Une coalition internationale de chercheurs*, impliquant notamment des équipes de l’Institut Pasteur, ont démontré que le virus Ebola s’était adapté durant l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest dès 2013. Au cours de ce qui reste comme le plus fort retentissement de cette maladie dans l’histoire, on savait déjà que plusieurs lignées du virus ont circulé en même temps. Cette étude fonctionnelle a permis de démontrer que certains variants du virus sont devenus plus aptes à infecter l’homme, et que ceci s’est fait au détriment de la capacité du virus à infecter la chauve-souris…
* The University of Nottingham (Grande-Bretagne) ; Institut Pasteur (Paris, France) ; CNRS (France) ; Institut Pasteur de Dakar (Sénégal) ; Public Health Agency of Canada (Canada) ; University of Manitoba (Canada) ; University of Bonn Medical Center (Allemagne) ; The University of Sydney (Australia) ; Université Laval (Canada) ; University of Pennsylvania (Etats-Unis).
Le virus Ebola est responsable de fortes fièvres hémorragiques souvent mortelles pour l’homme. Au cours de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest de 2013 à 2016, on estime qu’au moins 28 000 personnes ont été infectées par le virus, avec plus de 11 000 décès. Depuis la découverte du virus en 1976, cette flambée épidémique est la plus forte jamais enregistrée, et la première dans cette région d’Afrique jusqu’alors épargnée.
Cette zoonose ne se transmet que rarement à l’homme (la chauve-souris en est l’hôte naturel présumé) et c’est la première fois que le virus circule de manière si étendue et surtout si prolongée chez l’homme. Il est crucial de tirer le maximum d’enseignements de cette épidémie, comme par exemple de comprendre comment le virus change et peut s’adapter dans cette situation.
« Nous avons pu étudier plus de 1600 séquences du virus Ebola, échantillonnées durant l’épidémie en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia ou au Mali, et partagées par et pour la communauté scientifique, afin d’identifier les variants qui se sont particulièrement diffusés » explique Etienne Simon-Lorière, de l’unité Génétique Fonctionnelle des Maladies Infectieuses de l’Institut Pasteur. Ces équipes ont étudié des mutations du gène codant pour la protéine d’enveloppe du virus, et observé que certaines augmentent fortement la capacité du virus à infecter l’homme. Une mutation, en particulier, a attiré l’attention de nos chercheurs ainsi que celle d’une autre équipe dont les travaux sont publiés en parallèle*, car elle est apparue très tôt dans l’épidémie : A82V. Ce changement d’un seul acide aminé dans la région d’interaction avec le récepteur du virus rend Ebola bien plus infectieux pour l’homme ou les primates !
*Ebola Virus Glycoprotein with Increased Infectivity Dominated the 2013–2016 Epidemic. William E. Diehl, Aaron E. Lin, Nathan D. Grubaugh, (...), Kristian G. Andersen, Pardis C. Sabeti, Jeremy Luban. Cell, 3 novembre.
Etude des souches du virus Ebola circulant en Guinée en 2014 par des chercheurs de l'Institut Pasteur de Dakar. © Institut Pasteur de Dakar
« Nous avons prouvé que le virus est devenu bien plus apte à infecter des cellules humaines. On peut se demander si ces changements ont pu contribuer à l’ampleur de l’épidémie foudroyante observée en 2013-2016, en plus – bien sûr - de facteurs épidémiologiques », commente Etienne Simon-Lorière. Autre enseignement : ces mutations qui optimisent l’entrée du virus chez l’homme diminuent l’infectiosité pour les cellules de chauve- souris. « C’est la force de cette étude, et son côté fascinant, que de montrer comment de fines modification, certaines interagissant de concert à distance le long de l’enveloppe du virus, peuvent le rendre plus ou moins infectieux pour un hôte donné. »
De quoi donner aux chercheurs un vaste champ d’étude pour comprendre comment ces virus évoluent durant les phases épidémiques, pour mieux anticiper à l’avenir ces problèmes de santé publique.
Source
Human Adaptation of Ebola Virus during the West African Outbreak, Cell, 3 novembre.
Richard A. Urbanowicz1,2, C. Patrick McClure1,2, Anavaj Sakuntabhai3,4, Amadou A. Sall5, Gary Kobinger6,7,8,13,14, Marcel A. Müller9, Edward C. Holmes10, Félix A. Rey11,12, Etienne Simon-Loriere3,4, and Jonathan K. Ball 1,2,15.
1. School of Life Sciences, The University of Nottingham, Nottingham NG7 2RD, Royaume-Uni
2. NIHR Nottingham Digestive Diseases Biomedical Research Unit, The University of Nottingham, Nottingham University Hospitals NHS Trust, Nottingham NG7 2UH, Royaume-Uni.
3. Functional Genetics of Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, 75724 Paris Cedex 15, France.
4. Centre National de la Recherche Scientifique, Unité de Recherche Associée 3012, 75015 Paris, France.
5. Arbovirus and Viral Hemorrhagic Fever Unit, Institut Pasteur de Dakar, BP 220 Dakar, Sénégal.
6. Special Pathogens Program, National Microbiology Laboratory, Public Health Agency of Canada, Ottawa, ON K1A 0K9, Canada.
7. Special Pathogens Program, National Microbiology Laboratory, Public Health Agency of Canada, Winnipeg, MB R3E 3R2, Canada.
8. Department of Medical Microbiology, Faculty of Medicine, University of Manitoba, Winnipeg, MB R32T 2N2, Canada.
9. Institute of Virology, University of Bonn Medical Center, 53127 Bonn, Allemagne.
10. Marie Bashir Institute for Infectious Diseases and Biosecurity, Charles Perkins Centre, School of Life and Environmental Sciences and Sydney Medical School, The University of Sydney, Sydney, NSW 2050, Australie.
11. Institut Pasteur, Département de Virologie, Unité de Virologie Structurale, 75724 Paris Cedex 15, France.
12. Centre National de la Recherche Scientifique, Unité Mixte de Recherche 3569, 75724 Paris Cedex 15, France.
13. Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie, Université Laval, QC G1V 0A6, Canada.
14. Department of Pathology and Laboratory Medicine, University of Pennsylvania, Philadelphia, PA 19104, Etats-Unis.
Mis à jour le 10/11/2016