Contrôler la multiplication des cellules du cœur permettrait de soigner des pathologies comme l’insuffisance cardiaque, aujourd’hui seulement traitées par la greffe d’organe voire la pose d’un cœur artificiel. L’unité Coordination des cellules et morphogenèse, dirigée par Sigolène Meilhac à l’Institut Pasteur et l'Institut Imagine, a découvert une nouvelle voie de signalisation dans la prolifération des cellules cardiaques, impliquant des protéines connues des chercheurs, Fat4 et Amotl1. Utiliser ces protéines serait une piste pour être capable de réparer un jour le cœur.
On sait que lorsqu’un être vivant se développe, non seulement son corps grandit mais son cœur aussi. Le cœur a en effet besoin de croître, de grossir, pour être capable de propulser le sang plus loin dans l’organisme. Chez le fœtus en plein développement, les cellules cardiaques se multiplient et, avec davantage de cellules, la taille du cœur augmente. Chez l’homme, après la naissance, les cellules cardiaques ne se multiplient plus mais les cellules existantes peuvent grossir dans certains cas : c’est le cas chez les sportifs ou les femmes enceintes, par exemple, qui ont des besoins plus importants en afflux sanguins. « Etudier le contrôle de taille du cœur est intéressant pour comprendre comment nous pourrions redonner aux cellules du cœur leur capacité à se multiplier et donc à réparer l’organe, explique Sigolène Meilhac, responsable de l’unité Coordination des cellules et morphogenèse. Aujourd’hui, si les zones lésées du cœur sont trop importantes, après un infarctus par exemple, le patient devient insuffisant cardiaque et la seule solution de traitement pour lui demeure la greffe ou la pose d’un coeur artificiel [en cours d’essais cliniques]. Ce sont des voies thérapeutiques très lourdes. Conserver son cœur, en lui permettant de fabriquer de nouvelles cellules révolutionnerait le traitement. »
Sigolène Meilhac étudie ainsi la voie de signalisation dite Hippo, connue pour contrôler la taille des organes, et en particulier celle du cœur. Un laboratoire américain a montré, en 2011, que si la prolifération des cardiomyocytes (cellules musculaires du cœur) est quasiment arrêtée chez l’adulte, pendant un temps restreint, chez la jeune souris, ces cellules conservent un peu de leur capacité à se multiplier. « Nous connaissions déjà le facteur Yap1, effecteur de la voie de signalisation Hippo, pour sa capacité à réguler la croissance du cœur. Des protéines membranaires étaient également connues pour moduler l’activité de Yap1 mais uniquement chez la mouche, comme la protéine Fat4 », souligne la chercheuse. Un Fat4 muté entraîne un myocarde épais avec des cellules contractiles plus nombreuses et un cœur plus gros. « En explorant les voies de signalisation, nous avons découvert que Fat4 séquestre une protéine appelée Amotl1, connue pour agir sur la prolifération des cellules du foie. Or, Amotl1 est partenaire de Yap. Résultat, en bloquant Fat4, on libère Amotl1 et Yap1, et on favorise la croissance du cœur. » Une nouvelle voie de signalisation dans la prolifération des cellules cardiaques a ainsi été découverte par l’équipe française. Puisque le cœur adulte ne sait pas se réparer tout seul, la question désormais soulevée est : comment guider la molécule Amotl1 pour lui permettre de provoquer la croissance ciblée du myocarde ? C’est la prochaine étape des travaux de l’équipe de Sigolène Meilhac à l’Institut Pasteur.
Source
Amotl1 mediates sequestration of the Hippo effector Yap1 downstream of Fat4 to restrict heart growth, Nat Commun. 27 février 2017.
Chiara V. Ragni,1,2,3,* Nicolas Diguet,1,2,* Jean-François Le Garrec,1,2,† Marta Novotova,4 Tatiana P. Resende,5,6 Sorin Pop,7,8 Nicolas Charon,9,10 Laurent Guillemot,1,† Lisa Kitasato,† Caroline Badouel,11 Alexandre Dufour,7,8 Jean-Christophe Olivo-Marin,7,8 Alain Trouvé,9,10 Helen McNeill,11 and Sigolène M Meilhac a,1,2,†
1 Institut Pasteur, Department of Developmental and Stem Cell Biology, 75015 Paris, France.
2 CNRS URA2578, 75015 Paris, France.
3 Sorbonne Universite´s, UPMC Université Paris 06, IFD, 4 Place Jussieu, 75005 Paris, France.
4 Institute of Molecular Physiology and Genetics, Centre of Biosciences, Slovak Academy of Sciences, Du´bravska´ cesta 9, 84005 Bratislava, Slovak Republic.
5 Instituto de Investigaçao e Inovaçao em Saude (i3S), Universidade do Porto, 4200-135 Porto, Portugal.
6 Instituto de Engenharia Biomédica (INEB), Universidade do Porto, 4200-135 Porto, Portugal.
7 Institut Pasteur, Quantitative Image Analysis Unit, 75015 Paris, France.
8 CNRS URA 2582, 75015 Paris, France.
9 ENS Cachan, Center of Mathematics and Their Applications, 94235 Cachan, France.
10 CNRS UMR 8536, 94235 Cachan, France.
11 Samuel Lunenfeld Research Institute, Mt Sinai Hospital, Toronto, Ontario, Canada M5G 1X5.
* These authors contributed equally to this work.