Candida albicans est une levure présente dans l’intestin, et dont la prolifération peut être mortelle chez les patients immunodéprimés. Des chercheurs ont montré que cette prolifération était contrôlée par des β-lactamases, des enzymes produites par certaines bactéries du microbiote intestinal.
Notre intestin contient des milliers de milliards de microorganismes, soit bien plus que le nombre de cellules composant notre corps. Ces microorganismes forment ce que l’on appelle le microbiote intestinal, lequel n’est jamais exactement le même d’un individu à l’autre.
Candida albicans est une levure qui peut se trouver en faible densité dans notre intestin. Mais, après la prise d’antibiotiques, C. albicans pourrait proliférer dangereusement et traverser la paroi intestinale. Ceci créerait alors des conditions favorables au développement d’une infection généralisée par cette levure, la candidose systémique, mortelle dans près de la moitié des cas.
Chercher l’ADN pour trouver la levure
Pour mettre cette hypothèse à l’épreuve, des chercheurs de l’unité Biologie et pathogénicité fongiques de l’Institut Pasteur, ont fait appel à 22 patients volontaires. Ceux-ci ont été traités avec des céphalosporines, des antibiotiques (β-lactamines) puissants souvent utilisés dans les hôpitaux.
Les scientifiques ont alors constaté que les champignons représentaient une petite fraction des espèces du microbiote intestinal, mais avec une grande variété de populations fongiques entre volontaires. Ils ont par ailleurs utilisé une technique de détection très fine, dite qPCR, qui mesure la quantité d’ADN dans un échantillon. « Nous avons ainsi découvert que C. albicans était présente chez presque tous les individus, mais parfois en très faible densité. Au point de la rendre non détectable avec les méthodes traditionnelles par culture, ce qui pouvait laisser croire que cette espèce était absente. » rapporte Christophe d’Enfert, chef de l’unité et co-auteur de l’étude.
L’influence d’une antibiothérapie sur la prolifération de C. albicans
Ainsi, presque tout le monde pourrait développer une candidose, à partir du moment où ses défenses immunitaires sont très affaiblies. Dans ce cas, quid des effets des antibiotiques ? « Préalablement à l’étude, nous pensions que les traitements antibiotiques auraient un effet similaire chez tous les volontaires. Il n’en a rien été : chez certaines personnes, mais pas toutes, C. albicans a beaucoup proliféré. Nous avons pu relier ces différences à la quantité de β-lactamases présentes au sein du microbiote de chaque volontaire. » explique Margot Delavy, chercheuse au sein de l’unité et co-autrice de l’étude. Certaines bactéries du microbiote sont en effet capables de produire naturellement cette enzyme responsable de la résistance à certains antibiotiques. « Il pourrait s’agir d’un facteur clé pour expliquer les différences individuelles de risque de prolifération de C. albicans dans l’intestin des patients fragiles traités par antibiotiques » précise Marie-Elisabeth Bougnoux, chercheuse au sein de l’unité et co-autrice de l’étude.
Il est encore trop tôt pour dire si ces observations pourront aboutir à une meilleure prévention des infections à C. albicans chez les patients fragiles mais, dans tous les cas, des perspectives nouvelles se sont ouvertes.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source
A Clinical Study Provides the First Direct Evidence That Interindividual Variations in Fecal β-Lactamase Activity Affect the Gut Mycobiota Dynamics in Response to β-Lactam Antibiotics. MBio, 13(6). https://doi.org/10.1128/mbio.02880-22
Margot Delavy,a Charles Burdet,b,c Natacha Sertour,a Savannah Devente,d Jean-Denis Docquier,d Nathalie Grall,b Stevenn Volant,e Amine Ghozlane,e Xavier Duval,b,f France Mentré,b,c Christophe d’Enfert,a Marie-Elisabeth Bougnoux,a,g (2022).
aInstitut Pasteur, Université Paris Cité, INRAE USC2019, Unité Biologie et Pathogénicité Fongiques, Paris, France
bUniversité Paris Cité, IAME, INSERM, Paris, France
cAP-HP, Département d’Epidémiologie, Biostatistique et Recherche Clinique, Hôpital Bichat, Paris, France
dUniversità di Siena, Dipartimento di Biotecnologie Mediche, Siena, Italy
eInstitut Pasteur, Université Paris Cité, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, France
fClinical investigation center, INSERM 1425, IAME, Hôpital Bichat, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP), Université Paris Cité, Paris, France
gUnité de Parasitologie-Mycologie, Service de Microbiologie Clinique, Hôpital Necker-Enfants-Malades, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP), Paris, France