Les atteintes auditives touchent des centaines de millions de personnes à travers le monde. Des chercheurs de l’Institut de l’Audition ont cartographié l’expression spatio-temporelle des gènes à l’échelle unicellulaire au sein de la cochlée, l’organe sensoriel de l’audition, ouvrant la voie au développement de traitements des formes héréditaires de surdité par thérapie génique.
Parmi les cinq sens majeurs, l’audition est le plus fréquemment touché. La grande majorité de ces pathologies concernent la cochlée, l’organe sensoriel de l’audition, et sont incurables : seules des prothèses ou des aides auditives peuvent être proposées aux malentendants.
Face aux atteintes auditives, les thérapies géniques sont aujourd’hui considérées particulièrement prometteuses pour soigner les patients. Parmi les stratégies développées, certaines consistent à introduire un fragment de molécule d’ADN (une copie normale du gène défectueux) dans les cellules atteintes, dans le but d’entraîner la production de la protéine normale afin de réparer ou compenser les effets délétères de la maladie génétique correspondante. À côté de ces thérapies géniques dites de remplacement, d’autres dites d’editing consistent à modifier in situ la copie atteinte du gène.
La stratégie de remplacement, de loin la plus développée aujourd’hui, implique que le gène thérapeutique ait une expression spatio-temporelle qui mime celle du gène endogène. Or c’est précisément sur ce point que les connaissances du profil d’expression des gènes dans la cochlée manquent et deviennent particulièrement pénalisantes, empêchant la caractérisation des séquences régulant l’expression des gènes de la cochlée, une étape pourtant indispensable pour réguler finement l’expression d’un gène thérapeutique.
Cartographier l’expression des gènes dans la cochlée
Dans une étude parue le 20 juin dans PNAS, des chercheurs de l’Institut de l’Audition, centre de l’Institut Pasteur dédié aux recherches en neurosciences auditives, expliquent avoir réalisé le premier atlas d’expression des gènes de la cochlée de souris. « Nous avons établi la chronologie de l’expression des gènes dans près de 120 000 cellules à trois stades critiques du développement de la cochlée. Cela nous a permis de caractériser plus de 30 types cellulaires, d’en découvrir trois nouveaux, de préciser la façon dont se développe cet organe, et de clarifier comment se mettent en place les propriétés biophysiques complexes nécessaires à l’analyse fréquentielle des sons », décrivent Nicolas Michalski et Christine Petit, chercheurs à l’Institut de l’Audition et co-directeurs de l’étude.
Les chercheurs ont aussi pu classifier finement les gènes impliqués dans la surdité et/ou le développement de la cochlée, en fonction de leurs différents profils d’expression dans les divers types cellulaires de la cochlée. « Ces découvertes devraient considérablement accélérer l’identification des types cellulaires touchés par des variants géniques pathogéniques impliqués dans la surdité, ce qui devrait permettre de développer des thérapies ciblées visant à restaurer l’audition » affirme Philippe Jean, chercheur à l’Institut de l’Audition et premier auteur de l’étude.
Source
Single-cell transcriptomic profiling of the mouse cochlea: An atlas for targeted therapies, PNAS, June 20, 2023, https://doi.org/10.1073/pnas.2221744120