« Un esprit sain… avec un microbiote sain ». Ainsi pourrait être résumée une récente étude démontrant le lien étroit entre la composition du microbiote intestinal et les troubles dépressifs. Dans le même travail, les scientifiques ont également apporté la preuve que la communication directe entre le microbiote intestinal et le cerveau nécessite la présence du nerf vague, ouvrant la voie à des solutions thérapeutiques.
L’organisme humain, à l’âge adulte, est composé de 100 000 milliards de cellules. Il est également en étroite collaboration avec un nombre sensiblement équivalent de microbes -bactéries, virus ou champignons. Cette communauté microbienne, que l’on appelle microbiote, joue un rôle capital dans de nombreux processus biologiques essentiels comme l’immunité ou le métabolisme.
Depuis quelques années, les scientifiques se penchent plus spécifiquement sur le microbiote intestinal et sa composition. Son étude approfondie peut nous permettre de mieux comprendre ses implications sur la santé humaine. Récemment par exemple, un lien a été établi entre le microbiote intestinal et certaines réactions inflammatoires. Précédemment, un dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau, associé à des troubles métaboliques comme le diabète ou l’obésité, avait également été mis en évidence.
Dans une étude conjointe entre l’Institut Pasteur, le CNRS et l’Inserm, des scientifiques ont mis à jour, dans un modèle animal, un autre lien fort entre le cerveau et le microbiote intestinal. Les chercheurs et chercheuses ont observé que le transfert de microbiote de souris stressées à des souris saines entraînait chez ces dernières tous les symptômes caractéristiques d’un état dépressif : diminution de la motivation, perte du plaisir et apathie.
Le nerf vague permet une communication directe entre le microbiote intestinal et le cerveau
Les scientifiques ne se sont pas arrêtés à cette observation et ont poussé leur étude plus loin, esquissant une possible piste thérapeutique. Ils ont également effectué sur les souris venant de recevoir du microbiote de souris stressées une vagotomie, c’est-à-dire une section chirurgicale du nerf vague au niveau de l’abdomen. Résultat ? Ces souris au microbiote intestinal nouvellement déséquilibré ne présentent pas de symptômes du trouble dépressif. « Nous avons montré que le découplage de l’intestin et du cerveau par la vagotomie suffit à protéger le sujet d’un état dépressif que produit la dysbiose intestinale » explique Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche CNRS et responsable de l’unité Perception et mémoire à l’Institut Pasteur.
En révélant le rôle protecteur de la vagotomie dans l’induction de certaines formes de dépression, cette étude conduite chez l’animal permet d’envisager des stratégies thérapeutiques alternatives pour soulager de la dépression 30 % des personnes traitées par des antidépresseurs qui ne ressentent aucun effet bénéfique malgré ce traitement. Reste dorénavant à tester cette hypothèse et à valider les résultats de ces travaux chez l’être humain.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’AG2R La Mondiale.
Source:
Gut microbiota changes require vagus nerve integrity to promote depressive-like behaviors in mice, Molecular Psychiatry, 2 mai 2023
Eleni Siopi1,2, Mathieu Galerne2,4, Manon Rivagorda2,4, Soham Saha1, Carine Moigneu1, Stéphanie Moriceau3, Mathilde Bigot1, Franck Oury2,5 and Pierre-Marie Lledo1,5
1Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS UMR 3571, Perception and Memory Unit, 75015 Paris, France.
2Université Paris Cité, CNRS, INSERM, Institut Necker Enfants Malades-
INEM, 75015 Paris, France.
3Platform for Neurobehavior and Metabolism, Structure Fédérative de Recherche Necker, 26 INSERM US24/CNRS UAR 3633, 75015 Paris, France.
4These authors contributed equally: Mathieu Galerne, Manon Rivagorda.
5These authors jointly supervised this work: Franck Oury, Pierre-Marie Lledo.