Un effort collectif pour les pages Wikipédia de femmes scientifiques

Saviez-vous que seules 20 % des biographies de Wikipédia sont consacrées à des femmes ? C’est la raison d’être de l’Éditathon consacré aux femmes scientifiques, organisé à l’Institut Pasteur le 7 février dernier. Le but de cet événement était de créer et de mettre à jour des pages Wiki, en amont de la 10e Journée des femmes et des filles de science célébrée le 11 février.

Des biais de genre bien réels sur l’encyclopédie Wikipédia 

Pour redonner de la visibilité aux travaux des femmes scientifiques pasteuriennes, l’Éditathon s’est tenu le temps d’une après-midi et était animé par l’association les sans pagEs qui lutte contre les inégalités de genre en ligne. Après une introduction historique sur la naissance de Wikipédia, Natacha Rault, présidente de l’association, a rappelé les principaux biais de genre sur l’encyclopédie en ligne, au-delà du chiffre de 20 % de biographies consacrées à des femmes, déjà mentionné :  

• On constate que les relations amoureuses et familiales (femme de..., mère de...) sont évoquées sept fois plus souvent chez les femmes que chez les hommes ; les femmes sont aussi plus souvent évoquées par leur prénom que par leur nom de famille... 
• Seules 10 à 20 % de femmes contribuent à éditer les pages Wikipédia. Par ailleurs, les femmes scientifiques pâtissent aussi d’un effet dit Matilda, un déni amenant à la spoliation ou la minimisation de leur contribution à la recherche, dont le travail est plus facilement attribué à leurs collègues masculins. Parmi les exemples emblématiques, citons Rosalind Franklin dont les travaux ont eu un rôle crucial dans la découverte de la structure en double hélice de l’ADN ou Marthe Gautier co-découvreuse de la trisomie 21 avec Raymond Turpin. Ces situations amènent à des difficultés à trouver des sources secondaires, des descriptions de leurs vies, découvertes et travaux par des tiers, nécessaires pour enrichir des pages Wikipédia... 

L'édition de pages Wiki en direct au cours de l’Éditathon 

Une trentaine de volontaires de l’Institut Pasteur ont pu améliorer, référencer et vulgariser des pages Wikipédia déjà existantes ou en créer de nouvelles. Les participants et participantes à l’Éditathon ont pu s’appuyer sur les ressources des archives de l’Institut Pasteur.

Retour, en vidéo, sur l’éditathon Wikipédia, une initiative engageé pour la Journée internationale des femmes et filles de science. Crédit : Jeanne Fenouil / Institut Pasteur

Toutefois, ils et elles se sont également heurtés à la difficulté de trouver des sources rendant plusieurs femmes admissibles à la création de leur page Wikipédia. En cause notamment, la faible présence des femmes dans les laboratoires de recherche de l’Institut Pasteur dans la première moitié du XXe siècle ainsi que la difficulté structurelle pour les femmes scientifiques d’accéder à des postes à responsabilité. En effet, rappelons que seules sept femmes étaient cheffes de service entre 1952 et 1970 à l’Institut Pasteur (représentant 2 à 6% de l’ensemble de ces responsables durant cette période) et que le statut de professeur n’est devenu accessible aux femmes que dans les années 1970. 

L’effort collectif a donné des résultats concrets, malgré les obstacles 

Le groupe de volontaires n’a pas pu créer ou mettre à jour toutes les pages imaginées au départ. Loin s’en faut. Faute de temps, mais aussi faute de sources jugées valables par Wikipédia. Rappelons que les critères Wiki sont imposés : lire Wikipédia: critères d’admissibiité des articles Wiki pour les personnalités scientifiques & universitaires.

Nos résultats concrets :  

2 articles ont été créés :  

• Odile Croissant (1923-2020), biologiste, physicienne et spécialiste en microscopie électronique française. 
• Antonina Guelin (1904-1988), médecin et microbiologiste française. 

14 articles ont été enrichis. 

• Germaine Benoit (1901-1983), ingénieure chimiste, pharmacologue et biologiste pasteurienne française. 
• Berthe Kolochine-Erber (1890-1968), bactériologiste pasteurienne française. 
• Alice Dautry (1950-), chercheuse française en biologie cellulaire et directrice générale de l'Institut Pasteur de 2005 à 2013. 
• Christine Petit (1948-), médecin et chercheuse pasteurienne en biologie spécialisée dans la génétique humaine. 
• Hélène Sparrow (1891-1970), microbiologiste pasteurienne polonaise remarquée pour son travail sur le contrôle du typhus. 
• Société de pathologie exotique - mise à jour. 
• Françoise Barré-Sinoussi (1947-), immunologue et virologue française, spécialisée dans les rétrovirus. 
• Anne-Marie Staub (1914-2012), biochimiste française connue pour ses contributions aux premiers antihistamiques. 
• Margaret Buckingham (1945-), biologiste moléculaire pasteurienne, connue pour ses contributions en biologie du développement et différenciation cellulaire. 
• Daisy Dussoix (1936-2014), biologiste moléculaire et microbiologiste. 
• Ágnes Ullmann (1927-2019), chercheuse microbiologiste connue pour ses travaux sur la régulation de l'expression génétique dans les systèmes d'opérons. 
• Marguerite Faure (1910-2007), chimiste et biologiste française. 
• Famille Lebaudy : ajout de lien vers Amicie Lebaudy. 
• Amicie Lebaudy (1847-1917) : ajout d’une section sur les dons à l'Institut Pasteur, ajout de la photo de son buste (exposé dans la Serre historique) et ajout dans la liste des sculptures de l’article Lucien Pallez. 

6 articles de scientifiques ont été créés en brouillon, que vous pouvez découvrir sur la page projet Les sans pagEs/Paris/Institut Pasteur. Le travail sur ces pages n'est pas terminé et va se poursuivre. Certaines femmes décrites dans les brouillons ne sont pas admissibles à ce stade selon les critères de la Wikipédia francophone. 

Retrouvez également le billet de blog publié par l’association les sans pagEs revenant sur l’événement. 

L’Éditathon, une initiative spontanée, dans un contexte mondial de recul des droits des femmes et des politiques d’inclusion et d’égalité L’idée de cet atelier collaboratif a émergé à l’automne 2024. Sa raison d'être s’inscrivait naturellement dans la volonté de l’Institut Pasteur de promouvoir les femmes en sciences et plus généralement la diversité, l’équité et l’inclusion. L’Éditathon s’est déroulé le 7 février 2025, sur la base du volontariat, dans un effort collectif, enjoué et spontané, avec un souci de vérité et le souhait de partager un récit de l’histoire des sciences, dans les biographies Wikipédia, qui soit plus inclusif et équilibré.  Ironie de l’actualité, la défense de ces valeurs d’équité et de vérité doit aujourd’hui plus que jamais être réaffirmée, alors qu’une résistance scientifique émerge aux États-Unis, dans un contexte où la nouvelle administration américaine au pouvoir menace la science, en particulier les recherches en santé, et remet en cause en particulier les programmes DEI, notamment des initiatives célébrant les femmes en science, mais aussi les recherches sur les questions de santé féminine. L’Académie des sciences a exprimé son inquiétude sur ces menaces, rappelant au passage que les “politiques de DEI (diversité, équité, inclusion) visent à encourager la progression sociale des minorités défavorisées”.   Par ailleurs, un collectif de personnalités françaises appelle à rejoindre le mouvement “Stand up for Science” et à une journée de mobilisation, aujourd’hui 7 mars, afin de défendre les libertés académiques et scientifiques et de réaffirmer que “la science est un commun de la connaissance et qu’elle est essentielle à une société démocratique, inclusive et éclairée".  Voir la tribune « Défendons les sciences face aux nouveaux obscurantismes »  De son côté, notre directrice générale, Yasmine Belkaid, a co-signé avec un collectif de scientifiques, de médecins et de représentants d’associations, une tribune dans le journal Le Monde dénonçant les décisions des Etats-Unis en matière de santé [qui] font peser de lourdes menaces sur le progrès et la coopération scientifique et soulignant à cette occasion là aussi “les censures qui frappent les principes fondamentaux d’équité, de diversité et d’inclusion”.

Lire le communiqué de presse sur l'engagement de l'Institut Pasteur