Des chercheurs de l’Institut Pasteur prouvent que les cellules NK (cellules tueuses naturelles du système immunitaire) migrent dans les follicules des ganglions lymphatiques et y contrôlent la réplication du virus SIV (virus de l’immunodéficience simienne). C’est une nouvelle fonction des cellules NK qui est ici découverte. La découverte a pu être réalisé grâce à l’étude de l’infection SIV chez les singes verts africains. Elle ouvre des pistes pour parvenir un jour à contrôler le VIH chez l’homme, à l’arrêt du traitement, ce qui n’est observé aujourd’hui que rarement chez quelques patients dits post-treatment controllers. Et pourquoi pas, bientôt, découvrir que les cellules NK ont, dans les ganglions lymphatiques, un rôle dans d’autres infections virales ? Ou encore lors de vaccinations ?…
« On sait que le virus du sida (VIH) se répliquent dans beaucoup de tissus et qu’une fois installé, on ne parvient pas s’en débarrasser », commence Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité HIV, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur. Les trithérapies font aujourd’hui baisser la charge virale dans le sang, qui devient indétectable avec les tests hospitaliers, bien que « toujours détectable si on effectue des tests en laboratoires, notamment dans les tissus », précise la chercheuse. Cependant, à l’arrêt du traitement, la charge virale sanguine revient à son niveau initial rapidement, en moyenne en deux semaines. On sait donc que le virus persiste dans des réservoirs et attend de pouvoir ressurgir.
Etonnamment, quelques patients contrôlent la réplication virale à eux seuls après arrêt du traitement (patients de la cohorte VISCONTI) : « Ceux-là ont moins de virus dans leurs réservoirs et probablement acquis une réponse immunitaire plus forte », souligne Michaela Müller-Trutwin. La grande question reste donc de trouver un jour une thérapie qui permettra de diminuer les réservoirs viraux et renforcer les réponses immunes pour mettre les patients sur le chemin de la rémission.
Une nouvelle fonction des cellules tueuses naturelles du système immunitaires (dites NK)
Michaela Müller-Trutwin et son équipe se sont alors focalisés sur l’étude des ganglions lymphatiques, qui représentent le réservoir tissulaire le plus important du VIH : « Il y a deux zones dans le ganglion, une zone où se trouvent les lymphocytes T CD8 et une zone où se trouvent les lymphocytes B (les follicules). Le virus se cache et se réplique dans les lymphocytes T CD4 au sein des follicules ». Ils viennent de faire la preuve que les cellules NK (cellules tueuses naturelles, ou Natural Killer, du système immunitaire) migrent dans les follicules des ganglions lymphatiques et y contrôlent la réplication du virus SIV (virus de l’immunodéficience simienne), chez les singes verts africains. C’est une nouvelle fonction des cellules NK qui est ici découverte.
« Nous étudions les singes verts d’Afrique car ils sont infectés, depuis au moins 100 000 ans, par le SIV, un virus proche au VIH de l’homme, poursuit Michaela Muller-Trutwin. Pourtant, ils ont trouvé un équilibre, la moitié d’entre eux sont porteurs du SIV avec des niveaux de charge virale sanguine très élevés, mais ils ne sont pas malades, leur système immunitaire se maintient. » Comment peuvent-il avoir beaucoup de virus dans le sang et arriver à protéger leurs ganglions afin qu’ils en deviennent pas un réservoir du SIV ? Les cellules NK, jouent un rôle essentiel dans l’immunité antivirale, mais la connaissance de leur fonction dans les organes lymphoïdes secondaires est incomplète. « On a même longtemps pensé les cellules NK n’avaient pas de rôle particulier dans les ganglions lymphatiques. Pourtant, on a observé que chez le singe vert d’Afrique, les cellules NK s’activent fortement dans les ganglions suite à l’infection par le SIV. Nous avons donc cherché à comprendre pourquoi elles faisaient ça… »
Pourquoi les cellules NK vont dans les ganglions?
Et les observations des chercheurs sont surprenantes. Suite à l’infection SIV, ces cellules NK expriment très rapidement un récepteur à leur surface (dit CXCR5), récepteur qui leur permet d’être attirés par les follicules présents dans les ganglions lymphatiques : « Les cellules NK se retrouvent ainsi dans un endroit où elles ne sont pas censées être », reprend la chercheuse. Et que font-elles dans les ganglions ? « Elles contrôlent la réplication virale. » L’équipe a montré que l’infection SIV induit chez le singe vert une production de la cytokine IL-15 dans les follicules. L’IL-15 est en effet connue pour être impliqué dans la survie et la fonction cytotoxique des cellules NK. En enlevant les cellules NK, une réplication massive dans les ganglions, et notamment dans les follicules apparaissait. Preuve est faite que les cellules du tueur naturel (NK) ont donc un rôle important dans la réplication virale dans les ganglions lymphatiques, chez des singes porteurs du SIV et ne développant pas la maladie.
« C’est une nouvelle fonction des cellules NK que nous mettons au jour, à savoir leur capacité à migrer dans et se différencier au sein des follicules des ganglions lymphatiques afin de contrôler la réplication virale dans un site connu comme étant le réservoir anatomique principal du VIH », résume Michaela Müller-Trutwin.
Un nouvel espoir dans la lutte contre les infections virales
Plusieurs questions se présentent désormais à la communauté scientifique. Pour étudier s’il existe des corrélations entre les patients qui contrôlent la maladie après traitement et la fonction de leurs cellules NK au sein des ganglions lymphatiques. Ou encore pour savoir si les NK au sein des ganglions lymphatiques auraient un rôle dans d’autres infections virales. La présence inattendue des cellules NK dans les follicules pose également la question sur leur interaction avec d’autres cellules présentes dans cette zone, notamment les lymphocytes B et l’impact sur les réponses anticorps lors de stratégies vaccinales. Un nouveau pan de recherche s’ouvre dans la compréhension de la biologie du système immunitaire.
Ces travaux ont été financés par le VRI (ANR-10-LABX-77), l’ANRS et l’Institut Pasteur.
Source
Natural killer cells migrate into and control simian immunodeficiency virus replication in lymph node follicles in African green monkeys, Nature Medicine, 16 octobre 2017
Nicolas Huot1,2, Beatrice Jacquelin1, Thalia Garcia-Tellez1, Philippe Rascle1–3, Mickaël J Ploquin1, Yoann Madec4, R Keith Reeves5, Nathalie Derreudre-Bosquet6 & Michaela Müller-Trutwin1,2
1. Unit on HIV, Inflammation and Persistence, Institut Pasteur, Paris, France.
2. Vaccine Research Institute, Créteil, France.
3. Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.
4. Epidemiology Unit, Institut Pasteur, Paris, France.
5. Center for Virology and Vaccine Research, Beth Israel Deaconess Medical Center, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, USA.
6. Commissariat à l'Energie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA), Université Paris Sud 11, INSERM U1184, Immunology of Viral Infections and Autoimmune Diseases (IMVA), Institut de Biologie François Jacob (IBJF), Infectious Disease Models and Innovative Therapies (IDMIT) Department, Fontenay-aux-Roses, France.
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