques. Nous encouragerons également la prise de responsabilité de certains chercheurs statutaires en mettant en place des U5 (unités à 5 ans de taille moyenne). Ces créations permettront de poursuivre la dynamisation de la recherche engagée dans le cadre du plan stratégique 2014-2018. Elles doivent s’inscrire dans une vision rénovée de l’organisation de la science pasteurienne qui s’inspire des meilleures pratiques internationales.
Objectif 4 : développer les applications de la recherche
La recherche fondamentale et ses applications constituent les deux mailles d’une même chaîne de l’innovation, permettant de répondre aux enjeux de santé publique. Les applications de la recherche ont été l’un des fondements de la renommée de l’Institut Pasteur depuis sa création et ont également contribué à son financement et donc au soutien à la recherche. Pour favoriser le développement des applications de la recherche, nous mettons l’accent sur :
- l’identification précoce et l’accompagnement des innovations potentielles ;
- la participation à leur financement ;
- la relance de la création de startups
Objectif 5 : accroître l’impact de la recherche sur la santé
La santé publique est l’une des missions principales de l’Institut Pasteur. Les recherches scientifiques fondamentale et biomédicale sont étroitement associées et mutuellement fertilisantes. La vocation d’excellence de l’Institut Pasteur s’applique non seulement à la recherche « fondamentale » qui y est conduite, mais aussi à la nécessaire dimension biomédicale de ses activités. Les dernières activités biomédicales incluent la surveillance et la recherche épidémiologique, et les recherches translationnelle et clinique telles que par exemple la mise au point de nouveaux tests diagnostiques, vaccins, ou thérapies innovantes. Afin de poser les bonnes questions scientifiques à partir d’observations médicales, afin de tirer pleinement les bénéfices scientifiques et médicaux de sa recherche, afin de participer à de grands projets collaboratifs à dimension biomédicale au plan national, européen et international, afin d’interagir au mieux avec les grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux, et enfin afin de bénéficier de financements ad hoc dans ce domaine, il est crucial que la recherche biomédicale de l’Institut Pasteur et du réseau international soit un des fers de lance de l’activité pasteurienne.
Objectif 6 : développer des enseignements adaptés aux priorités scientifiques
Depuis le premier cours de microbiologie d’Émile Roux en 1889, l’Institut Pasteur joue un rôle essentiel dans l’enseignement des sciences de la vie au niveau international. Au cours des dernières années, l’Institut Pasteur a renforcé son offre en matière d’enseignement. Il continuera cet effort en adéquation avec les thématiques scientifiques de sa stratégie.
En partenariat avec les principales universités d’Île-de-France en sciences de la vie et en santé publique, l’Institut Pasteur continuera de développer son offre de formation par la recherche et poursuivra le développement de l’enseignement numérique, notamment par la production et la rediffusion de MOOCs. L’Institut Pasteur se focalisera sur les programmes permettant le recrutement d’étudiants de qualité pour les unités de recherche de l’Institut.
Objectif 7 : consolider les partenariats nationaux pour dynamiser l’excellence scientifique de l’Institut Pasteur
La France reste une puissance scientifique de premier plan. Elle peut compter sur un écosystème d’enseignement supérieur et de recherche diversifié qui assure sa compétitivité. Les partenariats que l’Institut Pasteur développe avec les institutions de recherche françaises irriguent ses projets de recherche et participe à son excellence scientifique. La mutation du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche oblige cependant l’Institut à renouveler son approche partenariale afin de consolider ses collaborations.
Ainsi, l’Institut Pasteur va poursuivre le projet Inception (Instituts Convergences de l’émergence des pathologies à travers les individus et les populations) qui vise à relever les défis de santé publique liés aux maladies infectieuses, va s’appuyer sur les capacités de recherche technologique de Bioaster pour accélérer le transfert vers l’industrie de ses avancées scientifiques, va collaborer davantage avec les laboratoires de l’INSHS (Institut des sciences humaines et sociales) du CNRS, va renforcer les échanges scientifiques avec plusieurs institutions de recherche prestigieuses comme l’Inserm, le CNRS ou encore le CEA, employer les ressources des pôles de compétitivité comme Medicen, s’engager d’avantage dans l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la Santé (Aviesan) qui rassemble les grands acteurs en sciences de la vie et de la Santé.
Mener des actions de plaidoyer en faveur du financement de la recherche
Le financement public des laboratoires de recherche est un levier essentiel pour l’excellence scientifique de l’Institut Pasteur. La France occupe encore une des premières places mondiales pour le financement de la recherche mais son leadership est contesté. Il est donc important que l’Institut Pasteur s’investisse pour défendre le financement de la recherche à un niveau élevé. Il garantit en effet l’excellence scientifique et la compétitivité économique d’un État. Le soutien financier à la recherche fondamentale apparaît de plus en plus fragile alors qu’il est essentiel pour le développement des technologies de rupture.
Maintenir la compétitivité de l’Institut Pasteur au sein des institutions internationales de pointe en recherche biomédicale
Le plan stratégique de l’Institut Pasteur vise à maintenir son positionnement international au niveau de la Rockefeller University ou de l’Institut Weizmann. Le « ciment » du plan stratégique, de ses thématiques prioritaires et de ses ressources matérielles, tient dans quatre leviers susceptibles de rendre cohérente et opérationnelle l’ambition poursuivie.
- Renforcer le Réseau International des Instituts Pasteur et mettre en œuvre une politique active de partenariats internationaux
- Favoriser la créativité et l’ouverture vers la société
- Mieux travailler ensemble et responsabiliser chacun pour favoriser un environnement de travail attractif
- Développer les ressources financières pour renforcer et pérenniser l’Institut Pasteur