La maladie de Lyme est due à une bactérie transmise par la piqûre d’une tique infectée du genre Ixodes. Des chercheurs de l’Institut Pasteur se sont intéressés à l’infection des tiques, en présence du Tamia de Sibérie, un rongeur suspecté d’être un réservoir pour la bactérie. Cet animal de compagnie, populaire dans les années 70, a été introduit dans certaines forêts où il prolifère aujourd’hui, comme au sud-est de Paris dans la forêt de Sénart. Les travaux ont permis de vérifier que ces tamias étaient responsables d’une augmentation d’infection des tiques. Toutefois, les tiques sont moins nombreuses là où se trouvent les tamias. Explications.
La borréliose de Lyme (BL), parfois aussi appelée maladie de Lyme, liée à des bactéries pathogènes du complexe Borrelia burgdorferi au sens large, est la zoonose vectorielle la plus répandue dans l’hémisphère nord. En France, elle est transmise par la tique Ixodes ricinus, un arthropode qui parasite un grand nombre d’hôtes dont certains sont réservoirs de Borrelia (petits mammifères, oiseaux, reptiles), l’homme n’étant qu’un hôte accidentel. Parmi ces petits mammifères réservoirs se trouve le Tamia de Sibérie (Tamias sibiricus), un rongeur devenu animal de compagnie dans les années 70, souvent abandonné par ses propriétaires dans les forêts alentours.
Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont donc évalué l’évolution de l’infection des tiques par les différentes espèces de bactéries Borrelia. En comparant les résultats obtenus pendant trois ans1 (en 2008, 2009 et 2011), ils ont déterminé les conséquences de la prolifération de cette espèce de rongeurs non indigène sur le risque de transmission de la maladie.
« Nous avons exploré les facteurs éco-épidémiologiques de la maladie de Lyme dans trois forêts d’Île-de-France (Sénart, Notre-Dame et Rambouillet), explique Valérie Choumet, chercheuse au sein de l’unité Environnement et risques infectieux. La forêt de Sénart présente une particularité : le tamia y a été introduit il y a 40 ans puis a progressivement envahi la forêt, notamment la partie ouest, alors que la partie est compte encore peu de tamias. » Ainsi, les chercheurs ont étudié la forêt dans sa globalité et regardé s’il y avait des différences au niveau des taux d’infection des tiques mais aussi la densité des nymphes : « Nous avons déterminé leur nombre car elles sont petites et pas très visibles et, de ce fait, elles sont souvent responsables de la transmission de la maladie de Lyme à l’homme. »
Les résultats ont été comparés à ceux obtenus pour les tiques collectées en 2009 dans deux autres forêts périurbaines de l’Île-de-France (Rambouillet et Notre-Dame) qui n’ont pas été colonisés par ces rongeurs.
Les tamias infectent bien les nymphes
« Là où il y a des tamias, le taux d’infection des nymphes est en effet plus important », constate Valérie Choumet. Mais, par chance, cette partie de la forêt comporte moins d’arbres à fruits, comme les châtaigniers, et pourrait donc moins attirer les animaux sur lesquels les tiques font leurs repas de sang. « Les nymphes y sont donc moins nombreuses. »
De l’autre côté de la forêt, séparée de la partie ouest par une route nationale, il y a très peu voire pas de tamia. Ils commencent seulement à coloniser cette zone. « Cette partie est pourtant riche en châtaigniers et autres arbres à fruits. Elle attirerait donc des cerfs ou des sangliers sur lesquels les tiques se nourrissent et la densité des nymphes y serait ainsi plus importante. »
Pas de conclusion hâtive sur le risque en forêt de Sénart
L’étude fournit des informations intéressantes concernant la distribution spatio-temporelle ainsi que l’infection des tiques collectées dans les forêts périurbaines, qui sont d’importants sites de loisirs.
Les résultats suggèrent que le tamia, cette nouvelle espèce introduite, peut être impliquée dans le taux d’infection des tiques par Borrelia. Si sa population augmente, elle pourrait coloniser la partie de la forêt où les nymphes sont nombreuses et jouer un rôle important dans la transmission du pathogène. « Mais il faut rester prudent car la densité des nymphes infectées peut varier selon l’année ». Les années froides, il y a moins de rongeurs ; l’absence de fruits peut leur nuire… Autant de critères qui influent sur les populations d’animaux réservoirs.
Enfin, concernant la forêt de Sénart, « il n’y a pas, aujourd’hui, de partie de la forêt plus dangereuse que l’autre », souligne Valérie Choumet. Et le risque n’est pas plus important dans cette forêt que dans une autre. Sénart a été retenue parce qu’elle est depuis plusieurs années un site d’étude important, de nombreuses données y ont été collectées et peuvent être analysées. Le risque existe dans n’importe quelle forêt. D’ailleurs, « on peut souligner que le risque identifié dans les forêts périurbaines de l’Île-de-France est inférieur à celui trouvé en Alsace en 2003-2004, où le taux d’infestation des tiques par Borrelia et la densité des nymphes infectées étaient significativement plus élevés. » Et encore… Comme le risque varie selon des années, « des données plus récentes de nos confrères en Alsace montrent des taux moins élevés aujourd’hui. » La surveillance de la maladie se poursuit donc avec, au niveau national, le centre de référence des Borrelia situé aujourd’hui à Strasbourg2.
1. Travaux effectués avec le Centre national de référence des Borrelia, lorsqu’il était hébergé à l’Institut Pasteur de 2002 à 2011.
2. CNR des Borrelia actuel.
Lyme, une maladie complexe
Source
Infection of Ixodes ricinus by Borrelia burgdorferi sensu lato in peri-urban forests of France, PLoS One, 28 août 2017.
Axelle Marchant1*, Alain Le Coupanec1*, Claire Joly1*, Emeline Perthame2, Natacha Sertour1, Martine Garnier1, Vincent Godard3, Elisabeth Ferquel1,§*, Valerie Choumet1,4,$*
1 Centre National de Référence des Borrelia, Institut Pasteur, 28 rue du Dr Roux, 75724 Paris cedex 15, France
2 Institut Pasteur – Bioinformatics and Biostatistics Hub – C3BI, USR 3756 IP CNRS – Bioinformatique et Biostatistique, 28 rue du Dr Roux, 75724 Paris cedex 15, France
3 CNRS-UMR7533/LADYSS, Université de Paris 8 - Saint-Denis, France
4 Unité Environnement et Risques Infectieux, Institut Pasteur, 25 rue du Docteur Roux, 75724 Paris cedex 15, France
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