Une évaluation nationale révèle les bienfaits pour la santé, pour l’économie et pour le climat de la pratique du vélo en France. Non seulement, l’étude démontre que la pratique du vélo permet d’éviter près de 2000 décès par an, mais également que chaque kilomètre parcouru en vélo permet d’éviter 1 euro de coûts sociaux en santé. Cette étude inédite a été réalisée par des chercheurs de l’unité PACRI, associant le Cnam et l’Institut Pasteur, en collaboration avec le CNRS.
« À chaque kilomètre de vélo parcouru, c’est 1 euro de coûts sociaux de santé évités. »
Dans les pays occidentaux comme la France, 40 % des personnes ont une maladie liée à la faible activité physique, ce qui génère environ 10 % des décès. On sait que l’activité physique pourrait éviter ces maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 ou encore la démence. Mais combien ? Comment mesurer l’ampleur du bénéfice ? « Quand une personne fait 1h40 de vélo par semaine, elle réduit son risque de décès de 10%, souligne Kévin Jean, chercheur dans l’unité Pasteur-Cnam sur les risques infectieux et émergents. Ce constat repose sur une analyse de la littérature scientifique sur le lien entre activité physique et événements de santé. C’est sur ce constat de base que s’est appuyé l’étude réalisée par l’unité PACRI - Pasteur-Cnam risques infectieux et émergents. Elle associe un laboratoire du Conservatoire national des arts et métiers (Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires, dirigé par Laura Temime) et une unité de l’Institut Pasteur (Epidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur, dirigée par Arnaud Fontanet).
« À partir des données de la littérature, nous avons conduit une évaluation de l’impact sanitaire de la pratique du vélo. C’est une approche de référence pour évaluer à large échelle l’impact sur la santé de politiques ou d’infrastructures. » Tous les 10 ans, une enquête nationale de l’Insee est réalisée sur les moyens de transports empruntés par les Français. À partir des données individuelles de mobilité de l’enquête 2018-2019, « nous avons conduit une analyse jamais effectuée à l’échelle nationale de manière si détaillée. Non seulement, nous avons pris en compte le risque de décès mais aussi le risque de développer une maladie chronique parmi les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, la démence, le cancer du côlon et celui du sein. Et nous avons estimé et chiffré les bénéfices économiques et sanitaires de la pratique du vélo. »
Faire du vélo, c’est protéger sa santé et faire économiser à la collectivité
« D’un point de vue sociétal, le vélo reste un moyen de déplacement minoritaire en France, stagnant à une valeur de 3% d’utilisation entre 2009 et 2019. Les Français font en moyenne 7 à 8 minutes de vélo par semaine c’est-à-dire 5 à 10 fois moins que les Hollandais de plus de 75 ans ; et trois-quarts des cyclistes sont des hommes », constate Kévin Jean.
Si l’activité cycliste des Français et des Françaises reste relativement faible, sa pratique représente néanmoins 5 milliards de kilomètres en 2019. Ce niveau de pratique permet déjà d’éviter 2 000 décès par an et 6 000 cas de maladies chroniques ! Or, « chacune de ces maladies est associée à des dépenses de santé et on estime ainsi que notre pratique du vélo en 2019 permet d’éviter une dépense de 200 millions d’euros par an pour l’Assurance maladie », chiffre Kévin Jean. Le coût des décès, lui, n’est pas direct pour la collectivité. Pour donner une valeur monétaire aux décès évités, les économistes utilises la notion de coûts sociaux de santé : en France, la valeur la plus utilisée valorise un décès évité à hauteur d’environ 3 millions d’euros.
L’étude révèle ainsi que près de 5 milliards d’euros d’économie sont réalisées chaque année en France grâce à la pratique du vélo ! « À chaque kilomètre de vélo parcouru, c’est 1 euro de coûts sociaux de santé évités. »
Les bénéfices estimés dans l’étude sont certainement sous-évalués, d’une part parce que la pratique du vélo a fortement augmenté depuis la période Covid, d’autre part parce que certaines pathologies n’ont pas pu être prises en compte (la dépression notamment).
Un scénario profitable à la santé, mais aussi au climat
Que se passerait-il si on faisait à vélo les 25 % de trajets de moins de 5 km effectués aujourd’hui en voiture par les Français ? « On pourrait prévenir 2 000 décès supplémentaires et économiser 2,5 milliards d’euros », détaille Kevin Jean.
S’ajoutent à ces bienfaits, des bénéfices climatiques de plusieurs centaines de milliers de tonne de CO2 émis en moins. « C’est comparable à la réduction des émissions de CO2 permise en 2015-2016 par le crédit d’impôt pour l’efficacité énergétique pour la rénovation thermique des logements. » Déjà bien fournie en enseignements, l’étude n’a pas mesuré les bénéfices attendus en matière de pollution atmosphérique.
La pratique du vélo est donc bonne pour la santé, pour le porte-monnaie et pour le climat. « Il est démontré que promouvoir le vélo par la création d’infrastructures, comme des pistes cyclables ou des parkings à vélo par exemples, des aides financières et la restriction des places pour les voitures, permettraient d’attirer de nouveaux adeptes du vélo. Sa promotion est donc une véritable politique de santé publique. »
Par ailleurs, une politique en faveur du vélo devrait améliorer la répartition hommes-femmes parmi les cyclistes amateurs car on observe que les femmes font davantage de vélo dans les pays où les infrastructures cyclables sont sécurisées.
Pour plus d'informations, vous pouvez consulter cet article de The Conversation.
Source :
The untapped health and climate potential of cycling in France: a national assessment from individual travel data, The Lancet Regional Health Europe, February 29, 2024
DOI : https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2024.100874